
"Le système, je ne dirais pas qu’il est saturé au point qu’il soit en rupture, mais on s’approche et la contamination continue"
Zinfos : Docteur Chomon, quelle est la contribution du privé dans cette nouvelle vague épidémique ?
Dr Frédéric Chomon : La contribution du privé auprès du secteur public a toujours été présente dans et hors crise sanitaire, il ne faut jamais l’oublier. Pendant la crise sanitaire, les établissements privés, du fait de leur autorisation, n’ont pas d’autorisation de service d’urgence, n’ont pas d’autorisation de réanimation, donc ne se trouvent pas trop en première ligne. Mais effectivement, vis-à-vis de la population, on continue à prendre en charge des patients non Covid, que ça soit en chirurgie, en médecine, en cancérologie, en dialyse,… parce que la majorité des patients, à ce jour, sont non Covid dans les établissements. Mais on vient aussi en complémentarité avec le service public, donc en aval de ceux-ci, notamment en service d’urgences, en service de médecine infectieuse, en réanimation. Nous avons développé une collaboration pro-active avec le public.
Dès le 29 décembre, un premier établissement s’est positionné. Vous le savez tous : quand on a une incidence telle de la maladie, le système sature ! Donc on ne peut plus traiter des patients habituels mais aussi des patients Covid. Donc il était très très important d’être présent pour aider la population et aider le service public à maintenir ses obligations.
Quels sont ces établissements et quelle capacité apportent-ils chacun?
Il y a la clinique Sainte-Clotilde avec 12 lits, la clinique Saint-Vincent (11), la clinique Saint-Joseph (15) et la clinique les Tamarins (15). Avec un premier établissement supplémentaire le 29 décembre, puis deux, puis trois, puis quatre, on arrive à une capacité totale de 53 lits qui sont dépliés en aval du service public, et qui sont d’ailleurs presque tous remplis.
Le dernier en date, la clinique des Tamarins, qui fonctionne en partenariat étroit avec les besoins de la population de l’ouest et donc du CHOR, a mis en place une quinzaine de lits. Et aujourd’hui il y a cinq patients en quelques jours… Cet établissement a été autorisé (ce lundi 10 janvier, ndlr) alors que ce n’est pas son mandat habituel. C’est-à-dire que c’est un établissement qui fait de la rééducation et il a converti ses capacités en unités de médecine, avec des compétences et des effectifs particuliers. Cela nécessitait une autorisation de l’agence régionale.
Dans ces quatre établissements, un avait déjà une autorisation de médecine, c’est la clinique Sainte-Clotilde. C'est un établissement de santé avec une capacité de soins assez importante mais aussi de soins intensifs et de surveillance continue. Il n’y a pas de réanimation mais elle a pu quand même, avec l’accord de l’ARS, convertir des lits Covid négatifs en lits Covid positifs.
Donc on a dans cet établissement une capacité de 12 lits de médecine dont 4 de surveillance continue. Ce sont donc des patients qui sont quand même en état de sortir de la réanimation mais tout juste, à peine sevrés. Donc ce n’est pas un établissement qui a demandé une autorisation particulière mais simplement une information à l’ARS.
Avec la clinique Saint-Vincent, c’est une capacité de 11 places. Elle a conservé son activité de médecine. Aujourd’hui, ces structures en aval des établissements Nord sont des structures qui ne traitent pas de Covid long. On est vraiment dans les premiers cas puisque la structure Saint-Vincent a ouvert le 29 décembre. Ça reste un centre de convalescence et de rééducation. C’est un établissement qui avait joué un rôle lors de la vague précédente et qui est donc assez affûté.
Ces patients dirigés vers le privé sont en sortie de Covid ?
Ces patients sont admis dans ces structures avec une prise en charge initiale au CHU, au GHER ou au CHOR. Les structures privées ne prennent jamais de patient directement. Et quand ils les prennent c’est après expertise, traitement, surveillance minimum, avec un certain degré de stabilité.
Ce qui caractérise notre filière, dans le privé, c’est que nous prenons des patients en phase infectieuse. Ils toussent, ils crachent, ils ne sont pas bien, ils ont le Covid. Et pendant qu’ils ont cette infection active, nous avons des mesures de protection à l’intérieur de nos établissements - les mêmes qu’au sein du service public - et notre collaboration se fait sur décision conjointe des deux communautés médicales. De l’infectiologue du CHU (s’il s’agit du CHU) et de l’équipe médicale de l’établissement qui va recevoir. Et on a un cas particulier - puisque nous prenons de plus en plus des prises en charge précoces - c’est que, dans ces établissements publics, occasionnellement c’est le service des urgences qui demande le recours aux établissements privés. Et dans ce cas-là, on demande une compétence de l’urgentiste et de l’infectiologue de l’établissement face à l’expertise de l’établissement qui va recevoir. Tout simplement pour éviter les difficultés en cas d’aggravation. C’est important, lors de la reprise des patients, que l’infectiologue soit toujours, toujours dans la boucle.
