Je remercie chaleureusement tous les organes d’information. Journaux traditionnels ou en ligne, radios, télés… Samedi, “ils sont venus, ils étaient tous là !” Ils voulaient savoir pourquoi Jules Bénard, ce gourmand invétéré, avait décidé de se punir aussi sévèrement en se privant de ce qu’il adore.
Je crois que la majorité des Réunionnais a bien compris le sens de mon engagement physique aux côtés des grévistes de l’ARAST. Mais certaines réactions me disent que quelques-uns se demandent si je ne cherche pas à me faire de la pub.
La pub, je l’ai déjà ! grâce au documentaire sur Sitarane diffusé par Antenne Réunion. J’ai décidé de profiter de la petite notoriété que m’a value cette émission. Ça plus le fait que j’ai une grande gueule. Des personnes se demandent ce que je fais là ? Excellent, on va leur répondre.
Au départ, j’avais décidé d’écrire sur cette lamentable affaire. Lamentable, honteuse, ignominieuse, révoltante, les mots me manquent.
Voilà deux organismes, AGS et, surtout Conseil général, qui tirent parti de deux décisions de justice contradictoires pour ne pas payer à des salariés des indemnités qui leur sont légitimement dues. On n’est pas plus lâche ! Ceux qui ont l’argent refusent de payer ; que les quelque 300 licenciés restant sur le carreau se dem… comme ils peuvent pour rester en vie ! Qu’ils se débrouillent pour nourrir leurs conjoints, leurs enfants ! Comme d’habitude, les modestes, “les petits, les sans-grade”, le peuple d’en bas, paient les pots cassés pendant que les gros se gobergent, ici ou à Bangkok.
Ce sentiment de révolte s’est amplifié en moi quand j’ai entendu un leader syndicaliste traiter les grévistes de “manipulés”.
Cette “huile” de la CGTR, au début du mouvement de protestation, était pourtant avec les ex-ARAST. Emporté par un incompréhensible élan de générosité, il avait pourtant, pour une fois, laissé parler son cœur plutôt que la dialectique. Le pauvre ! Que n’eût-il d’abord sollicité l’aval de ses seigneurs et maîtres du cacochyme Comité central ! Cela lui aurait évité de sombrer dans le ridicule. Le voilà obligé d’opérer un virage à 180° et de renier son engagement : le maître avait sifflé, chien-chien rentrait à la niche la queue entre les jambes. Les résistants de l’ARAST devenaient des pestiférés. Si ça, ce n’est pas de la manipulation, qu’on me dise ce que c’est !
Une femme, un homme, des pères et des mères de famille sont des manipulés quand ils mettent leur existence en péril parce qu’ils sont lésés dans leurs droits les plus élémentaires ? L’ancien enseignant que je suis ne peut accepter ce dévoiement du vocabulaire. Surtout pas pour des raisons de basse politique.
Alors, pendant que ces gens renient la simple humanité et les droits légitimes d’un peuple qu’ils prétendent défendre ; pendant qu’ils tentent de se valoriser en glorifiant un vulgaire assassin (Eli n’était pas le chef, ni même le concepteur de la révolte de Saint-Leu !) ; pendant qu’ils laissent pourrir une situation révoltante, j‘ai décidé que parler et écrire n’était plus suffisant. Lorsqu’on a des convictions, on les assume jusqu’au bout !
Un autre fait m’a convaincu que j’étais dans le vrai, c’est l’extraordinaire dévouement des travailleurs de l’ARAST. Depuis 2 ans qu’elle n’est plus payée, une de ces braves femmes continue néanmoins de s’occuper d’un de mes potes handicapé en attendant des jours meilleurs. Sans elle, il vivrait dans un cloaque. Chapeau !
Si mon engagement peut modestement servir à faire bouger les choses, ma conscience sera satisfaite.
Deux choses m’important : 1) La majorité de la population et toute la presse semblent m’approuver. 2) Ma fille Leïla m’a écrit : “Papa tu déconnes… mais je suis fière de toi !”
En regard de ça, les palinodies, les reniements, les trahisons et la lâcheté des élus ne sont que de la poussière. Et le propre de la poussière est d’être aisément balayée par le vent. Un vent électoral, par exemple. Ou un cyclone, devrais-je dire ? Choisissez votre camp…
Jules Bénard
Dernière heure : Mon pote Axel Payet, licencié ès-coléoptères, me demandait ce qu’il pouvait faire en tant que simple citoyen. Il est venu dimanche, avec se banderole et son panneau. “J’accuse !” qu’il dit. Et vous ?