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Université : « C’est comme si on demandait à Neymar d’arbitrer ‘en toute impartialité’ un match entre l’OM et le PSG »

Le collectif intersyndical de l'Université de La Réunion a envoyé un courrier à la ministre de l'Enseignement supérieur le 28 avril dernier pour protester, entre autres, contre la nomination de Jean-Michel Jauze au poste d'administrateur provisoire de l'Université en remplacement de Frédéric Miranville, dont l'élection avait été annulée par le tribunal administratif.

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 30 avril 2021 à 11H21

Nous reprenons ci-dessous l’essentiel de ce courrier dans lequel les syndicats SNESUP-FSU, UNSA-Enseignement et CGTR Educ’action réclament donc son remplacement par une personnalité indépendante, tout comme le départ des vice-présidents dont le mandat est lié à celui du président. Sur ce dernier point, selon des sources non confirmées officiellement pour le moment, il semblerait que les syndicats aient obtenu satisfaction.

Les syndicats souhaitent également que la ministre attende la fin du processus électoral en cours à la Région et au Département, de façon à permettre aux personnalités extérieures qui vont être élues de l’être par les nouveaux représentants de ces deux collectivités en cours de renouvellement.

Pierrot Dupuy

Madame la Ministre,

Par une décision en date du 14 avril 2021, le Tribunal administratif (TA) de Saint-Denis de La Réunion a annulé la réunion du 8 décembre 2020 convoquée pour la désignation des 4 personnalités extérieures.

Le TA a sanctionné la participation au vote de la représentante désignée par la collectivité régionale, également enseignante-chercheuse à l’Université de La Réunion (UR), désignée en violation de l’article D719-47 du code de l’Education.

Pour la composition irrégulière du nouveau Conseil d’administration (CA), le TA a également annulé l’élection à la présidence de Frédéric Miranville du 17 décembre 2020.

La convocation de ce nouveau CA n’avait pas d’ailleurs lieu d’être, dès lors que le mandat des administrateurs sortants était prolongé jusqu’au 31 décembre 2020 en application de l’arrêté du 10 octobre 2020.

En conséquence de ces décisions juridiques, nous souhaitons vous alerter sur quatre points :

1. La nomination du Pr Jean-Michel Jauze comme administrateur provisoire n’apporte aucune garantie d’impartialité et repose sur un conflit d’intérêt patent. Il exacerbe les tensions au sein de notre établissement, tant il est clairement contraire aux principes déontologiques toujours défendus par votre ministère.

Le Pr Jean-Michel Jauze a été nommé le 19 avril 2021 en qualité d’administrateur provisoire de l’Université de La Réunion par Madame La Rectrice, Chancelière des universités, pour assurer les affaires courantes, et organiser la désignation des 4 personnalités extérieures à la présidence dans un délai de 1 mois.

Le Pr Jean-Michel Jauze était au moment des élections de décembre, directeur de la composante Lettres et Sciences Humaines, colistier (n°3) de la liste de monsieur Miranville et membre élu au CA pour la liste conduite par Frédéric Miranville et, en outre, a été élu vice-président du CA en charge des affaires générales le 28 février 2021 sur proposition de Frédéric Miranville.

C’est un peu comme si on demandait à Neymar ou à Di maria d’arbitrer « en toute impartialité » un match entre l’Olympique de Marseille et le PSG.

Avant la nomination du Pr Jean-Michel Jauze, aurait dû être considérées les incompatibilités de dirigeant exécutif (vice-président) et d’administrateur provisoire, qui dispose de l’intégralité des pouvoirs attachés aux fonctions de Président d’université qui lui sont confiées.

En tout état de cause, une situation de conflits d’intérêt patent ressort fortement de ce choix, lorsque ces cumuls dépassent largement le cas d’espèce évoqué dans le rapport d’activité 2020 du collège de déontologie rattaché à votre ministère.

2. Le maintien des Vice-Président·e·s élu·e·s et des chargé·e·s de mission nommé·e·s par Frédéric Miranville est contraire au principe d’une administration provisoire et aux statuts de l’UR, ne repose sur aucun fondement légal et est de nature à influencer les votant·e·s à une nouvelle élection à la présidence de l’université.

Une administration provisoire coexiste avec des dirigeant·e·s exécutifs·ves élu·e·s et des chargé·e·s de mission proposé·e·s par un président dont l’élection a été annulée. C’est une situation ubuesque et méprisante au regard du défaut d’impartialité déjà relevé pour le choix de l’administrateur provisoire.

Le maintien des vice-président·e·s reposerait sur le délai dépassé des recours à la suite de leur désignation par le CA en séance du 28 février 2021. Or cette désignation a été effectuée par un CA dont la composition même a été jugée irrégulière par le Tribunal administratif. Bien avant cette décision du TA, l’élection irrégulière de M. Patrick Mavingui en tant que Vice-Président du CA en charge de la recherche et de la valorisation avait été contestée, par qualité de titulaire du CNRS contraire à la qualité de titulaire de l’université de La Réunion, fixée par l’article 7.1 des statuts de l’UR.

En tout état de cause, le maintien des Vice-Président·e·s est contraire aux articles 7.1 et 7.3 des statuts de l’UR, un président sortant ne peut imposer des vice-président·e·s qu’il a proposé·e·s pour une nouvelle élection à la présidence de l’université.

Le maintien des chargé·e·s de mission ne serait soutenu que par leur nomination antérieure à la décision du TA par Frédéric Miranville, alors que leur nomination relève d’un pouvoir discrétionnaire d’un président dont l’élection a été annulée.

