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Wangari Muta Maathai, une vie pour l’environnement, la cause des femmes et la démocratie

Wangari Muta Maathai (1940-2011), lauréate du prix Nobel de la paix en 2004, est une militante écoféministe kényane de l’éducation, du développement communautaire, de la lutte contre la pauvreté et la corruption, surnommée « la maman des arbres ». Biologiste, enseignante d’université, féministe et mère de trois enfants, elle a consacré toute sa vie à […]

Ecrit par Reynolds-MICHEL – le lundi 06 mars 2023 à 08H48

Wangari Muta Maathai (1940-2011), lauréate du prix Nobel de la paix en 2004, est une militante écoféministe kényane de l’éducation, du développement communautaire, de la lutte contre la pauvreté et la corruption, surnommée « la maman des arbres ». Biologiste, enseignante d’université, féministe et mère de trois enfants, elle a consacré toute sa vie à la cause de la protection de l’environnement via le Green Belt Movement (GBM). Icône du mouvement démocratique du Kenya, elle a mis à plusieurs reprises son esprit et son corps en jeu – répression policière, intimidation et geôles kényanes – dans la défense de ces causes. C’est parce qu’elle a su lier tous ces combats qu’elle a été choisie pour recevoir le prix Nobel en 2004. Le jury d’Oslo a salué son combat en faveur du ‘développement durable, de la démocratie et la paix’ en ces termes : « La paix sur la terre dépend de notre capacité à protéger notre environnement ». Elle est décédée des suites d’un cancer dans un hôpital de Nairobi le 25 septembre 2011. Nous vous invitons à découvrir ou redécouvrir cette grande figure africaine de l’écoféminisme, courant né à la fin des années 1970 de la rencontre des luttes écologistes et féministes .

Un parcours scolaire très riche

Wangari Muta Maathai est née le 1er avril 1940 dans une famille de paysans modestes de l’ethnie Kikuyu, l’ethnie majoritaire du Kenya, pays de l’Afrique de l’Est alors colonie britannique ; plus précisément dans un village sans eau ni électricité de la région de Nyeri, à 150 kilomètres de Nairobi. Elle est la fille ainée et la troisième de six enfants de la famille. Son père Muta Njugi est employé dans le domaine agricole d’un colon britannique et sa mère, Wanjiru Kibicho, s’occupe des tâches ménagères et d’un petit lopin de terre avec quelques vaches, chèvres et moutons » racontera-t-elle plus tard. Elle porte le prénom de Wangari en référence à sa grand-mère paternelle. C’est grâce à l’insistance d’un de ses frères qu’elle a pu être scolarisée à l’âge de 7 ans. À l’école elle est très vite repérée par ses professeures, des missionnaires catholiques. Elle se trouve à 11 ans au collège Ste Cécile, au pied des collines de Nyeri, où elle restera jusqu’à son entrée au Lycée Loreto-Limuru, à Nairobi, d’où elle sortira bachelière en biologie en 1959. Avec l’aide de ses professeur.e.s, elle déroche une bourse d’études pour les États-Unis en vue d’étudier la biologie. 

En 1960, elle débarque à New York avant d’être conduite dans le Kansas au Mount St. Scholastica College, à Atchison, où elle obtient une licence en sciences biologiques en 1964, et une maîtrise ès sciences à l’Université de Pittsburg en Pennsylvanie en 1966. Puis des études doctorales aux Universités de Giessen et de Muniche, en Allemagne, après une brève période dans son pays natal où l’indépendance a été proclamée trois ans plus tôt. A son retour d’Allemagne, de 1967 à 1969, elle rejoint l’université de Nairobi pour occuper un poste d’assistante de recherche en médecine vétérinaire auprès du professeur Rzinhold Hoffmann, tout en terminant son doctorat, qu’elle obtient en 1971. Entretemps, elle a épousé un homme politique du nom de Mwangi Matai, député de la province centrale. Deux garçons et une fille naîtront de leur union.

