« À cela s’ajoute un sentiment d’impuissance devant une administration qui se ferme de plus en plus au public. On oriente les gens vers des e-messages ou des numéros de téléphone, mais sans contact humain. Or, nous avons de nombreux contribuables qui ont besoin d’une aide particulière. Le taux d’illettrisme et illectronisme fait que de nombreuses personnes sont perdues quand on ne prend pas le temps de les aider. Les gens ont le sentiment de n’être bons ‘qu’à payer’. Entre les taxes qui augmentent, comme la taxe foncière, d’autres qui disparaissent, comme la taxe d’habitation ou la redevance audiovisuelle, les gens ne savent plus à quoi correspond ce qu’ils payent« , poursuit la syndicaliste.
« Il y a beaucoup de communication autour de la dématérialisation. On promet une réponse en une semaine, mais certains services, qui sont sous débordés, peuvent mettre un ou deux mois à répondre. On parle aussi des points « France Service », mais les agents sont multitâches et doivent répondre sur les impôts, la CAF, Pôle Emploi, et ils ne sont pas formés. Donc, on oriente encore les gens vers un ordinateur, c’est juste de l’accompagnement numérique« , ajoute Sylvie Martin, secrétaire-générale adjointe. « Les gens sont désabusés, car le consentement à l’impôt doit s’accompagner d’un service d’accueil« , ajoute Sylvie Martin.
Cette montée de colère face à l’impôt est aussi liée à une recrudescence de la fraude. « On l’estimait à 600 millions avant le Covid, alors on doit largement dépasser cette somme maintenant. Les gros fraudeurs ont profité de la désorganisation des services pour faire des montages financiers. On voit aussi de plus en plus apparaître une incivilité fiscale chez des contribuables plus modestes, car ils ont l’impression de payer plus que les autres. Le système déclaratif que nous avons en France demande des contrôles, or nous sommes en sous-effectif chronique. Pourtant, on continue de supprimer des postes, 20 en moins de cinq ans sur un effectif de 830 agents« , rappelle Magali Billard. « 600 millions, c’est le budget annuel du CHU de l’île« , précise Sylvie Martin.
Pour répondre à l’urgence de la situation, la section locale a donc demandé à rencontrer Jérôme Fournel, directeur-général des Finances Publiques, à Bercy. Une rencontre qui s’est tenue le 12 septembre dernier. « Il nous a reçus plus d’une heure, et nous sommes tombé d’accord sur la création d’un groupe de travail sur l’évasion fiscale en Outre-mer. Pour pouvoir compter sur des données, nous avons donc commencé en interne à faire remonter les expériences de terrains. Les collègues ont répondu avec enthousiasme, preuve qu’ils veulent faire changer les choses. Nous nous donnons six mois pour amener à Bercy des chiffres pour aller sur le fond », se réjouit Magali Billard.