A Saint-Paul, le mariage d’un syndicaliste i décal

Le divorce est consommé entre Alix Méra et Emmanuel Séraphin. Le premier est agent à la mairie, syndicaliste et candidat invétéré à chaque élection depuis une bonne décennie. Le second est évidemment le maire de Saint-Paul mais aussi un camarade d’enfance…d’Alix Méra. « On est tous les deux du quartier de Bois Rouge, on est né à un jour d’écart en 1962 et on a fait toutes nos classes ensemble », évoque Alix Méra lorsqu’il pose le décor du lien qui le lie avec le maire.

S’ils ont ciré les mêmes bancs d’école, en matière de politique, les deux hommes ont choisi pour l’un la droite et l’autre la gauche. C’est un fait. Mais cet aspect a-t-il rejailli sur son mariage ? Alix Méra en est convaincu au vu de tout ce qui suit.

Il y a cinq mois de cela, il effectue la démarche classique auprès des services administratifs pour annoncer son souhait que son mariage soit célébré à l’hôtel de ville pour la date du jeudi 26 octobre. Cinq mois s’écoulent sans la moindre contrariété. Et patatras, une semaine avant l’événement, un coup de fil vient déjouer tous les plans du marié.

« Le service administratif m’appelle une semaine avant pour m’informer que ce ne sera pas possible, qu’on ne va pas être mariés dans la grande salle des mariages mais dans la salle où il y a les toilettes à côté…, fulmine Alix Méra. Ensuite on a eu cinq ou six propositions en cinq jours. Un moment donné c’était dans la salle du protocole, ensuite c’était à la longère Sudel Fuma, ensuite on m’a proposé la salle du DGS, puis la salle de réunion,… ils ne savaient plus où on pouvait positionner la cérémonie », expose Alix Méra. Enfin, une proposition de décaler le mariage d’une heure lui a même été faite. « J’ai dit au directeur de cabinet, M.Omarjee, que ce n’était pas à moi de décaler car tout est déjà coordonné avec les prestataires ». Logique.

Mariage ou conseil i décal ? Ça sera le mariage, dans une salle administrative

« C’est trop flagrant pour dire que ce n’était pas volontaire », n’en démord pas le délégué du personnel. « Si je peux affirmer ça c’est parce que je connais le fonctionnement de la mairie et que j’ai aussi le retour des collègues et des élus qui me disent que ce n’est pas normal ce qui s’est passé. Quand ils ont vu que le jeudi 26 il y avait le mariage à 14 heures 30, pourquoi ils ont fixé le conseil le même jour et à 14 heures ? Ils pouvaient faire le conseil à 17 heures… En plus, les affaires qui sont passées, elles n’étaient pas urgentes. Ils savaient que c’était moi qui allait me marier car des Alix Méra il n’y en a pas deux à Saint-Paul. Pour moi, tous les éléments sont réunis pour dire que c’était volontaire, c’était une sanction », interprète le responsable de la section CFTC à la mairie de Saint-Paul. « On m’a sanctionné politiquement et parce que dans le même temps j’ai dénoncé la situation au sein de la police municipale. J’estime qu’on ne doit pas mélanger la vie politique avec ma vie de citoyen, je suis un citoyen comme tout le monde. Ce n’est pas une question de dire que la salle était bien ou pas bien car, c’est logique, quand on se marie, on se marie dans la mairie, pas dans une salle de réunion. Ils ont brisé ce rêve ! » 

Si certains y verront un caprice de vouloir se marier absolument dans la grande salle des mariages du bel hôtel de ville, Alix Méra précise que ce détail avait justement toute son importance à ses yeux. Pour ce jour si spécial pour lui et sa future épouse Charlotte, le rêve de se marier dans la grande salle, qui a vu battre le coeur de la vie publique saint-pauloise et vu passer tant de mariés, leur a été volé.

« Ils ne peuvent pas me dire qu’il n’y avait pas la possibilité de décaler le conseil municipal, ça prend à peine une demi-heure pour mes collègues du protocole et de la technique qui ont l’habitude de brancher les micros, d’installer les chevalets… », fait-il remarquer au passage.

Et la mairie annexe dans tout ça

Finalement, c’est dans une salle quelconque située dans une aile administrative construite il y a une vingtaine d’années derrière l’hôtel de ville – et qui n’a clairement pas le cachet de la grande salle des mariages – que son union avec Charlotte a été célébrée par Emmanuel Séraphin. Une salle avec une capacité de seulement 22 sièges contre 55 à l’étage, dans la grande salle.

Et ce n’est pas fini. « La veille de la cérémonie, le maire me demande si je suis toujours d’accord pour que ça soit lui qui officie. Je lui ai dit évidemment que ‘oui’, comme c’était convenu, car je ne mélange pas politique et vie privée », ajoute l’agent du service technique aux 22 années de service. Le jour J, « le maire a même oublié son écharpe », relève aussi Alix Méra. « Il m’a offert un bouquet en disant que ‘i pourrait apaise a moin » », rit jaune Alix Méra. « Le maire ne s’est même pas excusé de ce qui s’était passé. C’est comme si c’était rien du tout mais, pour moi, ils ont détruit mon mariage, pas au sens du terme détruire mais comme si, psychologiquement, ils avaient essayé de m’atteindre. » 

De son côté, la mairie marque son grand étonnement devant les exigences du citoyen Méra. « On est très surpris de la réaction de M.Méra parce que la salle protocolaire de la mairie a été décorée pour son mariage, et le maire a même quitté le conseil pour aller les unir. Enfin, depuis des années, le conseil municipal a lieu le dernier jeudi du mois à 14h, dans cette salle. On peut difficilement parler imaginer que la commune organise son conseil municipal spécialement pour embêter M. Méra », nous répond la mairie, façon de dire que l’exception accordée et l’effort fourni étaient bien du côté de la collectivité.