Revenir à la rubrique : Faits divers

Université de La Réunion: Harcelée sexuellement par son prof d’anglais, elle témoigne

Aurélie*, 21 ans, est actuellement hospitalisée pour dépression. Fragile, mais incroyablement courageuse, elle a décidé de dénoncer le harcèlement sexuel dont elle a été victime de la part de son professeur d’Anglais, à l’Université de La Réunion. Entre baiser forcé, messages déplacés et favoritisme, l’homme lui a fait vivre un cauchemar : "Il m’a volé mon année".

Ecrit par zinfos974 – le mercredi 22 juillet 2020 à 17H58

C’est le comportement classique des prédateurs : s’en prendre aux proies qu’ils imaginent les plus fragiles. Mais ce professeur d’Anglais ne connaissait sûrement pas toutes les facettes de la personnalité de sa victime. Car si la jeune femme souffre de dépression, elle ne manque certainement pas de caractère, et compte bien dénoncer le calvaire qu’il lui a fait subir.
 
Tout commence en 2019. Aurélie* doit entamer sa troisième année de licence d’Anglais (L3) à l’Université de La Réunion. Mais la jeune femme passera les trois quarts de l’année à l’hôpital suite à une dépression sévère et une tentative de suicide.
 
Elle contacte l’enseignant en début d’année pour l’informer de sa situation, et expliquer pourquoi elle n’a pas pu rendre certains devoirs. Suite à cette prise de contact, il l’ajoute en amie sur Facebook.
 
Le professeur se met à lui écrire, d’abord pour évoquer la situation d’Aurélie, puis pour parler de sujets variés, sans lien avec ses études. Mais les messages deviennent rapidement de plus en plus dérangeants, comme nous avons pu le constater:
 

« On pourrait faire un truc un soir si tu veux – expo ou autres, qu’en penses-tu ? »
« Si tu as besoin de calme à la fac, tu peux toujours venir te réfugier au bureau – j’y suis quasiment tous les jours et c’est très calme »
« Jusqu’à mon dernier souffle tu seras dans mon coeur et même après »
« Prends bien soin de toi, ma seule vraie amie »

 

Il ira même jusqu’à lui écrire un poème où il lui déclare sa flamme.

Il lui rend visite à l’hôpital psychiatrique et l’embrasse 
 
Le professeur ne s’arrête pas là. Il va lui rendre visite à plusieurs reprises directement à l’hôpital psychiatrique, où se trouve Aurélie suite à une nouvelle tentative de suicide.
 
Là, il se met à lui rendre des services, et s’occupe notamment de lui réparer son téléphone. Un outil dont la jeune patiente a désespérément besoin pour sortir de l’isolement dont elle souffre dans l’établissement de santé.
 
« J’étais sous l’effet de plusieurs médicaments très lourds. Je l’ai pris dans mes bras pour le remercier pour le téléphone. Mais apparemment c’était une erreur, parce qu’il m’a embrassée sur la bouche. J’ai immédiatement reculé, mais il a continué et m’a à nouveau embrassée. C’est un infirmier qui a dû lui dire d’arrêter. »

Son geste, qui s’apparente à une agression sexuelle, laissera de graves séquelles: Aurélie se met à souffrir de crises d’angoisse et d’agoraphobie.
 
« Je ne savais pas comment réagir à cause de l’effet des médicaments, mais surtout par peur des répercussions que ça pourrait avoir sur mes études par rapport au pouvoir du professeur », nous explique la jeune femme.
 
« Il savait très bien ce qu’il faisait, il était parfaitement conscient du fait que moi je n’étais pas forcément lucide, que j’étais fragile. Se rendre dans un asile, et embrasser son élève dans un asile… il y a quand même un problème! »
 
Suite à ça, l’enseignant revient à l’hôpital quelques jours plus tard. L’équipe médicale s’alarme mais Aurélie décide de gérer elle-même la situation et de mettre les choses au clair. « J’étais très angoissée, et je ne voulais pas l’envoyer balader par peur pour mes études ».

« J’avais déjà clairement refusé ses avances et je lui ai dit à plusieurs reprises que j’avais un petit ami. J’ai eu peur pendant très longtemps. Je lui ai dit que j’étais désolée parce que ce n’était pas du tout le type de relation que je voulais avec lui ».

 

Il lui propose de partir s’installer avec lui en Nouvelle-Zélande
 
Alors que la jeune étudiante se bat contre la maladie, elle essaie tant bien que mal de poursuivre sa dernière année.

En octobre, elle retourne sur le campus, mais il ne faudra que quelques minutes avant qu’elle ne soit victime d’une très grosse crise d’angoisse en présence de plusieurs personnels de l’université. Elle n’y retournera plus jamais.
 
« Juste après la crise d’angoisse, mon professeur m’envoie un message pour me proposer de partir vivre avec lui en Nouvelle-Zélande. Je lui ai dit qu’il me faisait peur et je l’ai bloqué. »

 

Des dizaines de témoignages similaires

Aurélie a survécu à une nouvelle tentative de suicide il y a deux semaines de cela. C’est là qu’elle a un déclic: « Il a fait du mal à plusieurs personnes. Il faut que ça s’arrête maintenant, stop. »
 
Puisque sa dernière année de licence d’Anglais est terminée, elle n’a plus peur des conséquences, et décide de dénoncer le professeur harceleur.
 
