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Vers l’autonomie alimentaire (II) : Modes de production. Et La Réunion ?

Les « fermes d’avenir » (plusieurs centaines en France) cultivent une diversité de produits pour une alimentation durable : légumes, légumineuses, fruits, produits d’élevage et céréales.  Nous présentons quelques études montrant l’intérêt de la production en agroécologie et permaculture, puis reprenons quelques évaluations de surfaces nécessaires pour produire la nourriture dont les Français ont besoin. Ces chiffres […]

Ecrit par Bruno Bourgeon – le lundi 19 avril 2021 à 09H03

Les « fermes d’avenir » (plusieurs centaines en France) cultivent une diversité de produits pour une alimentation durable : légumes, légumineuses, fruits, produits d’élevage et céréales. 

Nous présentons quelques études montrant l’intérêt de la production en agroécologie et permaculture, puis reprenons quelques évaluations de surfaces nécessaires pour produire la nourriture dont les Français ont besoin. Ces chiffres doivent aider les paysans inspirés par le modèle de micro-ferme à décider quelle surface ils allouent et à quels aliments.

Le mode de production influe sur la qualité nutritionnelle des aliments

Une étude menée en 2014 par l’Université de Berkeley (Californie) tend à réduire l’écart constaté entre les rendements de l’agriculture bio et ceux de l’agriculture conventionnelle et donne de nouveaux espoirs pour le développement de l’agriculture bio. 20% à 25% de différence de rendement entre la bio et la conventionnelle, c’est ce qu’avaient démontré deux précédentes études, publiées en 2012 par des chercheurs des Pays Bas et du Canada.

Berkeley Food Institute a souhaité revisiter ces statistiques avec une série de métadonnées trois fois plus importante que précédemment (soit 115 études contenant plus de 1 000 observations). « Dans la série de données collectées sur les 35 dernières années, et concernant 38 pays et 52 types de cultures, il nous apparaît que les rendements biologiques sont inférieurs de seulement 19,2 % par rapport aux rendements conventionnels. » affirme Mme Kremen qui a piloté les recherches. Cette baisse d’écart mérite d’être signalée, mais Mme Kremen ne s’arrête pas là dans ses conclusions. « Nous avons pu constater que cet écart peut tomber à 8% en utilisant les techniques de rotation des cultures, et à 9% avec celle des polycultures. » C’est la conclusion majeure de l’étude de Berkeley : les rendements de l’agriculture biologique ne sont pas inférieurs à ceux de l’agriculture conventionnelle.

L’importance sur le plan nutritif de modes de production biologique

Une dizaine d’études canadiennes, américaines et britanniques, publiées entre 1997 et aujourd’hui, font état d’une dégringolade de la concentration en nutriments dans nos aliments.
Ces travaux, résumés dans l’étude « Still no free lunch » de Brian Halweil, chercheur au Worldwatch Institute confirment l’essor de la « calorie vide » : grasse, sucrée, mais inutile pour la santé. Même dans les aliments réputés sains, vitamines A et C, protéines, phosphore, calcium, fer et autres minéraux ou oligo-éléments ont été divisés par deux, par vingt-cinq, par cent, en un demi-siècle. Pour retrouver les qualités nutritionnelles d’un fruit ou d’un légume des années 1950, il faudrait aujourd’hui manger une demi-cagette.

Hier, quand nos grands-parents croquaient une pomme, ils avalaient 400 mg de vitamine C, indispensable à la fabrication et à la réparation de la peau et des os. Aujourd’hui, les supermarchés nous proposent des bacs de Golden standardisées, qui ne nous apportent que 4 mg de vitamine C chacune, selon Philippe Desbrosses, docteur en sciences de l’environnement à l’université Paris-VII. Cent fois moins. « Après des décennies de croisements, l’industrie agroalimentaire a sélectionné les légumes les plus beaux et les plus résistants, mais rarement les plus riches sur le plan nutritif », déplore-t-il.

Les facteurs de ce déclin sont multiples : sols plus pauvres, végétaux cueillis trop tôt, traitements de conservation plus fréquents, croissances plus rapides dopées par les engrais, réduction du nombre de variétés, sélectionnées pour leur résistance aux parasites et leur rapidité de croissance… Autant d’éléments imputables pour une quête de meilleurs rendements. Résultat, « pour le maïs, le blé et le soja, plus le rendement est important, plus le contenu en protéines est faible », note Brian Halweil, dans son étude. Même schéma pour les concentrations de vitamine C, d’antioxydants et de bêtacarotène dans la tomate : plus les rendements augmentent, plus la concentration de nutriments diminue.

