Lorsque la littérature prête sa plume au monde de la folie, elle nous invite dans l’histoire, l’actualité et le quotidien des
personnes atteintes mentalement et du personnel encadrant. Cela se traduit par une belle lecture pour un document « rarissime » que j’ai lu jusqu’à… pas d’heure…
Où l’on découvre comment notre société se formate à travers les textes de lois, les limites des institutions, les prescriptions des experts et celles et ceux qui dérapent naturellement, douloureusement.
L’auteur Joy Sorman a pendant une année rendu visite une fois par semaine aux malades et à leurs soignants dans deux unités psychiatriques hospitalières en France. Elle a tenu un journal tout en laissant la parole (quelques fois volontaire ou forcée) aux personnes rencontrées. Nous découvrons l’univers des unités médicales qui renferment celles et ceux dont « la société ne sait plus quoi faire ».
Une réalité qui m’a percutée tant par son contenu et sa neutralité scripturale. Beaucoup de vérités que ni vous ni moi n’aimons entendre. L’objectivité devient tout un art lorsqu’il faut « broder les mots » de cet univers : « en psychiatrie, le joli réconforte, le beau est anxiogène » … l’infirmière tâche de lire sur le visage d’Asia l’intensité et la nature exacte de ses émotions, afin de trancher, et avant qu’il ne soit trop tard, avant que la jeune fille ne fasse une crise d’anxiété devant tant de beauté, dans ce magasin éclairé de spots aveuglants et assourdi de musique pop.
Au fil des pages, l’auteur fait un état des lieux de la psychiatrie en France : le manque de moyens, une institution sacrifiée sur l’autel de l’économie et des malades et leurs soignants en déshérence.
La qualité de l’écriture est remarquable : je dirais même mieux exceptionnelle !