Il est trop facile de dauber sur le compte de ceux qui n’ont pas le temps de se défendre. C’est ce qui se passe quasi quotidiennement avec les Cars Jaunes et leurs chauffeurs. J’aimerais rectifier le tir.
Les Cars Jaunes, je peux en parler : je les emprunte chaque jour depuis trois ans. Car depuis ce temps, j’ai renoncé à conduire, étant sujet à des vertiges, des étourdissements et des pertes d’équilibre impromptus. Ca ne prévient pas ; autant ne pas être au volant à ce moment. Avis aux mauvaises langues : non, l’alcool n’a rien à y voir. Même la faculté n’a pas réussi à savoir d’où ça venait. Comme il faut bien que l’âge procure quelques menus avantages, je voyage gratos sur les grandes lignes.
J’ai eu le temps d’observer le fonctionnement de ce groupement de transporteurs et de bavarder longuement avec les chauffeurs. Ils sont les premiers à reconnaître que tout est loin d’être parfait. Ainsi, un service de nuit serait apprécié au plus haut point. De même, les « creux », à certaines heures de la journée, devraient être comblés. Enfin, un butor qui se moque ouvertement de deux braves dames parkinsoniennes n’a rien à faire sur un service de transports en commun.
Pour le reste, c’est tout bon. Les bus sont confortables (avec un léger bémol pour les grandes guiboles dans les places arrière). Les chauffeurs prennent soin de leur pratique et s’inquiètent du bien-être des passagers. A de menues exceptions près, ils conduisent avec un minimum d’à coups, le moins de freinages brutaux possible et un soin jaloux à éviter les nids de poules. A ce petit jeu, ces dames rendent largement des points à leurs collègues masculins. Ces derniers, parfois, se la jouent style Sébastien Loeb mais sans jamais faire encourir le moindre risque à leurs ouailles. Ils empoignent leur guidon comme s’ils voulaient lui tordre le coup mais les passagers n’en souffrent pas. Une de leurs collègues féminines, belle comme un cœur (un des plus beaux visages de Cafrine qu’il m’ait été donné d’admirer), elle, caresse son volant du plat de la main et le gros monstre de quatorze tonnes lui obéit au doigt et à l’œil.
Les Cars Jaunes partent à l’heure et, sans embouteillage, arrivent de même. Ajoutons-y la présence des personnels du GET 974, présents à bord ou dans les gares, pour renseigner sur les horaires et tout le toutim. Même les empotés ou les illettrés sont traités comme des princes, avec le charme (pour les femmes) et le sourire (pour tous).
Avec les années, j’ai eu tout le temps de m’en faire des amis. Ils me racontent leurs conditions de vie et de travail. Ils rament car le bulletin de paye est rarement à la hauteur des efforts consentis par ces forçats du bitume. Les agressions les laissent désarmés : ils n’ont pas le droit de se battre. Même s’ils ont légitimement tout motif de le faire.
Face à ces contraintes, souvent lourdes, les inconvénients devraient nous inciter à plus d’indulgence. Ce sont eux qui s’usent les nerfs et le corps. Pas nous. Et on se sent si en sécurité qu’il y en a pas mal qui roupillent !
Merci les filles ; merci les gars. Vous abattez faites du bon boulot.
Jules Bénard