Comment sont pris en charge les patients ?
Ce sont des unités qui ont vocation à être fermées ou semi-fermées et des professionnels avec des équipements de protection individuelle qui ne sont pas qu’un simple masque chirurgical et une blouse... Les prises en charge sont exemplaires, elles ont un même niveau d’exigence que celles réalisées dans le service public puisque les protocoles sont les mêmes.
La collaboration est quotidienne. Il y a même eu des visites conjointes des professionnels du public dans le privé pour voir si ça fonctionnait bien. Nous avons aussi des réunions capacitaires au moins une fois par jour, vers 13H30, pour discuter de nos difficultés. Aujourd’hui, nous ne rencontrons pas de difficulté car nous avons souhaité et mis en œuvre des collaborations communes. Notre intérêt en tant que professionnels de santé, c’est uniquement celui du patient et là-dessus, il n’y a pas de zone d’ombre. Cet ’intérêt prime et ça fonctionne plutôt bien car quand je compare avec ce qui se passe en métropole, on voit bien que l’insularité est un critère de cohésion. Quand on sait que le recours au niveau national est, pour ainsi dire, presque suspendu, on sait qu’on doit être solidaire et nous le sommes, et nous le serons encore pendant toute cette crise sanitaire et voire après, comme d’habitude. Même si on pourrait demander de la réserve sanitaire, ils sont aussi accaparés que nous dans la crise sanitaire.
Les proches peuvent-ils rendre visite ?
Par principe, non, les patients sont en phase contagieuse, ils sont malades. Il y a peut-être quelques exceptions mais ces exceptions ne se font qu’avec l’accord des professionnels de santé, notamment les médecins. Il pourrait y avoir des cas si par exemple on avait des soins palliatifs. Il faut savoir qu’il y a des patients qui ont un état qui a largement dépassé l’invasion du virus dans les poumons et le pronostic est assez faible donc on sait très bien qu’on peut aménager. Surtout, il ne faut pas tenter de forcer le mécanisme pour aller dire bonjour.
Quel est le profil des patients ?
Il y a trois types d’unités dans ces quatre établissements privés. En allant du soin critique de surveillance continue en passant par la médecine et le soin de rééducation donc il y a grosso modo trois types de profils. Sur la clinique Sainte-Clotilde, pour les patients qui ne sont pas encore stables et pour lesquels un retour en réa reste possible, on a d’ailleurs 4 places Covid positif possibles. C'est donc pour les patients qui ont des soins lourds.
Après, en service de médecine, ce sont des patients qui ont des soins actifs à continuer, avec des protocoles, des antibiotiques, des corticoïdes et d’autres types de médicaments permettant de prendre en charge les symptômes relatifs aux conséquences du Covid. Donc là, on est dans une lourdeur intermédiaire. Et puis en convalescence, vous avez des personnes qui ne peuvent pas aller sur un plateau technique car elles sont en phase infectieuse.
Quel est le moral des troupes ?
Les troupes, comme en population générale, subissent de plein fouet l’Omicron, ce qui fait qu’on a de l’absentéisme. C’est un sujet compliqué. Être absent de la bataille, c’est un vrai sujet que nous avons fait remonter, public comme privé, à la directrice de l’agence régionale. Et nous savons que les professionnels qui se déclarent positifs sont symptomatiques, puisque normalement, s’ils étaient juste asymptomatiques, ou quasiment pas symptomatiques, ils pourraient travailler dans nos établissements. Exactement comme en population générale, en contact tracing, la majorité de ces professionnels de santé - je crois que c’est 80% - a des symptômes, certes légers mais qui sont relatifs à l’excrétion du virus. Comme on sait que la contamination est très très forte donc ces professionnels seront absents. Je crois qu’on est plus d’une centaine de personnes absentes dans le privé, ce qui impacte notre activité médicale et chirurgicale, Covid comme non Covid.
En tous les cas on est confiant mais on souhaite toujours rappeler l’intérêt des gestes barrière, de la vaccination. Surtout pour amortir cette vague Covid au sein des établissements de santé. Il est très clair, on le sait et personne n’a contesté le fait que le vaccin était protecteur à 100% contre le fait de contracter la maladie. Non ! On a toujours dit que ça allait diminuer fortement les formes graves. C’est-à-dire les formes avec décès, avec réanimation et avec hospitalisation. Et le système, je ne dirais pas qu’il est saturé au point qu’il soit en rupture, mais on s’approche et la contamination continue.
Quel est le taux d'occupation des 53 lits ouverts ?
