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[Absinium] Le spécisme ordinaire et la barbarie justifiés par Libération

Ce soir, à 1h42 à la Réunion, je découvre l’article de Libération: Pourquoi les vegans ont tout faux. (www.liberation.fr/debats/2018/03/18/pourquoi-les-vegans-ont-tout-faux_1637109). Pensant qu’on allait me parler de nouvelles recherches, de nouveaux courants de pensée, je me mets à lire l’article. Malheureusement, les auteurs (un politologue, un journaliste et une sociologue) de cette publication reprennent des arguments cités […]

Ecrit par Morgane Andry – le mardi 20 mars 2018 à 14H02

Ce soir, à 1h42 à la Réunion, je découvre l’article de Libération: Pourquoi les vegans ont tout faux.

(www.liberation.fr/debats/2018/03/18/pourquoi-les-vegans-ont-tout-faux_1637109). Pensant qu’on allait me parler de nouvelles recherches, de nouveaux courants de pensée, je me mets à lire l’article.

Malheureusement, les auteurs (un politologue, un journaliste et une sociologue) de cette publication reprennent des arguments cités un million de fois déjà par les détracteurs de l’antispécisme. On note quand même qu’on a pris soin de placer une femme dans ce papier, histoire de ne pas faire trop dans le carnophallogocentrisme (voir source).

Voyons cela de plus près.

« Le succès de la propagande végane » alors peut-on déjà noter l’utilisation francisé ET approximativement francisé du terme « végane » chez Libération? On voudrait plaire à tout le monde donc on utilise toutes les orthographes possibles du mot? Il faut trancher comme vous tranchez clairement dans votre article en stipulant que nous avons « tout faux ».

Pour la phrase en elle-même, peut-on revenir quelques minutes sur la définition « propagande » que l’on voit partout ces derniers temps?

« Propagande » : Concept désignant un ensemble de techniques de persuasion, mis en œuvre pour propager avec tous les moyens disponibles une idée, une opinion, une idéologie ou une doctrine et stimuler l’adoption de comportements au sein d’un public-cible. Ces techniques sont exercées sur une population afin de l’influencer, voire de l’endoctriner.

La propagande végane… Comment expliquer une bonne fois pour toutes que la persuasion est un terme souvent péjoratif qui sous-entend que les arguments ne sont pas valables, préférant jouer avec séduction sur la sensibilité des individus recevant le message?
L’argumentaire végane ne fait pas preuve de persuasion mais ses détracteurs, adeptes de misologie, aiment particulièrement employer ce terme.

 

Passons au premier paragraphe « Les végans vont sauver les animaux ». Cette phrase résume avec perfection le spécisme et son utilitarisme: « nous travaillons et vivons avec des animaux parce que nous avons des intérêts respectifs à vivre ensemble » . En fait, qui persuade qui dans cet article? J’y vois clairement une tentative d’écrire une jolie pastorale qui essaie de retenir les omnivores dans leur condition d’omnivores. Il faut absolument empêcher que les véganes ne se reproduisent!

Navrée de mon sarcasme, mais dire que nous avons « des intérêts respectifs à vivre ensemble »

En fait, on doit se dire que les animaux sont d’éternels martyres, heureux, honorés, de mourir pour l’humain? Les vaches laitières donnent leur lait en priant le Dieu appelé Humain? Les cochons glorifient l’homme qui les parque, qui leur coupe la queue? Les poussins mâles acceptent leur sort lorsqu’ils sont broyés vivant à cause de leur « inutilité »?

 

Deuxième titre: « Le véganisme va nous sauver de la famine » accompagné de la merveilleuse pépite: « depuis la fin du XVIIIe siècle, dans nos pays européens, et depuis les années 60 dans l’ensemble du monde, il n’existe plus de famines liées à un manque de ressources ». Effectivement.

Pourquoi cela poserait problème que des ressources soient utilisées pour des animaux créent par et pour les pays riches? Pourquoi donner des ressources aux gens qui souffrent de famine alors qu’on peut les utiliser pour récolter notre steak haché? Pallier la famine se résumerait à faire des dons alimentaires aux associations humanitaires? Non, personnellement, j’appelle ça se donner bonne conscience en ne bousculant pas sa douce zone de confort.

Mais, Libération veut vous rassurer: « Les famines qui adviennent sont des armes politiques. Quand des gens meurent de faim quelque part, c’est parce que d’autres l’ont décidé » … A cela, nous pouvons simplement répondre que l’article 14 du Protocole II de 1977 stipule : « Il est interdit d’utiliser contre les personnes civiles la famine comme méthode de combat. Il est par conséquent interdit d’attaquer, de détruire, d’enlever ou de mettre hors d’usage à cette fin des biens indispensables à la survie de la population civile, tels que les denrées alimentaires et les zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les installations et réserves d’eau potable et les ouvrages d’irrigation. » Qui faut-il donc croire? Les auteurs auraient pu développer ce point afin de faciliter la compréhension aux ignares que nous sommes.