Le maintien des vice-président·e·s et des chargé·e·s de mission proposé·e·s initialement par Frédéric Miranville est de nature à influencer significativement la désignation des personnalités extérieures issues d’un nouvel appel public à candidatures et d’une nouvelle élection à la présidence de l’université. Il serait en effet aisé au candidat Miranville d’appeler les votant.e.s à éviter toute cohabitation entre un·e des Vice-Président·e·s et une présidente avec qui ils ou elles seraient en conflit. Cette situation porte atteinte à la démocratie universitaire et entraîne d’avance une rupture d’équité entre tous les candidats potentiels à la présidence de l’université.

3. Le délai de 1 mois pour la réorganisation des dernières opérations élections ne répond à aucune obligation et compromet une stratégie territoriale de l’ESR avec des collectivités en cours de renouvellement.

Le délai de 1 mois se justifierait par l’article 5 des statuts de l’UR pour une nouvelle élection en cas de vacance de la présidence de l’université. Or, cette vacance ne peut être constatée qu’au cours d’un mandat entamé. L’annulation de l’élection de Frédéric Miranville le 17 décembre 2020 par le TA pour une composition irrégulière du CA établit qu’il n’y a pas de nouveau mandat entamé.

Ce délai s’imposerait pour la période de réserve qui débute le 20 mai 2021 pour les élections régionales et départementales prévues le 20 et 27 juin 2021. Dans le cadre d’une stratégie territoriale de l’ESR partagée entre l’UR et ces collectivités, et alors même que le président sortant n’avait toujours rien engagé pour le nouveau contrat d’établissement 2021-2025 de l’UR, il y aurait lieu d’attendre la désignation des nouveaux représentants de ces collectivités en cours de renouvellement.

4. Le processus électoral n’a toujours pas de sécurité juridique.

          4.1. Le scrutin du collège A du CA est toujours contestable en justice.

Les dernières irrégularités sanctionnées par le TA interviennent après celles de la CCOE sur le scrutin du 25 septembre 2020 pour l’élection des représentant·e·s du collège A des professeur·e·s et assimilé·e·s. Ce scrutin a été repris le 1er décembre 2020 et le TA a rejeté un recours pour son annulation. La composition du collège électoral avec des personnels du CIRAD et leur équivalence établie de façon arbitraire par le président sortant Frédéric Miranville reste un élément contestable en appel de la décision du TA.

          4.2. Le nouveau calendrier électoral n’a été pas fixé par une autorité compétente.

Les opérations électorales à reprendre ont été annoncées le 22 avril 2021 par un mail du service juridique en indiquant une simple approbation de Madame La Rectrice, Chancelière des universités d’un calendrier. Aucun arrêté n’a été pris par une autorité compétente pour l’organisation de ces opérations électorales, alors que les règles de communication ont été fixées par un arrêté du 23 avril 2021 signé de l’administrateur provisoire.

          4.3. Le nouvel appel public à candidatures a été lancé en violation du code de l’éducation.

L’article D719-47-5 du Code de l’éducation prévoit que des modalités de cet appel à candidatures sont fixées par les statuts de l’université. Cette obligation est rappelée dans le guide de la DGESIP sur le principe de différentes modalités qui peuvent être envisagées pour cet appel.

Or, l’article 13 des statuts de l’UR se borne à reprendre la qualité de ces personnalités extérieures, fixée par le code de l’éducation, sans aucune indication sur les modalités de l’appel public à candidatures.

Le président sortant Frédéric Miranville était bien conscient de cette irrégularité puisqu’il a tenté d’y répondre en urgence par une délibération n°2020-74 du 17 septembre 2020 du CA adoptée par 20 voix et avec 4 refus de vote (en dessous des deux tiers des membres présents ou représentés). Or, cette délibération n’est qu’un avis du CA pour indiquer uniquement l’organisation de l’appel public par la direction générale des services, sans toujours préciser les modalités attendues ; cette délibération ne peut alors même pas se substituer à des modalités qui devaient être définies dans les statuts de l’université, conformément à l’article D719-47-5 du code de l’éducation.

En tant que représentant·e·s des personnels, nous vous interpellons solennellement pour rétablir l’état de droit à l’Université de La Réunion, dans le respect de ses statuts, pour le respect de la communauté universitaire et l’installation d’une gouvernance dont la légitimité ne serait plus contestable.

Dans ce contexte, nous vous demandons d’exercer votre autorité pour :

    1.    Prononcer ou faire prononcer la vacance des fonctions de vice-président·e·s et des chargé·e·s de mission au regard des règles et principes précédemment évoqués, afin de retirer l’influence que leur maintien impose pour une nouvelle élection à la présidence.

    2.    Procéder ou faire procéder à la nomination d’un·e nouvel·le administrateur·e provisoire avec les garanties d’impartialité attendues, au moins jusqu’à la désignation des nouveaux ou nouvelles représentant·e·s des collectivités régionales et départementales, en cours de renouvellement, et la fin des examens à l’université de La Réunion, afin de préserver les étudiant·e·s de toute situation délétère.

    3.    Prendre ou faire prendre les dispositions régulières pour les modalités de l’appel public à candidatures en vue de la désignation des 4 personnalités extérieures au titre du 3° du II de l’article L. 712-3 du Code de l’éducation.

    4.    Prendre ou faire prendre en temps utile un arrêté pour un calendrier fixant la réunion en vue de la désignation des 4 personnalités extérieures au titre du 3° du II de l’article L. 712-3 du Code de l’éducation, et la première convocation du nouveau CA pour l’élection à la présidence.

Nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, nos plus respectueuses salutations ainsi que l’assurance de notre plus haute estime.

Chloé BOURMAUD, secrétaire académique du SNESUP-FSU Réunion
Jean-Pierre CHABRIAT, secrétaire de la section de l’UNSA-Enseignement Supérieur et Recherche
Rachelle MARIAMON, déléguée de la section université CGTR Educ’action

 

 

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