Les années passent, les fêlures restent. "Quand l’enfance est brisée, c’est toute notre vie qui l’est. On a beau avancer, arriver à un certain âge, on est toujours marqué". Les larmes coulent quand Marie-Isabelle évoque son passé douloureux. Victime d’inceste dans son enfance, la quadragénaire a courageusement pris la parole à l’occasion d’une conférence de presse organisée par le collectif Eliana ce lundi, à Saint-Leu.
"Je n’ai pas eu d’aide ni dans ma famille, ni avec les autorités. Après toutes ces années, j'aurais pensé que les enfants auraient été mieux protégés, mais je me rends compte que non", constate-t-elle avec amertume, espérant que les choses bougent, enfin.
Système de protection défaillant
C’est tout l’enjeu du collectif Eliana, formé en octobre dernier pour défendre les droits et intérêts de l' enfant victime, dont le nom rend hommage à cette petite fille de 2 ans tuée à Saint-André, malgré une situation bien connue des différents services. "Eliana est le symbole d’un système de protection multi-défaillant à La Réunion", exprime Marc-Julien Grondin, porte-parole du mouvement qui regroupe 22 associations.
Après le #meetooinceste lancé sur les réseaux sociaux au niveau national en réaction à l'affaire Duhamel, le collectif Eliana a décidé de créer le #metooinceste974 le 29 janvier dernier. Objectif : libérer la parole dans une société où le poids de la famille empêche souvent les victimes de parler ou d'être entendues. Une page Facebook dédiée a également vu le jour. Depuis, les témoignages se multiplient. À l'heure où nous écrivons ces lignes, elle rassemble plus de 1200 abonnés. Une page Tik Tok compte également plus de 1500 abonnés.
Deux à trois enfants par classe victimes d'inceste
"Le but est de combattre ces violences et de mettre en lumière ce tabou qu’est l’inceste, de réveiller les consciences", détaille Jean-Marc Grondin, révolté par le "laxisme judiciaire". Infirmier urgentiste, il rappelle des chiffres édifiants : "Un mineur est violé en moyenne tous les deux jours, et le plus fréquemment par un proche de la famille. Deux à trois enfants par classe sont victimes d’inceste. Et pour le bassin Sud, deux à trois nouveaux signalement sont comptabilisés chaque semaine". Et de souligner : "L'alcool est un des facteurs entraînant les violences".
"Je n’ai pas eu d’aide ni dans ma famille, ni avec les autorités. Après toutes ces années, j'aurais pensé que les enfants auraient été mieux protégés, mais je me rends compte que non", constate-t-elle avec amertume, espérant que les choses bougent, enfin.
Système de protection défaillant
C’est tout l’enjeu du collectif Eliana, formé en octobre dernier pour défendre les droits et intérêts de l'
Après le #meetooinceste lancé sur les réseaux sociaux au niveau national en réaction à l'affaire Duhamel, le collectif Eliana a décidé de créer le #metooinceste974 le 29 janvier dernier. Objectif : libérer la parole dans une société où le poids de la famille empêche souvent les victimes de parler ou d'être entendues. Une page Facebook dédiée a également vu le jour. Depuis, les témoignages se multiplient. À l'heure où nous écrivons ces lignes, elle rassemble plus de 1200 abonnés. Une page Tik Tok compte également plus de 1500 abonnés.
Deux à trois enfants par classe victimes d'inceste
"Le but est de combattre ces violences et de mettre en lumière ce tabou qu’est l’inceste, de réveiller les consciences", détaille Jean-Marc Grondin, révolté par le "laxisme judiciaire". Infirmier urgentiste, il rappelle des chiffres édifiants : "Un mineur est violé en moyenne tous les deux jours, et le plus fréquemment par un proche de la famille. Deux à trois enfants par classe sont victimes d’inceste. Et pour le bassin Sud, deux à trois nouveaux signalement sont comptabilisés chaque semaine". Et de souligner : "L'alcool est un des facteurs entraînant les violences".
Une situation intenable sur laquelle le collectif entend sensibiliser la population et les pouvoirs publics. Apolitique, le mouvement se veut "force de proposition et de conseil" pour les pouvoirs publics et politiques, et réclame notamment une "vraie légitimité" pour la parole de l’enfant victime, "trop souvent discréditée par les institutions judiciaires".
"Il faut décloisonner"
"On a dû attendre 218 ans pour que le mot inceste soit inscrit dans le code pénal", fait remarquer Maitre Alex Vardin, regrettant qu’il ne s’agisse toutefois que d’une "petite avancée" sans réelle répercussion juridique. "L’inceste n’est pas qualifié de crime en tant que tel, c’est juste un adjectif", note-t-il. Pour la robe noire, il est urgent de redonner les moyens aux différents acteurs qui interviennent dans les affaires d’incestes, véritables "machine à gaz". "Il n’y a pas assez de magistrats, de médecins, de policiers formés pour intervenir sur ces situations délicates", estime-t-il.
C'est aussi un manque d'efficacité de la collaboration entre les différents services qui est pointé du doigt. "Il faut décloisonner", réagit Jessy Owens, présidente de l’association EPA (Ecoute-moi, protège-moi, aide-moi), à l’initiative de ce regroupement d’associations. "La protection de l'enfance doit être une priorité".
