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Voilà 15 ans que la psychiatrie quittait son berceau natal à la baie de St-Paul !

Malgré le flot d’émotions éprouvées, où se sont mêlés brin de nostalgie et fierté professionnelle, que tous les personnels de l’hôpital psychiatrique, ont eu en ce 14 juin 2005, en un temps record, réussi le transfert des patients de l’institution spécialisée de St-Paul, vers des nouveaux pavillons flambants neufs à Cambaie, sous l’autorité du Directeur […]

Ecrit par Jean Claude Comorassamy – le lundi 08 juin 2020 à 09H44

Malgré le flot d’émotions éprouvées, où se sont mêlés brin de nostalgie et fierté professionnelle, que tous les personnels de l’hôpital psychiatrique, ont eu en ce 14 juin 2005, en un temps record, réussi le transfert des patients de l’institution spécialisée de St-Paul, vers des nouveaux pavillons flambants neufs à Cambaie, sous l’autorité du Directeur de l’époque M. Michel Brun.
 
C’est à partir de ce « bastion asilaire de l’ère de Pinel », qu’on peut mesurer l’évolution et  la profonde transformation de la psychiatrie d’hier, en santé mentale d’aujourd’hui. Il va de soi que ce bref et modeste « regard passionné» ne peut à lui seul, retracer ce long chemin emprunté par la psychiatrie de plus de deux siècles.
 
D’abord sur l’ancien site. Cet hôpital chargé d’histoire a été construit vers 1764-1767. Implanté à la limite de la Ville, au pied des grandes falaises abruptes et de ses merveilleuses cascades, près de la grotte des premiers français et du cimetière marins de Saint-Paul. Ce lieu demeure éternellement le berceau de la psychiatrie. Bien que se fût malgré tout, un grand bouleversement, après autant d’années passées sur ce site historique, de voir l’ensemble des services de soins psychiatriques et services administratifs, logistiques…définitivement transférés au site du Grand Pourpier à Cambaie.
 
Sauf, deux hôpitaux de jour de la pédopsychiatrie et le centre de consultation des enfants, qui sont restés sur ce même lieu. L’hôpital de jour des « grands » sous l’autorité médicale de la pédopsychiatre Mme Ophélie Siwek et les « petits » le pédopsychiatre M.  Jean Philippe Cravero. Par la suite d’autres structures extrahospitalières sont venues les rejoindre (la périnatalité, un Centre Médico-Psychologique et un hôpital de jour pour les adultes….). Il n’en reste pas moins que ce vestige, mémoire du passé, est encore visible en grande partie dans le paysage au dessous du nouveau viaduc. Même le premier « pavillon » pour enfants, construit, livré en 1968, non-impacté par les travaux de la route des Tamarins est encore debout !
 
Á la lumière historique
 
Cet hôpital de la Marine accueillait à l’époque (sources archives), outre les soldats et marins blessés, esclaves invalides… il y recevait aussi des aliénés qui étaient administrés dans ce bâtiment. D’où cette appellation par la suite « d’asile des aliénés » ou « lopital lo fou ». C’est sur ce site, que les premiers balbutiements de la psychiatrie verra jour, bien avant la loi du 30 juin 1838. A partir de ce lieu, que le 1er juin 1872, la gestion de l’hôpital a été optée de la marine, et remise au service local de la colonie. Il deviendra l’hôpital colonial, géré comme « l’asile des aliéné », il le deviendra à partir de 1886.
 
C’est ce décret du 20 octobre 1896 suivi de la circulaire du 10 mars 1897, qui stipulait que les « petites colonies » ne pouvaient avoir qu’un seul hôpital colonial. Ce fut naturellement celui de St-Denis qui fut conservé et celui de St-Paul est devenu  définitivement, que « l’asile des aliénés ». Et en 1951, « l’asile » prendra le nom de l’hôpital psychiatrique.
 
Aujourd’hui, ce bâtiment cache tout un pan de l’histoire de la santé, d’une valeur patrimoniale inestimable, toujours solide et résistant, fièrement camper dans ce grand parc boisé, que l’administration générale du CHU en l’occupant actuellement, lui redonne la grandeur mémorable qui lui incombe. Puisqu’il fait parti des deux premiers hôpitaux coloniaux de l’île dont l’autre se trouve à St-Denis.
 