A ce jour (vendredi 14 janvier) : 75%. Mais un établissement est ouvert que depuis 4 jours. Nous sommes en pleine capacité. Les patients sortent aussi de nos structures.
Dr Frédéric Chomon : La contribution du privé auprès du secteur public a toujours été présente dans et hors crise sanitaire, il ne faut jamais l’oublier. Pendant la crise sanitaire, les établissements privés, du fait de leur autorisation, n’ont pas d’autorisation de service d’urgence, n’ont pas d’autorisation de réanimation, donc ne se trouvent pas trop en première ligne. Mais effectivement, vis-à-vis de la population, on continue à prendre en charge des patients non Covid, que ça soit en chirurgie, en médecine, en cancérologie, en dialyse,… parce que la majorité des patients, à ce jour, sont non Covid dans les établissements. Mais on vient aussi en complémentarité avec le service public, donc en aval de ceux-ci, notamment en service d’urgences, en service de médecine infectieuse, en réanimation. Nous avons développé une collaboration pro-active avec le public.
Dès le 29 décembre, un premier établissement s’est positionné. Vous le savez tous : quand on a une incidence telle de la maladie, le système sature ! Donc on ne peut plus traiter des patients habituels mais aussi des patients Covid. Donc il était très très important d’être présent pour aider la population et aider le service public à maintenir ses obligations.
Quels sont ces établissements et quelle capacité apportent-ils chacun?
Il y a la clinique Sainte-Clotilde avec 12 lits, la clinique Saint-Vincent (11), la clinique Saint-Joseph (15) et la clinique les Tamarins (15). Avec un premier établissement supplémentaire le 29 décembre, puis deux, puis trois, puis quatre, on arrive à une capacité totale de 53 lits qui sont dépliés en aval du service public, et qui sont d’ailleurs presque tous remplis.
Le dernier en date, la clinique des Tamarins, qui fonctionne en partenariat étroit avec les besoins de la population de l’ouest et donc du CHOR, a mis en place une quinzaine de lits. Et aujourd’hui il y a cinq patients en quelques jours… Cet établissement a été autorisé (ce lundi 10 janvier, ndlr) alors que ce n’est pas son mandat habituel. C’est-à-dire que c’est un établissement qui fait de la rééducation et il a converti ses capacités en unités de médecine, avec des compétences et des effectifs particuliers. Cela nécessitait une autorisation de l’agence régionale.
Dans ces quatre établissements, un avait déjà une autorisation de médecine, c’est la clinique Sainte-Clotilde. C'est un établissement de santé avec une capacité de soins assez importante mais aussi de soins intensifs et de surveillance continue. Il n’y a pas de réanimation mais elle a pu quand même, avec l’accord de l’ARS, convertir des lits Covid négatifs en lits Covid positifs.
Donc on a dans cet établissement une capacité de 12 lits de médecine dont 4 de surveillance continue. Ce sont donc des patients qui sont quand même en état de sortir de la réanimation mais tout juste, à peine sevrés. Donc ce n’est pas un établissement qui a demandé une autorisation particulière mais simplement une information à l’ARS.
Avec la clinique Saint-Vincent, c’est une capacité de 11 places. Elle a conservé son activité de médecine. Aujourd’hui, ces structures en aval des établissements Nord sont des structures qui ne traitent pas de Covid long. On est vraiment dans les premiers cas puisque la structure Saint-Vincent a ouvert le 29 décembre. Ça reste un centre de convalescence et de rééducation. C’est un établissement qui avait joué un rôle lors de la vague précédente et qui est donc assez affûté.
Ces patients dirigés vers le privé sont en sortie de Covid ?
Ces patients sont admis dans ces structures avec une prise en charge initiale au CHU, au GHER ou au CHOR. Les structures privées ne prennent jamais de patient directement. Et quand ils les prennent c’est après expertise, traitement, surveillance minimum, avec un certain degré de stabilité.
Ce qui caractérise notre filière, dans le privé, c’est que nous prenons des patients en phase infectieuse. Ils toussent, ils crachent, ils ne sont pas bien, ils ont le Covid. Et pendant qu’ils ont cette infection active, nous avons des mesures de protection à l’intérieur de nos établissements - les mêmes qu’au sein du service public - et notre collaboration se fait sur décision conjointe des deux communautés médicales. De l’infectiologue du CHU (s’il s’agit du CHU) et de l’équipe médicale de l’établissement qui va recevoir. Et on a un cas particulier - puisque nous prenons de plus en plus des prises en charge précoces - c’est que, dans ces établissements publics, occasionnellement c’est le service des urgences qui demande le recours aux établissements privés. Et dans ce cas-là, on demande une compétence de l’urgentiste et de l’infectiologue de l’établissement face à l’expertise de l’établissement qui va recevoir. Tout simplement pour éviter les difficultés en cas d’aggravation. C’est important, lors de la reprise des patients, que l’infectiologue soit toujours, toujours dans la boucle.