Planter des arbres et semer des idées d’égalité et de démocratie

Durant son séjour aux États-Unis dans les débuts des années 1960, l’étudiante kényane qu’elle était alors avait assisté, subjuguée, au combat des Noirs Américains contre les discriminations raciales et pour les droits civiques. « Une véritable révélation », assure-t-elle plus tard dans son autobiographie, Insoumise : l’histoire d’une femme (2006). Les expériences de la vie dans la société ne l’avaient pas laissé insensible. Elles avaient plutôt nourri en elle « une farouche volonté d’apprendre, d’écouter, de réfléchir avec un esprit critique et analytique et de poser des questions », dit-elle également (2007). Dès lors, cette volonté farouche de faire avancer les choses ne l’a quittera plus. A l’université de Nairobi où elle enseigne, elle se bat contre les discriminations et obtient l’égalité des salaires. En 1976, elle accède au poste de directrice du département d’anatomie vétérinaire et professeure associée, tout en portant une attention particulière à la cause des femmes et à l’environnement, puis, en 1977, à celui de professeure.

Au Conseil national des femmes du Kenya où elle milite activement (1976-1987), le Professeure Maathai lance, dès 1976, l’idée de la plantation d’arbres dans les zones rurales pour prévenir la déforestation, l’érosion des sols, la dégradation des rivières, la santé des troupeaux et la santé des populations, tout en répondant en partie aux besoins des femmes – manque de bois de chauffage, d’eau potable… Et peu après, naissait, en 1977, le Mouvement de la ceinture verte, le Green Belt Movement (GBM), dont le projet est de planter des dizaines de millions d’arbres ; projet géré par et pour les femmes des zones rurales leur permettant de travailler et d’acquérir ainsi plus d’autonomie. En impliquant les communautés de base et en misant sur leur besoin vital de bois, elle met en œuvre une démarche novatrice, très appréciée des agences des Nations Unies, dont le siège se trouvait et se trouve toujours à Nairobi. 

Après un divorce conflictuel et très médiatisé, initié par son époux, en 1979, au motif qu’elle était « trop instruite, trop forte, trop brillante et trop difficile à contrôler » et, de surcroît, infidèle, elle se donnera corps et âme à son combat pour l’environnement en le conjuguant progressivement avec les questions des droits humains (des femmes en particulier), de la démocratie, de la gouvernance et de la paix. Le divorce prononcé à ses torts, entraînant attaques personnelles et rumeurs, la pousse à démissionner de toutes ses fonctions universitaires en 1982. Elle ne baisse pas pour autant les bras. C’est sur le Mouvement de la ceinture verte qu’elle s’appuie désormais pour mener à bien ses combats pour l’environnement, contre la confiscation de terres publiques, la détention illégale des opposants politiques et autres abus de pouvoir. Plus que jamais consciente que les enjeux environnementaux sont directement liés à la gouvernance, à la démocratie et aux droits humains, avec une incursion sur le terrain politique pour peser davantage sur le pouvoir autoritaire en place.

Contestatrice de choc et forte voix africaine

A partir de 1989, et ce sans abandonner la stratégie du Mouvement de la ceinture verte visant une démocratie par le bas, Wangari Maathai cherche également à mobiliser les masses sur des opérations ponctuelles. Suites à de nombreuses manifestations de protestations qu’elle organise, elle oblige le président Daniel Arap Moi  à abandonner son projet de construction d’un gratte-ciel de 200 millions de dollars dans le plus grand et l’un des rares parcs de Nairobi, l’Uhuru Parc. En 1991, grâce à la mobilisation des masses populaires, elle parvient à faire stopper la construction d’un Centre commercial dans le jardin public de Jeevanjeee. Aux côtés des mères des prisonniers politiques en grève de la faim dans le parc Uhuru,  qu’elle a rebaptisé « Freedom Center », elle réclame la libération des prisonniers. En 1999, la confiscation des terres – un de ces combats – est interdite. Nous sommes à la veille d’une alternance politique qui mènera Wangari au Parlement avec 98% des suffrages ! puis au Ministère de l’Environnement et des Ressources Naturelles.

Wangari Maathai est devenue une référence. Son action de la ceinture verte est reconnue au niveau du continent, où certains pays – Tanzanie, Ouganda, Malawi, Lesotho – l’expérimentent. Sa lutte pour la conservation de l’environnement, la démocratie et les droits humains est désormais reconnue internationalement. En reconnaissance de son profond engagement pour toutes ces causes, elle reçoit le prix Nobel de la paix en 2004 et nommée Messagère de la paix des Nations Unies en décembre 2009, avec un accent sur l’environnement et le changement climatique. « Quand nous plantons des arbres, déclare-t-elle, nous plantons les graines de la paix et de l’espoir. « 

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