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[Zinfosblog] La délivrance pour les soeurs Rawat

La Mauricienne, notre blogueuse spécialiste de la politique à Maurice revient sur l'affaire Rawat.

Ecrit par La Mauricienne – le mardi 25 avril 2017 à 08H52

Les charges de complot, blanchiment d’argent et mauvaises utilisations des actifs de la compagnie ont été annulées en cour ce mardi contre les filles du patron de la BAI. Adeela et Laina Rawat sont libres.

Le scandale de la BAI a éclaté lorsque la Banque de Maurice a décidé d’annuler la licence d’opération de la Bramer Bank à cause d’un manque de liquidités. Ce qui a causé par la suite la chute de la BAI, qui reposait selon le gouvernement sur une « pyramide de Ponzi ».  

Une longue liste de hauts responsables de l’empire Rawat, ont été entendus par la police, en avril 2015. De façon très troublante, ceux qui ont participé à ce supposé Ponzi alors qu’ils étaient dans le top management des sociétés ont bénéficié d’une immunité en prêtant allégeance aux nouveaux maîtres du pouvoir. Notamment le fils de l’ancien vice-Premier ministre et neveu de Dawood Rawat, Saleem Beebeejaun. D’autres ont eu moins de chance. 

Les filles Rawat et leurs époux qui travaillaient dans l’entreprise familiale ont vécu un lynchage médiatique auprès de l’opinion publique, alimenté par les membres du gouvernement et certains groupes de presse suite au démantèlement de la BAI. Interdiction de quitter le territoire depuis deux ans avec des contraintes judiciaires et policières, comptes bancaires gelés… La famille très unie a fait face courageusement et dignement en affrontant une vendetta politique.

Rétrospective et chronologie de la chute de l’empire Rawat

L’empire Rawat c’est la BAI, Bramer Bank mais aussi les assurances, l’hôpital Apollo Bramer, Courts etc… Un homme derrière cet empire : Dawood Rawat. Visionnaire n’ayant pas peur de se mesurer aux grandes familles « blanches » de l’ile, il a démarré sa sucess story dans les assurances. C’était la seule compagnie dans le Top 10 des compagnies dirigée par une personne de confession musulmane. Ce détail est à souligner sur une île Maurice qui est profondément sectaire et communautaire. Si l’île est gérée politiquement par les hindous, la richesse du pays appartient elle à la communauté blanche. C’est une triste réalité. Mais la réalité, avec les enjeux qu’on connait. 

L’effet Maudit : « Nou pé prend balyer pour nettoye malpropté le zot ». « Fouillé gratté pou trouvé  » dixit le grand Sir Aneerood Jugnauth.  

Dans la nuit du jeudi 2 avril 2015, la Bank of Mauritius (BoM) a décidé de révoquer le permis de la Bramer Bank avec effet immédiat. Elle étais soupçonnée d’irrégularités et de non-respect des pratiques bancaires depuis trois ans. Préjudiciable aux intérêts des épargnants et du public. Un réveil brutal pour tous les mauriciens, le pays est sous le choc. 

Les méthodes expéditives sont une marque labellisée Sir Anerood Jugnauth. Une méthode de travail à l’ancienne, des mots qui claquent : « Ponzy scheme », Plan Marshall, on fait appel au FBI, Interpol… Crise d’urgence sans précédent.

On a conditionné le peuple pour justifier le « nettoyage ». Le peuple a élu ce gouvernement avec une volonté d’en finir avec l’ère Ramgoolam.

Mais les opérations coups de poing « lev paké alé » sont loin de faire l’unanimité, tout simplement parce que les nominations se font au détriment de la méritocratie.

Revenons à cette décision extraordinaire de révoquer la Bramer Bank dans la nuit. Une décision que contestent aujourd’hui les principaux protagonistes en refusant la paternité d’un des plus grands scandales de l’ile Maurice. Ayant des conséquences d’effet domino encore à ce jour.

« C’est une crise sans précédent. Une situation d’urgence nationale. Le fruit d’une relation incestueuse entre Ramgoolam et la BAI, Ramgoolam et Mr. Rawat ». Le produit est vendu brut et sans emballage.

Le ministre Lutchmeenaradoo, ministre des Finances et grand argentier de l’époque a confié s’être entretenu avec tous les rédacteurs en chef et le leader de l’opposition dans la nuit pour ne pas créer, selon ses dires, un mouvement de panique. 

Manipulation et tactique pour responsabiliser la presse sans que celle-ci ne fasse trop de vagues. Mais n’y avait-il pas d’autres solutions avant d’arriver à ces cas extrêmes ?