Comment sont pris en charge les patients ?
Ce sont des unités qui ont vocation à être fermées ou semi-fermées et des professionnels avec des équipements de protection individuelle qui ne sont pas qu’un simple masque chirurgical et une blouse... Les prises en charge sont exemplaires, elles ont un même niveau d’exigence que celles réalisées dans le service public puisque les protocoles sont les mêmes.
La collaboration est quotidienne. Il y a même eu des visites conjointes des professionnels du public dans le privé pour voir si ça fonctionnait bien. Nous avons aussi des réunions capacitaires au moins une fois par jour, vers 13H30, pour discuter de nos difficultés. Aujourd’hui, nous ne rencontrons pas de difficulté car nous avons souhaité et mis en œuvre des collaborations communes. Notre intérêt en tant que professionnels de santé, c’est uniquement celui du patient et là-dessus, il n’y a pas de zone d’ombre. Cet ’intérêt prime et ça fonctionne plutôt bien car quand je compare avec ce qui se passe en métropole, on voit bien que l’insularité est un critère de cohésion. Quand on sait que le recours au niveau national est, pour ainsi dire, presque suspendu, on sait qu’on doit être solidaire et nous le sommes, et nous le serons encore pendant toute cette crise sanitaire et voire après, comme d’habitude. Même si on pourrait demander de la réserve sanitaire, ils sont aussi accaparés que nous dans la crise sanitaire.
Les proches peuvent-ils rendre visite ?
Par principe, non, les patients sont en phase contagieuse, ils sont malades. Il y a peut-être quelques exceptions mais ces exceptions ne se font qu’avec l’accord des professionnels de santé, notamment les médecins. Il pourrait y avoir des cas si par exemple on avait des soins palliatifs. Il faut savoir qu’il y a des patients qui ont un état qui a largement dépassé l’invasion du virus dans les poumons et le pronostic est assez faible donc on sait très bien qu’on peut aménager. Surtout, il ne faut pas tenter de forcer le mécanisme pour aller dire bonjour.
Quel est le profil des patients ?
Il y a trois types d’unités dans ces quatre établissements privés. En allant du soin critique de surveillance continue en passant par la médecine et le soin de rééducation donc il y a grosso modo trois types de profils. Sur la clinique Sainte-Clotilde, pour les patients qui ne sont pas encore stables et pour lesquels un retour en réa reste possible, on a d’ailleurs 4 places Covid positif possibles. C'est donc pour les patients qui ont des soins lourds.
Après, en service de médecine, ce sont des patients qui ont des soins actifs à continuer, avec des protocoles, des antibiotiques, des corticoïdes et d’autres types de médicaments permettant de prendre en charge les symptômes relatifs aux conséquences du Covid. Donc là, on est dans une lourdeur intermédiaire. Et puis en convalescence, vous avez des personnes qui ne peuvent pas aller sur un plateau technique car elles sont en phase infectieuse.
Quel est le moral des troupes ?
Les troupes, comme en population générale, subissent de plein fouet l’Omicron, ce qui fait qu’on a de l’absentéisme. C’est un sujet compliqué. Être absent de la bataille, c’est un vrai sujet que nous avons fait remonter, public comme privé, à la directrice de l’agence régionale. Et nous savons que les professionnels qui se déclarent positifs sont symptomatiques, puisque normalement, s’ils étaient juste asymptomatiques, ou quasiment pas symptomatiques, ils pourraient travailler dans nos établissements. Exactement comme en population générale, en contact tracing, la majorité de ces professionnels de santé - je crois que c’est 80% - a des symptômes, certes légers mais qui sont relatifs à l’excrétion du virus. Comme on sait que la contamination est très très forte donc ces professionnels seront absents. Je crois qu’on est plus d’une centaine de personnes absentes dans le privé, ce qui impacte notre activité médicale et chirurgicale, Covid comme non Covid.
En tous les cas on est confiant mais on souhaite toujours rappeler l’intérêt des gestes barrière, de la vaccination. Surtout pour amortir cette vague Covid au sein des établissements de santé. Il est très clair, on le sait et personne n’a contesté le fait que le vaccin était protecteur à 100% contre le fait de contracter la maladie. Non ! On a toujours dit que ça allait diminuer fortement les formes graves. C’est-à-dire les formes avec décès, avec réanimation et avec hospitalisation. Et le système, je ne dirais pas qu’il est saturé au point qu’il soit en rupture, mais on s’approche et la contamination continue.
Quel est le taux d'occupation des 53 lits ouverts ?
A ce jour (vendredi 14 janvier) : 75%. Mais un établissement est ouvert que depuis 4 jours. Nous sommes en pleine capacité. Les patients sortent aussi de nos structures.