C’est sur Instagram, par le biais de « story » qu’elle raconte son calvaire.

Immédiatement, elle reçoit des dizaines de messages de soutien, mais surtout, des témoignages similaires d’anciennes étudiantes que nous avons pu lire :
 

« Il me parlait en première année de fac via Facebook. Je trouvais ça quelque peu étrange qu’un enseignant vienne me demander ce que je faisais ce week-end ou autre. »
 
« Ce n’était que sur Facebook mais ce genre de sous-entendus ça m’a un peu choquée de sa part. Mais je n’ai rien fait car je me disais la même chose que toi : j’ai pas envie qu’il me fasse rater ma licence. »
 
 » Je ne venais plus à ses cours parce qu’il me faisait peur. »
 
« À l’époque où j’étais à la fac il y a 5 ans il avait un comportement déplacé et irrespectueux envers certains élèves… »
 
 » Je suis moi aussi en anglais et nous sommes unanimes dans la promo sur le comportement plus que douteux du professeur dont il est question. »
 
« Il approche quand on est vulnérable et nous fait des avances et forcément on veut pas le froisser parce que notre avenir académique dépend de lui. »

 

« L’université tente d’éviter le scandale »
 
L’Université de La Réunion a communiqué sur l’affaire ce mardi annonçant qu’une enquête interne était en cours.

Le professeur a été entendu la semaine dernière par l’institution.

Une rencontre avec Aurélie était organisée le 17 juillet dernier, après l’entretien de l’enseignant, et l’université a pris le soin de préciser qu’Aurélie avait « quitté la réunion prématurément ».
 
Aurélie tient à expliquer ce départ : « J’ai été reçue par une responsable du pôle égalité et mission handicap et une juriste. Elles ne voulaient pas m’écouter. Elles n’ont fait que me répéter que personne n’avait jamais fait de signalement sur ce professeur, et qu’elles n’avaient jamais entendu de rumeurs sur lui. En gros que ce que je disais était un gros mensonge. J’avais l’impression de parler à un mur ».
 
Curieux de voir que l’Université de La Réunion découvre aujourd’hui le comportement de ce professeur, alors que parmi les témoignages reçus par Aurélie, certains font état de plusieurs signalements:
 

« Il a été plein de fois irrespectueux. On s’est plaint avec notre professeur référent mais rien n’a changé à ce que je vois. C’est si rageant de voir qu’une personne aussi dégoûtante continue à être impunie. »
 
« L’université a été mise au courant mais a prétendu ne rien pouvoir faire si une lettre officielle n’était pas faite par les étudiants impliqués. J’étais l’un d’entre eux mais j’ai laissé la possibilité à une fille de ma promo d’aller jusqu’au bout ou pas puisqu’elle avait subi un bien plus grand préjudice que moi. Il avait eu des propos clairement misogyne avec cette fille. Malgré notre soutien, elle n’a pas eu envie de le faire et voulait passer à autre chose. Et je n’ai pas écrit la lettre parce que je n’aurais pas pu faire autrement que d’impliquer la fille qui avait décidé de passer à autre chose, donc ça s’est arrêté à là. Le plus triste dans tout ça c’est que les profs et responsables mis au courant n’étaient pas étonnés par ce qu’on racontait, parce que ce n’était pas la première fois. »

 
 » Je ne me sens pas du tout en sécurité à l’Université de La Réunion » conclut Aurélie, « C’est pour ça que je leur ai dit de ne plus jamais me contacter. Parce que l’université, ce qu’ils font, c’est qu’ils essaient seulement de se protéger, d’éviter le scandale. C’est tout. »
 
L’étudiante compte bien porter plainte très prochainement et a déjà choisi son avocat.

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

Soupçons d’emplois illégaux à la Région : Un procès au goût amer dont l’épilogue est attendu le 21 mai

Le procès de Didier Robert, ancien président de la Région Réunion, s’est conclu après d’intenses débats judiciaires sur des accusations d’emplois fictifs et de détournement de fonds. Le délibéré de cette affaire politico-judiciaire, très attendu, sera rendu le 21 mai, en pleine période électorale. Les avocats des 11 prévenus, vent debout contre l’enquête préliminaire menée par des policiers spécialisés en la matière, ont unanimement plaidé la relaxe.

Soupçons d’emplois illégaux à la Région : « La fin ne saurait justifier les moyens »

La procureure de la République Véronique Denizot a demandé la condamnation des 11 prévenus de l’affaire des emplois présumés illégaux de la Région, ce jeudi lors de la quatrième journée du procès, une peine de 5 ans d’inéligibilité étant notamment requise pour l’ancien président Didier Robert, visé pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds . L’actuelle mandature de la Région, partie civile du procès, a demandé un préjudice à hauteur de 1,5 million correspondant à la somme des salaires versés aux huit conseillers techniques poursuivis pour recel.