« Le véganisme sauvera notre santé » sous-entendu : On va tous y passer donc manger de la viande ou non… Ah mais… « les études montrent que la consommation de viandes est corrélée au cancer. Sauf que ces études ont été principalement menées aux Etats-Unis et en Chine, où l’on consomme bien plus de viande, encore plus gavée d’hormones et d’antibiotiques, encore plus transformée ».

C’est bien connu! En France, tout le monde il est gentil, il est beau et en bonne santé. Il ne faut pas écouter les autres pays, nous on sait tout mieux que tout le monde!

Et puis forcément, les véganes prennent « la précieuse vitamine B12 » comme le rappelle Libération, se complémenter c’est mal. Mais… La viande en France ne provient-elle pas d’animaux ayant déjà ingurgité des produits chimiques, des hormones de croissance, des antibiotiques? Un petit comprimé de B12 par semaine pour les plus fortement dosés sera toujours meilleur que les produits carnés. Et puis vous savez, « manger végan [c’est] l’absolu des régimes «sans» ».

 

« Le véganisme est l’ambassadeur de l’industrie 4.0 ».

Si on part du postulat que nous simplifier la vie est un bond en arrière, alors oui en effet mais « [cultiver] en laboratoire des cellules musculaires de poulet, de bœuf ou de porc ou produire du lait et des œufs à partir de levures OGM » n’est pas une direction obligatoire si la planète devenait végane. Ce serait simplement contre-productif du point de vue écologique. Mais j’imagine que l’égo de l’Humain se refusera à revenir à la simplicité et à une vie où il n’était pas nécessaire de penser à la technologie aux moindres faits et gestes.

Et puis, les auteurs décident de passer par la négative, pour conclure, histoire que les lecteurs (idiots ou effrontés) comprennent bien leur point de vue arbitraire: « En vérité, le véganisme ne va pas nous sauver ».

Mais pourquoi donc Libération? Répète-le nous encore!

« Il menace de nous condamner à dépendre d’une alimentation industrielle 4.0. Il menace d’uniformiser nos paysages. Il menace paradoxalement de nous faire perdre notre humanité incarnée et notre animalité en nous coupant des réalités naturelles par des zoos virtuels, des paysages transformés en sanctuaires, avec des chiens et chats remplacés par des robots ».

Bon, je ne reviendrai pas sur les arguments cités une seconde fois pour bien abrutir le lecteur.

Cependant, en quoi le véganisme ferait perdre à l’humain sa tendre humanité chérie?

Raté Libération, Richard Gildas a déjà étudié la question et il en sort que « L’homme ne possède pas son humanité comme un donné fixe et définitif, mais comme une possibilité qu’il lui appartient de réaliser ou non. D’où, pour l’homme, et pour lui seul, le risque toujours présent de l’échec et de la chute : l’homme peut être inhumain — tandis que l’animal ne peut être « inanimal » ».

En définitive, ce n’est pas le véganisme qui pourrait empêcher l’humain d’être humain car un homme ou une femme ne naît pas humain. Il s’agit d’un stade qui s’acquiert ou non (comme le démontre Richard avec le cas des enfants sauvages): « l’humanité est le résultat de l’évolution d’un être d’abord non-humain, il est exclu que des êtres déjà humains aient pu donner, transmettre leur humanité à d’autres êtres qui en auraient été d’abord dépourvus ». En plus que ce soit une capacité inhérente, elle ne peut se transmettre comme un héritage! Bref, l’article très intéressant de l’auteur se trouve dans les sources.

Il est rare que ma plume soit aussi imparfaite, que les mots s’écrivent sans que je prenne le temps de les mettre en forme. Malheureusement, Libération ne mériterait pas que je passe toute la fin de la soirée sur son cas. D’autres le feront certainement avec davantage de poésie, d’humour et de classe que moi. J’y ai passé une heure. J’ai essayé de vous décrire au mieux mon ras le bol, ma déception et mon envie encore plus forte de casser ce spécisme ordinaire et tous les stéréotypes qui l’entourent.

Au plaisir de lire vos réactions face à leur papier.

Absinium

Sources:
Llored, P: Comment ne pas manger l’autre (https://www.cairn.info/revue-rue-descartes-2014-3-
page-82.htm)

Llored, P: L’autre féminisme (à inventer) de Derrida. Les enjeux éthiques et politiques du carnophallogocentrisme (https://www.academia.edu/14333086/Féminisme_et_animalisme_dans_la_philosophie_de_Derrida)

RICHARD, G: Du non-humain à l’humain: Problèmes et équivoques, Ethique, n°20, 1996/2 (philo.pourtous.free.fr/Articles/Gildas/non_humain.htm)

CARON, A. (2016). Antispéciste. Don Quichotte. Paris.

FAGAN, B. (2017). La grande histoire de ce que nous devons aux animaux. La librairie Vuibert. Paris.

GIESBERT, F. (2010). L’animal est une personne. Pluriel. Paris.

 

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