Pendant que les gendarmes de la section de recherches épluchent les très nombreux documents qu'ils ont saisis en perquisition dans les locaux de l'église évangélique protestante Extravagance ainsi qu'au domicile de Bruno Picard, de nouvelles plaintes de personnes qui se disent victimes d'emprise et de manipulation de leur "ex-gourou" sont venues, ces derniers jours, s'ajouter aux précédentes. Nous avons rencontré Bernard, quinquagénaire, père de quatre enfants, domicilié dans le sud de l'île, qui nous a raconté son expérience.
Bernard, quand êtes-vous entré à Extravagance et pourquoi ce choix?
Nous avons décidé d'assister au culte de cette église car nous cherchions à développer nos relations spirituelles. Nous voyions au Tampon des fidèles œuvrer pour Extravagance et cela nous a donné confiance. En 2010, avec ma femme et mes quatre enfants qui étaient jeunes à l'époque, nous sommes devenus des fidèles.
Comment ça s'est passé pour vous au début?
Les premiers temps, nous participions régulièrement aux cérémonies et mettions dans le panier du culte au moment de la quête. On faisait des dons à l'église, à l'association cultuelle en fait. Cela nous paraissait normal de participer aux deniers du culte. On payait aussi la dîme chaque mois, cela nous semblait évident. On donnait aléatoirement toutes les semaines selon nos comptes, entre 300 et 400 euros. Mais ça, c'était au départ.
Les choses ont évolué ?
Oui. A l'époque j'étais le patron d'une entreprise de travaux publics qui marchait bien. On engrangeait entre 2 et 3 millions de chiffres d'affaires par an.
Petit à petit, Bruno Picard s'est rapproché de moi. Je ne peux pas dire si c'est un hasard ou si c'était un calcul de sa part. Mais à partir de là, j'ai commencé à recevoir des textos tous les jours puis environ une quinzaine par semaine. On parlait et au fil des conversations, il me disait "qu'il était un peu dans la galère", "que les dépenses de sa carte de crédit allaient tomber bientôt et qu'il était un peu juste".
Je me souviens du premier don que je lui ai fait en direct. Il voulait une voiture mais "il manquait d'argent". Je lui avais fait un virement de 6000 euros sur son compte personnel.
Cela ne vous alertait pas?
Non, car nous avions les moyens. Pour nous, Bruno œuvrait pour le seigneur. Et nous étions les serviteurs.
Dans la famille, ce sont des valeurs essentielles que d'aider son prochain, aider les couples dans des moments difficiles, etc... Donc je faisais des virements sur son compte personnel, je lui faisais passer des enveloppes en fonction de ce qu'il demandait. On était très proches. Il venait manger à la maison. Ma fille allait jouer avec ses enfants. Je donnais aussi directement à l'église, ce qui me permettait de défiscaliser une partie de mes dons.
Il y a eu un moment de bascule dans vos relations?
Oui, clairement. Lorsque j'ai rencontré des difficultés avec mon entreprise. On ne pouvait plus donner. Alors, l'église nous a reproché de manquer d'intégrité, de parole. On a vécu un procès interne parce qu'on ne tenait pas nos engagements. Le langage de Bruno Picard à l'égard de ma famille a changé d'un coup. On a été évincé. Avec le recul, j'ai bien compris qu'on n'était pas des amis mais que tout ça était un jeu de dupes.
Vous vous êtes remis en question?
Oui. Cela faisait sept ans que l'on était entré dans l'église. Il nous en a fallu quatre pour réaliser qu'en fait, si on n'a plus d'argent, on ne représente plus aucun intérêt.
Au total, j'ai dû donner un million d'euros. 10.000 euros par mois à l'église pendant des années, les billets d'avion pour que Bruno aille en métropole. Au plus fort de ma participation je réglais deux à trois billets par mois pour Paris. Et les vacances à Maurice pour nos deux familles, soit environ 20.000 euros par voyage. On en a fait au moins six entre 2014 et 2017. Bruno disait qu'il "avait besoin de s'éloigner de la pression spirituelle". On ne mettait jamais sa parole en doute. Il voulait qu'on l'accompagne. Evidemment puisque je payais tout !
Qu'attendez-vous aujourd'hui?
Bruno Picard est un escroc, un voleur. Ça commence à se savoir mais pourtant il a d'importants soutiens financiers.
J'ai tout perdu parce que j'étais sous son emprise : quand il me disait "qu'il voyait tout même sans être présent", j'y croyais. Mais quand il faisait des révélations, c'était uniquement parce que son staff lui avait fait des rapports sur les fidèles qui étaient suivis scrupuleusement.