Des conséquences psychologiques lourdes
Outre l'enfance, dont les petites victimes sont privées, c'est toute une vie d'adulte qui risque ensuite d'être affectée, comme le confirme Carine Volvert, psychothérapeute. Mais une prise en charge adaptée permet de se relever de cette douloureuse expérience. "Il faut mettre en place une thérapie basée sur les psycho-trauma pour les désensibiliser", informe celle qui a créé l’association parallailes pour intervenir sur le sujet. Le collectif travaille d'ailleurs à l'instauration d'ateliers de résilience pour les enfants.
"Il faut décloisonner"
"On a dû attendre 218 ans pour que le mot inceste soit inscrit dans le code pénal", fait remarquer Maitre Alex Vardin, regrettant qu’il ne s’agisse toutefois que d’une "petite avancée" sans réelle répercussion juridique. "L’inceste n’est pas qualifié de crime en tant que tel, c’est juste un adjectif", note-t-il. Pour la robe noire, il est urgent de redonner les moyens aux différents acteurs qui interviennent dans les affaires d’incestes, véritables "machine à gaz". "Il n’y a pas assez de magistrats, de médecins, de policiers formés pour intervenir sur ces situations délicates", estime-t-il.
C'est aussi un manque d'efficacité de la collaboration entre les différents services qui est pointé du doigt. "Il faut décloisonner", réagit Jessy Owens, présidente de l’association EPA (Ecoute-moi, protège-moi, aide-moi), à l’initiative de ce regroupement d’associations. "La protection de l'enfance doit être une priorité".
Des conséquences psychologiques lourdes
Outre l'enfance, dont les petites victimes sont privées, c'est toute une vie d'adulte qui risque ensuite d'être affectée, comme le confirme Carine Volvert, psychothérapeute. Mais une prise en charge adaptée permet de se relever de cette douloureuse expérience. "Il faut mettre en place une thérapie basée sur les psycho-trauma pour les désensibiliser", informe celle qui a créé l’association parallailes pour intervenir sur le sujet. Le collectif travaille d'ailleurs à l'instauration d'ateliers de résilience pour les enfants.
Alors que les marmailles n'ont pas vraiment conscience, entre 0 et 7 ans, de ce qui est bien ou mal, la psychologue estime en outre nécessaire d'effectuer de la prévention auprès des parents et au sein des écoles. "Les parents ne savent pas comment l'expliquer, mais c'est tout simple. Il faut pouvoir expliquer depuis tout petit qu'on n'a pas le droit de les toucher", indique-t-elle, rappelant l'importance pour les victimes d'être "crues et écoutées".
Une table ronde réclamée
Marie-Isabelle, comme beaucoup d'autres victimes, a souffert de ce manque d’écoute. "On se sent seul. Soit on essaie de s'en sortir de son côté, soit on ne mène pas sa vie", dit-elle en riant, sans doute pour éviter de pleurer à nouveau. "Personne ne me croyait. Quand j'ai porté plainte, ma mère m'a demandé pourquoi je mettais la honte à la famille", se souvient-elle. Le calvaire a commencé à ses 12 ans. "J'ai eu un enfant issu d'un viol à 14 ans", raconte celle qui a tout fait pour sortir la tête de l'eau, notamment pour "donner l'exemple" à ses enfants.
"Même si c’est difficile, même si on se sent vide, même on se sent sale, il faut trouver la force d’avancer", adresse-t-elle aux victimes. "À force de demander de l'aide, on trouve toujours une main tendue". Si aujourd'hui Marie-Isabelle a réussi à pardonner à son entourage, ce douloureux passé a laissé en elle des marques indélébiles. Elle nourrit désormais l'espoir que la prise de conscience et le travail du collectif évitent à d'autres enfants de se sentir aussi démunis.
Déterminé à faire rapidement bouger les lignes pour mettre fin au calvaire de milliers de victimes, le collectif a décidé de se réunir tous les premier jeudis du mois pour travailler sur des affaires et prendre des décisions collégiales concernant des actions à mener. Il réclame au Département l'instauration d'une table ronde de la protection de l'enfance.
Une table ronde réclamée
Marie-Isabelle, comme beaucoup d'autres victimes, a souffert de ce manque d’écoute. "On se sent seul. Soit on essaie de s'en sortir de son côté, soit on ne mène pas sa vie", dit-elle en riant, sans doute pour éviter de pleurer à nouveau. "Personne ne me croyait. Quand j'ai porté plainte, ma mère m'a demandé pourquoi je mettais la honte à la famille", se souvient-elle. Le calvaire a commencé à ses 12 ans. "J'ai eu un enfant issu d'un viol à 14 ans", raconte celle qui a tout fait pour sortir la tête de l'eau, notamment pour "donner l'exemple" à ses enfants.
"Même si c’est difficile, même si on se sent vide, même on se sent sale, il faut trouver la force d’avancer", adresse-t-elle aux victimes. "À force de demander de l'aide, on trouve toujours une main tendue". Si aujourd'hui Marie-Isabelle a réussi à pardonner à son entourage, ce douloureux passé a laissé en elle des marques indélébiles. Elle nourrit désormais l'espoir que la prise de conscience et le travail du collectif évitent à d'autres enfants de se sentir aussi démunis.
Déterminé à faire rapidement bouger les lignes pour mettre fin au calvaire de milliers de victimes, le collectif a décidé de se réunir tous les premier jeudis du mois pour travailler sur des affaires et prendre des décisions collégiales concernant des actions à mener. Il réclame au Département l'instauration d'une table ronde de la protection de l'enfance.