Le 16 décembre 2016 se jouait à la Nordev l’assemblée générale ordinaire et élective de la Ligue Réunionnaise de Football. Au menu de la matinée à laquelle les présidents de clubs étaient conviés, le vote pour les trois listes en course : celle du revenant Yves Etheve, celle du sortant Noël Vidot et celle du troisième homme : Yves Dupuy.
Ce dernier a découvert il y a deux mois, sans le vouloir, que l’assemblée générale élective de décembre 2016 n’avait jamais donné lieu à la rédaction d’un procès verbal électif.
Le candidat malheureux – arrivé en troisième position le jour du scrutin – avait effectué des démarches au mois de mai, persuadé que l’élection était entachée d’irrégularités, concernant les procurations données à la liste Ethève.
Parmi les griefs exposés par l’ex-candidat Yves Dupuy, l’utilisation des procurations – au nombre de 99 pour 200 clubs présents ou représentants et dont 25 d’entre elles sont sujettes à contestation : absence de signature, absence de cachet formalisant la procuration, non identification du mandant ou mandataire, et pour couronner le tout : la validation du vote du président de la JSSP, pourtant suspendu à titre conservatoire de toutes fonctions le 8 décembre 2016, après avoir participé au match officieux de la finale de la Coupe régionale de France au Stade Michel Volnay.
Au vu des éléments en sa connaissance, Yves Dupuy, tête de liste « horizon 2020 », sollicite alors le 19 mai dernier le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) pour une conciliation. Dans sa requête, Yves Dupuy parle clairement d’un litige l’opposant à la Ligue Réunionnaise de Football via la Commission Régionale de Surveillance des Opérations Électorales (CRSOE), et la Fédération Française de Football via la délégation fédérale.
Le PV signé par Noël Vidot ne peut pas être celui de l’élection, Vidot étant lui-même candidat à l’élection
Rappelons en effet qu’une délégation fédérale de quatre représentants de tout premier ordre, composée de Jean-Pierre Meurillon (président de la Commission Fédérale de Révision des Textes FFF), Jean Lapeyre (directeur général adjoint et directeur du Service Juridique), Thomas Cayol et Joachim Bernard (du Service Règlements et Contentieux Sportifs), avaient été dépêchés à la Réunion par le Comité Exécutif de la FFF pour superviser le bon déroulement du scrutin après des années de turbulences. Force est de constater que la présence de cette armada d’experts n’aura rien changé à l’affaire tant le déroulement de l’élection aura été marqué par des couacs.
Suite à sa requête, le président de la Conférence des Conciliateurs du CNOSF, Bernard Foucher, répond à Yves Dupuy le 14 juin dernier. A la grande surprise d’Yves Dupuy, le président des Conciliateurs indique au candidat que sa demande arrive hors délai. Les règlements sont clairs en effet : tout recours doit intervenir dans un délai de 15 jours suivant l’établissement du procès-verbal de l’assemblée élective.
Mais Bernard Foucher, dans ses motifs de refus, s’appuie sur le procès-verbal publié sur le site de la ligue dès le 28 décembre 2016 et rédigé par… Noël Vidot.
Yves Dupuy tombe des nues. Il comprend alors que le procès-verbal électif n’a jamais existé. Même Yves Etheve, répondant aux injonctions du CNOSF de fournir le PV de l’élection, n’a eu d’autre solution que de transmettre le même procès-verbal établi par Noël Vidot.
Dans son procès-verbal de l’AG ordinaire précédant l’AG élective, le président de la Ligue de 2015 à 2016 avait pris soin de désigner Jean Pierre Meurillon, chef de la délégation de la FFF et Ismaël Locate, président de la CRSOE, comme co-présidents de l’assemblée générale élective du 18 décembre 2016.
« A ce jour, la Ligue Réunionnaise de Football est gérée par un président et un comité directeur qui n’ont pas d’existence légale puisque aucun document officiel n’apporte les preuves du contrôle des listes d’émargement, des identités des votants et des résultats du vote lors de l’assemblée générale élective du 18 décembre 2016 », en conclut Yves Dupuy.
Yves Dupuy : » la délégation fédérale a failli dans sa mission «
Aujourd’hui, il pointe avec véhémence la responsabilité de la délégation fédérale, composée d’experts juridiques de la Fédération, au premier rang desquels le directeur juridique Jean Lapeyre. « Comment a-t-elle pu commettre autant de bévues. Que s’est-il passé ? C’est étonnant quand on connaît leurs compétences et expérience. Un quart des procurations est erroné, le vote d’un président suspendu et un procès-verbal électif inexistant », énumère-t-il dans les points les plus litigieux.
