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Un peu de « Macron-économie »

Emmanuel Macron veut adapter la France à la mondialisation, la rendre plus réactive, flexible, entreprenante. Cette France est déjà là, sous ses yeux. Après le meeting de la Porte de Versailles du 10 décembre, que raconte-t-il, au juste ? De quoi est faite sa pensée ?  Le premier thème de Macron est l’idée selon laquelle […]

Ecrit par – le mercredi 14 décembre 2016 à 11H30

Emmanuel Macron veut adapter la France à la mondialisation, la rendre plus réactive, flexible, entreprenante. Cette France est déjà là, sous ses yeux. Après le meeting de la Porte de Versailles du 10 décembre, que raconte-t-il, au juste ? De quoi est faite sa pensée ? 
Le premier thème de Macron est l’idée selon laquelle la France ne se serait pas réformée, qu’elle serait rigide, bloquée. Ainsi a-t-il déclaré que « la grande différence entre la France et le Royaume-Uni dans les années 1980, c’est que nous n’avons pas assuré les réformes de l’époque ». On rappelle que la France s’est puissamment réformée, le « tournant de la rigueur » enclenché en1983 conduisant à de nombreuses privatisations, à une flexibilité accrue du travail, à une forte modération salariale (au point que le coût du travail rapporté à la productivité est plus faible en France qu’au Royaume-Uni). Bref, une recherche générale de compétitivité. Et on ne peut pas regretter de ne pas avoir cassé le social comme l’ont fait les Britanniques, qui accumulent les tristes records de mauvaise santé sociale en Europe, comme le taux de pauvreté des enfants, qui atteint 30% pour les moins de 16 ans au Royaume-Uni (contre 21% en France et 26% en moyenne dans l’UE).

Les réformes de Macron, alors Secrétaire de l’Elysée ou Ministre des Finances, sont : le CICE (Crédit d’Impôt pour la compétitivité et l’Emploi) voté le 6/12/12, le Pacte de Responsabilité et de Solidarité voté le 23/07/14, l’ANI (accord national interprofessionnel du 11/01/13), la Loi Macron adoptée par l’article 49.3 le 6/08/15, enfin la Loi Travail adoptée par le 49.3 le 8/08/16. On ne peut pas dire qu’il n’ait rien réalisé. Pour quels résultats?

Ne peut-on souhaiter avec Macron que « des jeunes Français aient envie d’être milliardaires » ? On répondra qu’il ferait mieux de se préoccuper du sort des jeunes, qui galèrent entre logements trop chers et boulots trop rares, et dont seulement 25% pensent que leur vie sera meilleure que celle de leurs parents. Et surtout on lui répondra que le modèle des milliardaires de la Silicon Valley, n’existe pas : c’est en effet la recherche publique (et notamment celle financée par la défense américaine) qui est à l’origine d’inventions telle Internet, l’écran tactile ou encore le GPS, sans lesquelles Steve Jobs et consorts n’auraient jamais pu déployer leur talent. A moins que Macron ne souhaite doter les universités françaises des milliards qui leur manquent?

Les études récentes de l’OCDE et du FMI ont mis en évidence un lien négatif entre inégalités et croissance : plus un pays compte de milliardaires, moins sa croissance est forte, car les milliardaires, malgré leurs dépenses ostentatoires, ne consomment pas une part aussi élevée de leurs revenus que les pauvres. Le résultat établi par Keynes dans les années 1930 tient toujours : une économie robuste, où l’activité est forte, est aussi une économie égalitaire, et non pas une économie où quelques milliardaires surnagent dans un océan de pauvreté.

La France n’est-elle pas le pays de l’ « égalitarisme jaloux » ? En vérité, les inégalités ont fortement progressé : alors qu’au milieu des années 1970 il fallait 30 ans à un ouvrier pour rattraper le niveau de vie d’un cadre, il lui en faudrait 150 aujourd’hui. Un ouvrier vit 6 années de moins qu’un cadre. Enfin la France n’arrive qu’en 18è position des pays les plus égalitaires de l’OCDE. Macron, tout moderne qu’il s’estime, vit en fait dans la France du formica : il croit voir les garanties sociales des années 1960 (où les conditions de travail étaient très dures) qui ont disparu depuis vingt ans. Pas besoin de lui pour être « modernes », nous le sommes déjà.

Dr Bruno Bourgeon, #NuitDebout, président d’AID
D’après Charlie-Hebdo, n°1268

Lire : Introduction inquiète à la Macron-économie, par Thomas Porcher et Frédéric Farah, éditions Les Petits Matins.

 

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