Jacques de Chateauvieux a longtemps été l’illustration parfaite de la réussite sociale à La Réunion.
Après avoir repris Les Sucreries de Bourbon, une entreprise vieillissante propriétaire d’immenses champs de cannes et de quelques usines sucrières, il a su en faire une entreprise leader mondiale dans le secteur du transport maritime à destination des compagnies pétrolières qui exploitent des plates-formes de forage en eaux profondes.
Tout allait pour le mieux et Jacques de Chateauvieux figurait même parmi les 75 plus grosses fortunes françaises, au moment où il a été appelé pour présider la prestigieuse compagnie d’assurance Axa, avant de reprendre un peu plus tard les rênes de son groupe familial.
Patatras. Le visionnaire n’a pas vu arriver la baisse des cours du pétrole, qui a entrainé une diminution drastique des investissements des compagnies pétrolières.
En cinq ans, le cours de l’action Bourbon est passé de 21 euros à moins de 4 euros.
Le groupe Bourbon est aujourd’hui plombé par un endettement de 2,7 milliards d’euros qui l’a contraint à se mettre en règlement judiciaire le 7 août dernier, pour tenter d’échapper à une tentative de prise de contrôle des créanciers.
Et c’est dans ce contexte que Médiapart revient sur une affaire de corruption qui touche le groupe Bourbon, mais qui éclabousse au passage Agnès Pannier-Runacher, la secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des Finances Bruno Le Maire.
Le groupe Bourbon est soupçonné par la justice française d’avoir payé des fonctionnaires dans plusieurs pays africains (Nigeria, Cameroun et Guinée-Équatoriale), pour effacer des ardoises de plusieurs millions d’euros d’impôts.
Ces manœuvres auraient permis d’éluder, pour des redressements de 2007 à 2012, jusqu’à 200 millions d’euros d’impôts sur le continent africain en contrepartie de « versement de cadeaux » de près de 3 millions d’euros, selon les estimations des enquêteurs.
Le journal d’investigation en ligne laisse entendre que la secrétaire d’Etat, qui a siégé au conseil d’administration de Bourbon avant d’entrer au gouvernement, ne pouvait ignorer les pratiques du groupe.
Médiapart révèle que dans ses conclusions le magistrat en charge de l’instruction a estimé que les usages litigieux n’ont soulevé « à aucun moment une quelconque protestation ou la moindre trace d’indignation » (parmi les membres du conseil d’administration NDLR). « Au contraire, insiste le juge, la pratique du pot-de-vin apparaît convenue, désignée par une sémantique préétablie et discutée naturellement ».
Pour mémoire, rappelons que Jacques de Chateauvieux avait déjà été condamné à La Réunion le 20 mars 1990 à 2 ans de prison, dont un ferme, pour corruption, dans l’affaire dite de la CGE, la même dans laquelle Gilbert Annette avait également été condamné. Alors que le maire de Saint-Denis avait connu les affres de la prison Juliette Dodu, la peine de Jacques de Chateauvieux avait été transformée en sursis en appel à Paris.