« Par ses déclarations, la Fédération Française de Football voulait que cette élection soit un modèle de transparence et qu’elle ne souffre d’aucune contestation. En terme de transparence on peut mieux faire ! Les meilleurs d’entre eux étaient présents à La Réunion pour superviser l’élection », affirme-t-il. Il se questionne par ailleurs sur les motivations du Comité National Olympique et Sportif Français qui protège, selon lui, l’énorme bourde des quatre superviseurs de la FFF à La Réunion. La FFF n’a pas répondu, pour le moment, à nos questions. Les acteurs locaux reviennent sur l’événement.
« De notre côté nous avons fait les choses dans les normes », explique Noël Vidot, président de séance de l’assemblée ordinaire avant de passer la main pour l’AG élective à laquelle il était candidat. « Mon procès-verbal a été publié sur le site de la Ligue le 28 décembre je crois. Le PV reprenait mot à mot ce qui avait été dit, fautes comprises » rigole-t-il, très pointilleux qu’il était en ce jour de décembre 2016. Dans son PV justement, l’ex-président désigne clairement Jean-Pierre Meurillon et Ismaël Locate comme les deux présidents de l’AG élective. Sur ce qui s’est passé lorsqu’il redevient simple candidat, Noël Vidot préfère ironiser : « Il y a bien eu un PV électif, le mien ! », laissant entendre que son PV de l’AG ordinaire a été présenté comme un PV électif par ceux qui voulaient bien le faire passer pour un PV électif. Lassé par cet énième couac lors d’une élection à la LRF, il préfère prendre ses distances. « Je n’ai pas à émettre de réserves face à ce qui s’est passé. Je suis spectateur. Je laisse faire », dit-il, préférant soulever les premières conséquences des premiers mois de son successeur. « Ce sont nos enfants que l’on continue de pénaliser », regrette-t-il, faisant référence au changement de calendrier. Une autre histoire.
Désigné comme co-président de la séance élective par le PV de Noël Vidot, Ismaël Locate nous répond également. « C’est M. Meurillon qui a présidé la séance, c’est lui qui a proclamé les résultats. Il m’a donné la parole en début de séance mais c’est lui qui a présidé les débats. Notre rôle a nous a été d’examiner les listes en amont de l’élection et il revenait à la Fédération d’organiser l’élection. Dès que la délégation est arrivée à La Réunion, on a fait une réunion de travail avec eux. Nos rôles étaient complémentaires je dirais. Notre rôle, au CRSOE, le jour du scrutin, a été un rôle de surveillance mais pas celui d’organisation » affirme-t-il, prenant manifestement ses distances lui aussi face aux couacs soulevés par l’équipe d’Yves Dupuy.
Après mûre réflexion, Yves Dupuy a décidé de ne pas saisir le Tribunal de Grande Instance, comme l’autorise pourtant toute procédure en terme d’élection. « Ce n’est pas que je doute de la solidité de mon dossier. Tout ce qui est avancé est prouvé avec des documents à l’appui. Mais le football réunionnais a trop souffert des procédures administratives au détriment des clubs, car il faut se rappeler que des sommes colossales – la presse a parlé de 200 000 /300 000 euros – ont été utilisées par la Ligue en frais de justice sur la mandature 2012/2016, souvent à son désavantage. Ne parlons pas des adversaires qui, eux, doivent faire face personnellement aux frais de justice. C’est pour cela qu’il reste un goût d’amertume face à la Délégation fédérale. Elle n’a pas su enrayer cette spirale de défiance dans le football réunionnais. Pourquoi ne l’a t-elle pas fait ? Mieux encore elle la renforce », déplore-t-il.
Yves Dupuy s’interroge aussi sur l’impact que peut avoir cette situation de la ligue Réunionnaise de Football. Étant une association loi 1901 et dans l’incapacité de fournir un document officiel apportant les preuves de la réalité de l’élection du Comité directeur, du Président et des délibérations adoptées, à savoir les résultats du vote, la Ligue reçoit pourtant des deniers publics venant des subventions des différentes collectivités et de l’État.
C’est de ce côté qu’il dit vouloir continuer sa mission. Il se laisse le temps de déterminer quelles sont les actions qu’il compte mener.