Pour anecdote, en 1953 le docteur Mappian premier psychiatre arrivée sur l’Île, a dit-on changé la pancarte de « l’asile » fixée solidement sur le mur de la bâtisse pour celle de l’Hôpital Psychiatrique (archives). Ces mêmes sources de l’hôpital précisaient aussi que lors des agitations des malades, entrées agitées ou évasions « la cloche était sonnée » pour que les « gardiens et infirmiers se rassemblaient tout de suite pour les calmer ou les rattraper…». Et plus tard, c’est autour de ce bâtiment colonial, que 4 « quartiers Femmes et Hommes» seront construits en 1870, qui vont augmenter les surfaces des services à plus de 60%.
 
Concernant le personnel, à cette époque il se composait de 40 servants ou servantes, 2 infirmières diplômées et une infirmière cheffe. Un deuxième poste de psychiatre a été créé et occupé de 1958 à 1959. L’école d’infirmiers formera une première génération de 13 infirmiers psychiatriques locaux de 1956 à 1958…  Et, l’évolution s’achèvera de « d’asile des aliénés », puis hôpital psychiatrique, ensuite on le nommera Centre Hospitalier Spécialisé (CHS) et enfin en 2005, il deviendra Établissement Public de Santé Mentale de la Réunion (EPSMR). A ce titre, toute cette empreinte, mémoire du passé, ne mérite peut-être pas, de sombrer dans l’oubli.
 
Déstigmatiser et faire changer le regard sur la santé maladie mentale

A la lumière de cette très longue période historique passée au pied des falaises. Le Centre Spécialisé a été dicté de force à cette délocalisation, en raison de la construction du viaduc de la route des Tamarin. Dans sa nouvelle dimension, le projet de construction s’inscrira sur deux sites nouveaux désormais. Sur le site de Cambaie, le déménagement se fera le 14 juin 2005 et celui de Bras Fusil le 19 juillet 2005. Actuellement, le responsable médical du Pôle Est, revient plus précisément  au psychiatre M. Jean François Appavoupoulé. C’est ainsi que le secteur de santé mentale entrait dans une logique de proximité de soins aux patients et familles, avec des prises en charge diversifiées.
 
Au cours de ces 15 dernières années, l’EPSMR a continué d’améliorer considérablement les prises en charge des patients et de se nourrir des nouveaux projets. Plusieurs Directeurs se sont succédé sur ces 15 ans. M. Michel Brun, de l’ancien site jusqu’à 2012 à Cambaie, puis M. Michel Anweiller (intérim), par la suite M. Patrick Gras et enfin depuis septembre 2013, la Direction de l’EPSMR est sous l’autorité de M. Laurent Bien. Et depuis, le 1er octobre 2015, M. Bien est devenu le Directeur général des deux hôpitaux, le Centre Hospitalier Ouest Réunion (CHOR) et de l’Établissement public de santé mentale de la Réunion l’EPSMR. Mais, à tout seigneur, tout honneur, la palme revient au fruit des efforts de tout le personnel hospitalier dans son ensemble, qui a accompagné tant bien que mal toutes ces évolutions.
 
C’est au travail d’équipe qu’en revient le mérite aujourd’hui. Elle a su s’adapter aux nouveaux besoins des patients et à des nouvelles organisations, malgré la sous-dotation financière reconnue et d’un déficit en personnel.  D’autant vrai que la psychiatrie et son personnel souffrent aussi de ce manque de reconnaissance et de valorisation, étant donné que l’hôpital psychiatrique est rarement reconnu à sa juste valeur. Lorsque l’on parle d’établissements d’excellence, on parle bien souvent des établissements généraux que l’Établissement Public de santé mentale. Du coup, la stigmatisation se nourrit aussi par ce manque de considération. Résultat, l’opinion a du mal à changer de regard et d’image sur la maladie mentale. Ce que le psychiatre français Henri Ey disait : « La psychiatrie n’est pas une branche de la médecine, c’est la médecine qui est une branche de la psychiatrie ».
 
Pour toutes ces raisons que dans ce contexte inédit d’ouverture du « Ségur de la santé », il est capital d’avoir un cap aussi pour la santé mentale. Ce cap a été donné par le projet d’établissement 2017-2021 de l’EPSMR, soutenu par le conseil de surveillance présidé par M. Gérald Incana. Dont, il a toujours témoigné de son fort engagement pour améliorer encore plus la qualité et la diversité de l’offre de soins en santé mentale.
 
Alors, espérons simplement qu’un plan de rattrapage psychiatrique soit pris en compte pour la Réunion au « Ségur de la santé », avec une augmentation du coefficient concourant à une équité géographique, pour que la psychiatrie et son personnel ne soient pas les éternels oubliés du système de santé.

 

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