« C’est loin d’être un Ponzi Scheme. C’est une chute orchestrée« . C’est l’opinion des hauts cadres du groupe suite aux déclarations du Premier ministre qui a avoué avoir retiré ses sous et investissements de la Bramer Bank ainsi que ses proches. Il y a eu des retraits « massifs » qui ont fortement affaibli la banque. Sans compter qu’une campagne a été menée auprès de gros épargnants pour qu’ils retirent leur argent. Notamment des départements gouvernementaux et des corps para-étatiques qui à eux seuls, ont retiré une somme colossale avoisinant Rs 2 milliards. Dans ce contexte n’importe quelle banque se serait retrouvée avec un sérieux problème de liquidité. On a évoqué un Ponzi Scheme de Rs 25 milliards. En réalité ces Rs 25 milliards représentent la valeur des polices d’assurance inclus dans le bilan financier. 

Les conservateurs et administrateurs ont joué un rôle de liquidateurs sous la direction de André Bonnieux et Mushtaq Oosman. Sans surprise, ceux qui ont profité de ce dépeçage sont les mêmes grandes familles « blanches » de l’île qui ont récupéré leur monopole dans certains secteurs. Les anciens mammouths sont revenus au galop par le biais de David Isaacs pour le rachat de Courts, fournisseur en meubles et électroménagers. Ironie, celui-là même est un petit retraité qui doit une partie de son immense fortune à son ancien employeur, Dawood Rawat. 

Dans un cafouillage tout aussi grotesque et ridicule, le groupe CIEL Healthcare, propriétaire de la clinique privée Fortis Darné, a fait l’objet de plusieurs plaintes faites à la Competition Commission of Mauritius (CMM), évoquant une situation de monopole. Malgré les avis défavorables, son président Jean-Pierre Dalais a récupéré Apollo Bramwell, le fleuron de la BAI. Ayant jusqu’à l’audace de retirer la plaque commémorative du fondateur Dawood Rawat. On apprécie l’élégance du geste et la manière de faire. 

Paul Bérenger, leader de l’opposition à l’époque dit avoir pointé du doigt les zones d’ombre de la BAI au parlement depuis 2013. 
En 2013, le ministre des Finances, Xavier Duval, primé comme un des meilleurs de la région zone Océan Indien trois années consécutives, n’a rien trouvé de mieux que de rendre hommage à travers des chiffres, à la bonne santé de la BAI. D’ailleurs les nombreuses distinctions de la Bramer Bank au niveau local et international peuvent donner le tournis. La Bramer Bank a été récompensée comme meilleure banque en 2014, année de sa mise à mort, par le Global Finance Magazine. 

Pourquoi Rama Sithanen et Pravind Jugnauth, ministres de l’époque, n’ont-ils pas pris leurs responsabilités s’il il y avait une quelconque maldonne ?

Certains groupes de presse sont actionnaires de la BAI. Est-ce que ces médias étaient libres de faire éclater un scandale qui les auraient mis dans le rouge ?

On a parlé de Madoff à la mauricienne. Lorsque l’affaire Eron et Woldcom a éclaté, il y avait complicité et ententes délictueuses entre les acteurs principaux dont les médias. 

Les banques sont soumises à des audits. Si des personnes « étrangères » à la banque ont rendu des rapports erronés et falsifiés, durant toutes ces années, il y a bien une fraude organisée et généralisée et à tous les niveaux. 

Comment une banque peut-elle se retrouver en une nuit en banqueroute ? Le ministre Lutchmeenaradoo annonçant dès le lendemain que la banque passait sous le contrôle de la SBM dont le directeur n’est nul autre que Jairaj Sonoo, un ancien qui était à la tête de la BAI. Mieux. Ils ont réussi l’exploit de créer une nouvelle entité bancaire en 48h toujours avec la formule de Lutchmeenaradoo. Il doit être magicien et non politicien. 

La Financial Services Commission (FSC), la Financial Intelligence Unit (FIU), la Banque de Maurice et le Stock Exchange of Mauritius ont manqué à leurs obligations. Depuis 2008 selon les rapports, il y a eu des signaux d’alerte. Pourquoi avoir fermé les yeux ? 

Il y a bien une explication très bête et simple. Dawood Rawat est réputé pour être un généreux donateur pour le financement des partis politiques. La transparence des partis politiques n’existe pas. Les contributeurs étaient assurés d’une grande discrétion face à cette grande générosité. Les bénéficiaires ont joui et prospéré grâce à ce grand robinet ouvert. 

A vouloir jouer à ce jeu là, Dawood Rawat a perdu une bataille mais pas la guerre. Ses filles, prises en otage par le gouvernement avec des méthodes punitives comme l’interdiction de quitter le territoire, aujourd’hui sont libres. Ses biens ont été liquidés par des administrateurs censés les protéger. Il se bat depuis la France où il s’est réfugié pour défendre ses droits. Il poursuit l’état et lui demande des milliards de roupies de dommages et intérêts. Cette affaire qui a fait grand bruit ne cesse de faire trembler le pays. 


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