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Un colloque face au mal-être et à la souffrance au travail

L'association Prévention suicide organise un colloque relatif au mal-être et à la souffrance au travail le vendredi 25 février, à l'Hôtel Palm de Petite-Île. Nous avons interrogé la présidente de cette association, Lutchmee Danon Odayen, sur la prévention et le phénomène du mal-être au travail. Un phénomène souvent considéré comme tabou à la Réunion malgré son importance.

Ecrit par Ludovic Robert – le mercredi 17 février 2010 à 15H02

Pourriez-vous nous présenter l’Association prévention suicide (APS), ses origines, ses objectifs et son combat contre un phénomène de société souvent considéré comme tabou ?

« L’APS est une association que j’ai créé avec d’autres professionnels en mars 2002 mais on avait commencé à travailler sur le sujet depuis 2000. L’idée a émergé suite à une discussion avec des parents sur des ateliers de parentalité.
L’association a été créée dans le Sud car nous nous sommes rendus compte qu’il y avait un taux de tentatives de suicide et de suicides plus important que dans le reste de l’île. On a regroupé des enseignants, des psychologues, des parents, des enfants, des chômeurs et on a créé une association Loi 1901 qui a pour objectif de permettre à des personnes en crise suicidaire de pouvoir exprimer leur souffrance au moment où l’angoisse monte et où le mal-être est insupportable. On a donc ouvert une ligne Numéro Vert avec un téléphone gratuit depuis un fixe (0800 620 162).

Cette association ne fonctionne qu’avec des bénévoles. Nous sommes actuellement une vingtaine de bénévoles actifs et des membres qui œuvrent. Nous bénéficions d’une petite subvention de la Drass depuis le début qui nous permet de payer le local et d’autres charges afférentes mais en aucun cas cette subvention ne permet de payer des salariés d’où la présence de bénévoles. »

Peut-on dresser un état des lieux concernant le suicide à la Réunion ?

« Si on regarde les statistiques de manière générale, nous avons un suicide tous les trois jours à la Réunion, ce qui est énorme pour 800.000 habitants vivant dans notre petite île. On peut dire que cela va de 15 à 70 ans. Au niveau des tentatives de suicide, et c’est là où le bas blesse, nous avons dix tentatives de ce type par jour à la Réunion, et encore il y a des tentatives qui ne sont pas connues car non repérées au niveau des soins.

On se rend compte que sur les appels que nous recevons sur le numéro vert, 90% d’entre eux montrent que ces tentatives ou ces actes ne sont pas simplement liés au travail, mais de difficultés qui ont été mal vécues dans la vie.
Ces difficultés viennent souvent de maltraitances physiques, sexuelles ou d’abus sexuel avec des viols et/ou des attouchements. Ces abus sexuels que l’on voit beaucoup sur des garçons représentent le fond du problème. La personne qui vit cela et qui ne peut pas en parler dans son enfance voit souvent cela resurgir plus tard alors qu’il est adolescent ou adulte. C’est ceux-là que l’on a au bout du fil. Il y aussi les pathologies mentales qui représentent 10% des cas avec des souffrances qui renaissent lors de difficultés rencontrées dans le travail et dans la vie adulte. »

Qu’en est-il du mal-être et de la souffrance au travail ?

« Je ne dirais pas qu’il n’y a que les souffrances au travail comme première cause mais c’est une raison qui peut augmenter le mal-être et occasionner le suicide. Il y a toujours eu de la souffrance au travail, il y a toujours eu des difficultés dans certaines administrations, collectivités, entreprises privées ou public. Sauf que la souffrance au travail, c’est un sujet tabou, on n’en parle pas.

Si les gens souffrent, ils ne vont pas en parler aux collègues. S’il y a des problèmes avec le patron, on ne va pas en parler. Le travail est une denrée rare à la Réunion et on a souvent peur de perdre son poste si l’on s’exprime. Du coup, la souffrance reste un tabou et les choses s’enchaînent, s’accumulent et cela va jusqu’au désespoir, dépression et suicide.

Mais depuis que l’on en parle, que l’on a mis en place des associations et que l’on peut s’exprimer librement, peut-être que les gens estiment qu’ils ont le droit d’en parler de faire part de leur mal-être. Avec les difficultés rencontrées par les entreprises actuellement avec la rentabilité économique et les résultats demandés aux salariés, cette souffrance est plus présente. (…). Il y a une contradiction entre les attentes des entreprises et les moyens donnés aux individus pour les assumer. »

Quelle type de prévention faut-il mettre en avant ? Peut-on parler de la nécessité d’une réponse collective à ce phénomène ?
 
« Je pense que cette souffrance au travail est individuelle mais aussi collective. Elle peut venir de l’individu lui même comme cela peut venir aussi de l’entreprise. A partir du moment où l’on a détecté que les choses vont mal, je pense que l’entreprise a réellement les moyens de mettre en place des moyens de prévention en place.

Si le milieu professionnel permet à l’individu en difficulté de s’exprimer sur ses souffrances, c’est déjà un premier pas car on peut ensuite travailler sur ce qui ne va pas. Aujourd’hui, nous sommes dans une société où tout doit aller très vite et où l’on doit en permanence faire son maximum. (…).
Il faut que les entreprises prennent conscience qu’il y a mal-être, qu’il y a souffrance et qu’il ne faut surtout pas l’occulter ou laisser les choses se faire. Il ne faut pas faire comme si cela n’existe pas et ce n’est que comme cela que l’on va pouvoir aller de l’avant et que les entreprises iront mieux. Il y énormément de cadres qui souffrent et qui sont mis au placard.

Il y a moyen de trouver une bonne entente. Si chacun reconnaissait sa part de responsabilité et le travail d’autrui, cette reconnaissance permettrait un certain épanouissement et un bien-être au travail. On voit que le rendement au travail est directement lié à ce bien être mais beaucoup de choses restent à faire. »

Plus d’infos concernant le programme ci-dessous.

 

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