Moi, je donnais et je ne vérifiais jamais ce qu'il faisait avec l'argent. J'aimerais que ceux qui l'entourent et profitent du système prennent conscience de la manipulation. S'ils veulent vérifier, ils en ont les moyens. La recette de Bruno Picard, c'est un staff soumis et des gens qui l'alimentent. C'est ça qui doit changer.
*Prénom d'emprunt
Bernard, quand êtes-vous entré à Extravagance et pourquoi ce choix?
Nous avons décidé d'assister au culte de cette église car nous cherchions à développer nos relations spirituelles. Nous voyions au Tampon des fidèles œuvrer pour Extravagance et cela nous a donné confiance. En 2010, avec ma femme et mes quatre enfants qui étaient jeunes à l'époque, nous sommes devenus des fidèles.
Comment ça s'est passé pour vous au début?
Les premiers temps, nous participions régulièrement aux cérémonies et mettions dans le panier du culte au moment de la quête. On faisait des dons à l'église, à l'association cultuelle en fait. Cela nous paraissait normal de participer aux deniers du culte. On payait aussi la dîme chaque mois, cela nous semblait évident. On donnait aléatoirement toutes les semaines selon nos comptes, entre 300 et 400 euros. Mais ça, c'était au départ.
Les choses ont évolué ?
Oui. A l'époque j'étais le patron d'une entreprise de travaux publics qui marchait bien. On engrangeait entre 2 et 3 millions de chiffres d'affaires par an.
Petit à petit, Bruno Picard s'est rapproché de moi. Je ne peux pas dire si c'est un hasard ou si c'était un calcul de sa part. Mais à partir de là, j'ai commencé à recevoir des textos tous les jours puis environ une quinzaine par semaine. On parlait et au fil des conversations, il me disait "qu'il était un peu dans la galère", "que les dépenses de sa carte de crédit allaient tomber bientôt et qu'il était un peu juste".
Je me souviens du premier don que je lui ai fait en direct. Il voulait une voiture mais "il manquait d'argent". Je lui avais fait un virement de 6000 euros sur son compte personnel.
Cela ne vous alertait pas?
Non, car nous avions les moyens. Pour nous, Bruno œuvrait pour le seigneur. Et nous étions les serviteurs.
Dans la famille, ce sont des valeurs essentielles que d'aider son prochain, aider les couples dans des moments difficiles, etc... Donc je faisais des virements sur son compte personnel, je lui faisais passer des enveloppes en fonction de ce qu'il demandait. On était très proches. Il venait manger à la maison. Ma fille allait jouer avec ses enfants. Je donnais aussi directement à l'église, ce qui me permettait de défiscaliser une partie de mes dons.
Il y a eu un moment de bascule dans vos relations?
Oui, clairement. Lorsque j'ai rencontré des difficultés avec mon entreprise. On ne pouvait plus donner. Alors, l'église nous a reproché de manquer d'intégrité, de parole. On a vécu un procès interne parce qu'on ne tenait pas nos engagements. Le langage de Bruno Picard à l'égard de ma famille a changé d'un coup. On a été évincé. Avec le recul, j'ai bien compris qu'on n'était pas des amis mais que tout ça était un jeu de dupes.
Vous vous êtes remis en question?
Oui. Cela faisait sept ans que l'on était entré dans l'église. Il nous en a fallu quatre pour réaliser qu'en fait, si on n'a plus d'argent, on ne représente plus aucun intérêt.
Au total, j'ai dû donner un million d'euros. 10.000 euros par mois à l'église pendant des années, les billets d'avion pour que Bruno aille en métropole. Au plus fort de ma participation je réglais deux à trois billets par mois pour Paris. Et les vacances à Maurice pour nos deux familles, soit environ 20.000 euros par voyage. On en a fait au moins six entre 2014 et 2017. Bruno disait qu'il "avait besoin de s'éloigner de la pression spirituelle". On ne mettait jamais sa parole en doute. Il voulait qu'on l'accompagne. Evidemment puisque je payais tout !
Qu'attendez-vous aujourd'hui?
Bruno Picard est un escroc, un voleur. Ça commence à se savoir mais pourtant il a d'importants soutiens financiers.
J'ai tout perdu parce que j'étais sous son emprise : quand il me disait "qu'il voyait tout même sans être présent", j'y croyais. Mais quand il faisait des révélations, c'était uniquement parce que son staff lui avait fait des rapports sur les fidèles qui étaient suivis scrupuleusement.
Moi, je donnais et je ne vérifiais jamais ce qu'il faisait avec l'argent. J'aimerais que ceux qui l'entourent et profitent du système prennent conscience de la manipulation. S'ils veulent vérifier, ils en ont les moyens. La recette de Bruno Picard, c'est un staff soumis et des gens qui l'alimentent. C'est ça qui doit changer.
*Prénom d'emprunt