En violant sa propre fille, fantasmait-il sur la mère, son ex-femme de 13 ans auparavant ? Peut-on même parler de viol ? À un détail près, la ligne du viol peut être franchie. Enfin, un détail peut-être aux yeux de la loi mais certainement pas pour la victime.
Devant les Assises ce vendredi, un père qui a caressé sa fille de 15 ans, l’a déshabillée, lui a léché le sexe et y a même frotté le sien. Choquant, répugnant, certes, ce n’est toujours pas un viol. Il s’agit d’une agression sexuelle pour laquelle l’accusé encourt une peine maximale de 7 ans. Y a-t-il eu pénétration ? Il dit que non. Elle dit que oui. Et c’est là qu’il s’agirait d’un viol, soit 20 ans max. La peine n’est pas la même, d’où l’importance pour ses avocats de convaincre les jurés que non, il ne l’a pas pénétrée. Et comme ils le rappellent, l’affaire a failli être jugée au tribunal correctionnel, le doute régnant quant à cette accusation de viol.
Thomas Madi Moto, père de famille de 35 ans d’origine Mahoraise, a connu la maman de la victime, une Réunionnaise, il y a maintenant une vingtaine d’années. De leur relation est née une petite fille. Mais ce n’est pas tout à fait le bonheur conjugal ; il bat sa femme. Alors quand il part en métropole pour le travail, c’est l’occasion pour elle de mettre fin à leur histoire. Leur fille a deux ans.
13 ans d’appels téléphoniques, d’envoi de petites pensions, et des vacances à La Réunion pour rendre visite à sa fille qui a des soucis de santé. Il a réservé une nuit dans un hôtel à Saint-Pierre. Une chambre, un lit « pour être à côté » d’elle, avait-il expliqué aux enquêteurs. Ils se couchent et là il se met à la caresser – elle repousse sa main – à se frotter – elle tourne la tête – et ce jusqu’à éjaculation. C’est à ce moment-là – c’est bien pratique – qu’il est conscient de sa bêtise et il part se doucher. Le lendemain matin la mère vient chercher sa fille, comme prévu, et voit bien que quelque chose ne tourne pas rond. Ayant eu les aveux de sa fille, elle part déposer plainte. Devant le tribunal, la mère de famille peine à s’exprimer : « C’est dur parce que j’avais confiance en lui ». L’avocat général, voyant sa douleur, la rassure : « Vous avez fait votre devoir de maman, vous avez bien réagi ».
Une pénétration digitale qui change tout
Selon l’expertise médicale, aucune pénétration visible. Sauf peut-être digitalement. Mais ce n’est pas sûr. Mais de l’ADN sera prélevé au niveau de l’anus de l’adolescente. Le débat : un doigt peut-être. Mais ça change la donne, niveau peine. Pourquoi parle-t-elle de pénétration alors ? Le président du tribunal cherche des explications. « Je ne sais pas », répond-il. « Aurait-elle menti pour vous faire du mal ? » L’accusé répond honnêtement : « Non ». Cette adolescente timide, réservée, sans amis, qui ne connaît rien à la sexualité… Se trompe-t-elle ? Le père ment-il ? Peut-être pas… Les avocats de l’accusé évoquent donc le « transfert secondaire » d’ADN. Il s’agit d’ADN déposé sans contact direct et donc la possibilité que Thomas Madi Moto dit vrai et qu’il n’y a pas introduit son doigt.
« Peut-être dans son imaginaire, l’acte se fait-il avec la mère »
Selon l’expert psychiatrique, Thomas Madi Moto ne présente aucun trouble mental et détient une intelligence moyenne. Au moment de l’acte, il aurait ressenti d’abord de l’amour, puis une excitation lorsqu’il trouve qu’elle ressemble à sa mère. « C’est une situation incestueuse peu fréquente », avoue l’expert. Il précise que souvent l’inceste est au sein de la famille, souvent sur des enfants pré-pubères. « Il ne l’a pas vue depuis des années, il trouve qu’elle ressemble à sa mère, peut-être dans son imaginaire l’acte se fait-il avec la mère. Il s’attend à voir une enfant mais il trouve une jeune femme ». Quel risque de récidive ? « Très faible, voir nul, vu la particularité de cette situation-là ».
L’avocat général a requis 12 ans de réclusion criminelle. Thomas Madi Moto a finalement été condamné à 8 ans, donc pour agression sexuelle et viol.