Les 25 novembre, journées internationales pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, se suivent et malheureusement se ressemble. Pire, depuis que les féminicides sont comptabilisés, les chiffres ne font qu’augmenter année après année. En 2019, 146 femmes sont mortes en France sous les coups de leur compagnon ou ex-compagnon, soit une augmentation de 21% par rapport à l’année précédente. À La Réunion, chaque jour, 6 femmes vont porter plainte pour des violences conjugales.
En 2016, Laurence Rossignol, la ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes avait souligné que « le seuil de tolérance dans la population à l’égard des violences conjugales/familiales a baissé« . Cependant, le CEVIF rappelle que les modes d’organisation de la société qui les permettent et parfois les déclenchent n’ont eux toujours pas évolué.
L’émancipation féminine malheureusement au coeur du problème
Si depuis 80 ans les femmes ont rattrapé les hommes en termes de droits et de champ d’action dans la société, le chemin reste encore long pour que les violences à leur égard s’arrêtent. Car si le statut égalitaire entre hommes et femmes est officiellement adopté, son acceptation dans la conscience collective est loin d’être une évidence. L’ampleur de l’effet #MeToo en 2017 en a été la parfaite illustration.
Pour le psychosociologue Arnold Jaccoud qui collabore avec le CEVIF dans le projet, l’émancipation féminine entraîne un surcroît de problèmes et conflits dans le monde domestique. « Quand la relation change, le positionnement change et ça produit une réaction, car l’homme est l’héritier d’un monde passé. Le phénomène ne peut que s’accentuer, car les hommes doivent se repositionner et malheureusement c’est souvent dans la violence », précise-t-il.
Selon le psychosociologue, il existe au coeur des problèmes persistants de violences avérées ou d’agressions dans la relation domestique plusieurs facteurs. Ainsi, à la source de ces comportements, on retrouve souvent des héritages sexistes patriarcaux, des frustrations affectives et sexuelles, de l’immaturité émotionnelle, des tendances addictives et peut-être la conscience difficile à supporter de ne plus trouver sa place et son rôle dans les évolutions actuelles.
Changer d’approche
Après plusieurs années à lutter contre les violences intrafamiliales, le CEVIF a fait un constat : les campagnes de prévention s’adressent toujours aux victimes. Les femmes sont interpellées pour repousser les agresseurs et faire cesser les menaces qui planent sur elles, mais aucune campagne ne s’adresse aux agresseurs. De plus, les actions multiples de secours et de soutien sont proposées une fois les violences commises.
Pour le CEVIF, ces exemples sont des aveux d’impuissance à agir auprès des instigateurs des violences, à changer les évènements et à prévenir les drames avant qu’ils ne se produisent. Les campagnes ne s’adressent qu’à la femme, en tant que potentielle victime, comme s’il n’y avait aucune prise possible sur le « prédateur ».
Le CEVIF souhaite donc changer son fusil d’épaule et s’adresser aux hommes. Mais cela pour cela, il faut comprendre le noeud du problème. L’association va donc lancer dès l’année prochaine des messages en direction des hommes, construits à partir d’ateliers où toutes les bonnes volontés sont appelées à participer. Des ateliers sur l’estime de soi seront donc proposés aux hommes, souvent à l’origine de cette violence.
L’association souhaite avant tout comprendre le problème à sa racine et également les réorganisations dans les rapports entre hommes et femmes dans le couple, la famille et plus généralement dans la vie domestique et sociale. Le message veut inciter à une réflexion multiple à propos des hommes, de leur condition et de leur place dans les évolutions présentes. Pour compenser son manque de moyens, le CEVIF lance un appel à « un mécénat de compétences » pour tous ceux qui souhaitent contribuer à cette action.
Pour mettre fin à ce cercle vicieux qui légitime les violences faites aux femmes, Frédéric Rousset, l’administrateur du CEVIF, affirme que « les hommes vont devoir accepter de perdre du pouvoir ».