Trois Révolutions pour qualifier le Nouvel Hôpital (En trois parties)
La première de ces trois révolutions sera liée à la sensibilité cellulaire, et là, les travaux du grand biochimiste espagnol Faustino Cordon seront déterminants. La seconde, exposée également séparément, dans un prochain courrier, sera génétique et epigénétique, les deux faces évolutionnairement codées qui rendent compte de la plasticité et l’adaptabilité des organismes animaux et […]
Ecrit par Frédéric Paulus, CEVOI, (Centre d’Etudes du Vivant de l’Océan Indien) – le mercredi 17 juin 2020 à 15H00
La première de ces trois révolutions sera liée à la sensibilité cellulaire, et là, les travaux du grand biochimiste espagnol Faustino Cordon seront déterminants. La seconde, exposée également séparément, dans un prochain courrier, sera génétique et epigénétique, les deux faces évolutionnairement codées qui rendent compte de la plasticité et l’adaptabilité des organismes animaux et humains. La troisième, exposée également séparément, sera anthropologique liant toutes les sciences dites « humaines » aux sciences de la vie en une science intégrée du vivant, même si celle-ci a grand peine à devenir transdisciplinaire.
Un autre regard sur la vie et la « conscience » cellulaire
A propos de cette première Révolution l’auteur qui tient le haut de l’affiche est le biologiste Faustino Cordon (1909-1999) que le philosophe et épistémologue Patrick Tort aura présenté aux Français en 1995.
Mais avant d’aborder l’œuvre de Cordon (présenté par sa fille) relevons que lors de l’émission animée par Mathieu Vidart « La tête au carré » du 14 avril 2019, Alexis Gaudreau, directeur de recherche au CNRS, reconnaît que la cellule mammaire par exemple, voire n’importe quelle cellule, devrait ressentir les variations physico-chimiques de son environnement proche ; « que ces variations soient purement chimiques, mécaniques ou hormonales ». La visualisation in vivo de cellules à l’aide de technologies microscopiques de très haute performance conduit les chercheurs à cette reconnaissance que l’on aurait qualifiée de « perception subjective » voici peu. La cytologie, intimement liée à la microscopie, n’est plus figée, elle s’anime in vivo sous les yeux du chercheur. Une équipe internationale, dont Alexis Gaudreau fait partie, dans une très récente publication, en convient. « Toutes les cellules possèdent un squelette leur permettant de se déplacer et de conserver leur forme. Des chercheurs viennent de montrer qu’une partie de ce cytosquelette, appelée « fibres branchées », est également essentielle à la prolifération des cellules : « Ces fibres informent les cellules sur la place disponible autour d’elles et sur les messagers chimiques dans l’environnement et donc sur l’opportunité de proliférer. » Si les conditions requises ne sont pas réunies, ces fibres ne sont pas synthétisées et la cellule ne se divise pas. « Sauf dans le cas des cellules cancéreuses, (assurent-ils), qui arrivent à s’affranchir de ce mécanisme de contrôle et qui prolifèrent où et quand elles ne devraient pas. » Ces chercheurs pensent que ce « mécanisme » (alors que Cordon évoquerait un « processus ») pourrait offrir une cible thérapeutique pour lutter contre certains cancers. « Bloquer la formation des fibres branchées, dans cette hypothèse, permettrait de stopper la croissance de cellules de mélanome pour lesquelles aucun autre traitement spécifique n’existait à ce jour. » Ces travaux menés par une équipe internationale comptant des chercheurs du laboratoire « Bases moléculaires et régulation de la biosynthèse protéique » du CNRS/École polytechnique sont publiés dans Cell Research le 10 avril 2019, (5).
Sollicitons à présent Teresa Cordon (sa fille). Elle nomme « expérience animale » et, dans un sens plus strict, « conscience animale », enfin « cette prise de notion de l’état du milieu » qui sont implicitement évoqués par cette équipe CNRS/École polytechnique. « Par la prise de notion de l’état de l’environnement, dit-elle, la cellule ou un groupement de cellules, ou l’animal comme champ magnétique unitaire, doit posséder un quantum d’autocorrection réagissant à sa disparition dans le champ magnétique général de la Terre, essayant de coordonner ses vecteurs à travers d’éphémères tentatives d’auto-stabilisation. Nous nommons capacité de liberté de l’animal le quantum d’effort qu’il consacre à corriger son action sur le milieu, en relation avec le caractère (désormais) favorable ou défavorable de l’effet causé par elle. Ainsi, selon nous, l’animal, en tant qu’être vivant, en tant qu’unité d’intégration, a la capacité de percevoir l’effet favorable ou défavorable de son action sur son environnement, et de tenter de la corriger de la manière qui convient. Cette correction est prise comme guide par ses cellules somatiques qui se voient ainsi garantir un milieu cellulaire stable. L’animal (champ physique commun à de nombreuses cellules, mais très ténu) guide ses cellules somatiques sans avoir conscience de leur existence, et les cellules de son « soma » (l’association de cellules) prennent pour guide de leur activité l’animal, sans le percevoir », « Pour Darwin », p. 495. C’EST CET ASPECT DE GUIDE (inconscient) QUE NOU VOULIONS METTRE EN VALEUR. Nous partageons le même point de vue que Teresa Cordon. Au lieu de parler de « prise de notion de l’état de l’environnement » nous utilisons l’expression « sensorialité discriminative » qui guiderait l’organisme. Quelques précieuses précisions sont apportées par Patrick Tort, pour qui « l’histoire naturelle de la conscience et de l’autonomie est une histoire animale, et elle exige d’être précédée phylogénétiquement par une histoire cellulaire (d’où l’existence nécessaire d’une conscience cellulaire), qui ne peut elle-même se passer d’un primordium au sein d’un niveau antérieur, etc. Le comportement d’un phagocyte par exemple, qui capte son nutriment dans son milieu trophique, puis règle son deuxième captage en fonction de l’écart ressenti entre ce qui était attendu du premier mouvement et ce qu’il en a effectivement reçu, est l’illustration simple de l’existence d’une conscience cellulaire, à la seule condition que l’on redéfinisse, comme je l’ai fait et comme le rappelle Chomin Cunchillos dans le corps de ce livre, la conscience… », (2014). De fait, les travaux « cordonien » et ces suggestions à la conscience organique cellulaire (résumées ici) révèlent les limites du réductionnisme et du déterminisme en biologie qui gouvernent la médecine hospitalière.
Réf :
1) Paulus. F, « Les travaux du grand biochimiste et évolutionniste Faustino Cordon vont-t-ils contribuer à lever l’énigme du phénomène cancer ? », 19/11/2019, in Europe Solidaire : http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=3975&r_id=&t=Les%20travaux%20de%20%20Faustino%20Cordon%20et%20l%27%E9nigme%20du%20ph%E9nom%E8ne%20cancer%A0?