A contrario, « l’agriculture biologique peut contribuer à inverser la tendance », indique Brian Halweil. De fait, à conditions climatiques équivalentes « les aliments bios contiennent significativement plus de vitamine C, de fer, de magnésium et de phosphore que les autres ». Le chercheur met pourtant en garde : « Si les agriculteurs bios développent un système riche en intrants avec des rendements comparables aux exploitations conventionnelles, le bio verra son avantage nutritionnel s’éroder. » Itou, si les produits bios sont cueillis avant maturité, ils sont moins riches en nutriments que des produits mûrs de l’agriculture traditionnelle. Seule stratégie pour remettre la vie dans son assiette : choisir des aliments mûrs, produits de manière non intensive et partir à la chasse aux variétés oubliées.

Pour une autonomie en légumes et fruits

Selon l’édition trimestrielle de Rustica, série « Tout en un, Le potager, c’est facile ! » (2005), un jardin de 250 m2 répondra aux besoins en fruits et légumes d’une famille de 4 personnes. Sur une parcelle de permaculture, on peut diviser la surface par 2 minimum, voire 5.

Toujours selon Rustica, un jardin familial de 250 m2 nécessite de consacrer 1 heure de soins par jour de mars à mai, puis quelques heures par mois jusqu’en septembre, et une journée à l’automne, et une en fin d’hiver. Il faudra alors produire 72 kilos de légumes, 75 kilos de fruits et quelque 35 kilos de pommes de terre par an et par personne composant un foyer, si on se base sur les statistiques de consommation disponibles.

Pour une autonomie « totale » (hors viande et poissons, les protéines étant apportées par les légumineuses)

Les travaux ci-dessous montrent qu’il faudrait environ 1000 m2 à 1500 m2 de culture pour nourrir un être-humain (céréales, oléagineux, légumes, et fruits). On se base sur un objectif de production d’un kilogramme de nourriture par jour et par personne. En diversifiant les plantations axées sur sept sortes d’aliments à raison d’environ 50 kg de chaque, cela donnera alors 350kg (en arrondissant donc, les 365 kg dont on a besoin, chacun).
Les surfaces ci-dessous sont complétées par des analyses en termes de rendement en agriculture biologique. Ces surfaces sont à prendre avec précaution car dépendantes de multiples facteurs.

– 60 kg de céréales (blé, orge, seigle, maïs, avoine, etc…) cultivés sur 450m2 (rendements en culture non mécanisée bio) ou sur 200m2 (en culture mécanisée bio) avec 1,5 kg de semences.
– 50 kg d’oléagineux (noix, noisettes, graines de courge, tournesol, pavot, colza) sur 400m2
– 50 kg de pommes de terre (+ autres tubercules, châtaignes, etc…) sur 20m2 avec une centaine de plants de pommes de terre. Rendement de pommes de terre = 2,5 kg / m2.
– 60 kg de fruits (pommes, poires, raisins, etc…) en vivaces sur environ 120m2.
– 50 kg de choux (divers y compris rutabagas, navets, etc…) sur environ 20m2.
– 50 kg de légumes (carottes, oignons, poireaux, céleris, etc…) sur environ 30m2.
– 30 kg de légumineuses (haricots, pois) sur 120m2 avec 2 à 3 kg de semences.

Ce qui donnerait à La Réunion, pour un million d’habitants escompté, une sole agricole de 90 000 à 150 000 hectares. Actuellement la surface agricole utile est de 45 000 hectares environ. Il faudrait donc au moins tripler le rendement agricole, supprimer la canne définitivement, et doubler le nombre de personnes travaillant dans ces filières. On peut s’attendre à un enchérissement significatif de l’alimentation. Et nous ne comptons pas la nécessaire nourriture des animaux d’élevage si d’aventure les habitants mangeaient, ô sacrilège, de la viande, et consommaient des produits laitiers. L’autonomie alimentaire à La Réunion : une utopie ? Non : une impasse sociétale. On ne pourra que tendre vers, sans jamais y parvenir.

  Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID
aid97400.re
Source : https://horizonpermaculture.wixsite.com/perma

 

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