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Tribune libre de Hugues Maillot – Paul Vergès : Le talent de l’illusionniste !

A partir de la création du parti communiste réunionnais en 1959, Paul Vergès est devenu une figure majeure de la vie politique réunionnaise. Mais cette emprise doit davantage à la longévité de l’action qu’à sa constance ou à ses résultats concrets.

Ecrit par – le mardi 15 novembre 2016 à 11H00

Combattant de l’autonomie jusqu’au milieu des années 80, puis défenseur de l’égalité sociale, il a entretenu l’ambiguïté jusqu’au bout sur la réalité de ses intentions politiques. Le dernier vrai projet qu’il a lui même impulsé pour La Réunion a été le plan de développement actif (PDA), porté par le conseil général et le conseil régional au milieu des années 1990. Alors même que l’égalité des prestations sociales n’était pas encore acquise, il proposait la création d’un fonds autonome de développement alimenté par la sur-rémunération des fonctionnaires… A lire ses dernières déclarations, ce sujet est resté une obsession jusqu’à ses deniers jours d’activité politique.

L’ambiguïté permanente du discours et de l’action a permis à Paul Vergès de nouer les alliances les plus improbables, avec toutes les forces politiques de l’île, du RPR au PS en passant par Freedom et les élus sans étiquettes. Il fut le 1er vice président de Pierre Lagourgue et de Margie Sudre avant de devenir lui même président de Région. Faiseur de princes, il a fait élire au moins deux sénateurs RPR (Paul Moreau et Eric Boyer). Sans compter les nombreuses combinaisons qu’il a favorisé, notamment au conseil général.

Avant d’être un visionnaire Paul Vergès était donc d’abord un prestidigitateur de talent. Un illusionniste habile, magicien des mots et de la pensée, capable de justifier par la dialectique toutes les manœuvres qui lui ont permis, à partir des années 80, d’accéder ou de se maintenir au pouvoir, ou à proximité. Mais c’est la confusion des genres et des valeurs induite par cette pratique que les Réunionnais ont aussi fini par sanctionner aux élections régionales de 2010. Depuis, les Réunionnais se sont détournés du PCR. Aujourd’hui, le mouvement fondé par Paul Vergès n’est plus le pivot de la vie politique réunionnaise. Mais la parole du fondateur continuait à faire illusion. Avec son décès, le parti communiste réunionnais est condamné à se refonder, en ramenant au « bercail » tous ceux qui se sont écartés  ( Huguette Bello, Eric Fruteau, Claude Hoarau … ), contestant l’hégémonie surannée du leader historique. C’est désormais une question de survie.

Pour le plus grand nombre des « responsables politiques » l’enjeu principal est de durer. C’est ce qui explique, pour l’essentiel, l’admiration « sincère » exprimée aujourd’hui par la quasi totalité des élus de l’île. Même ceux qui l’ont pourtant farouchement combattu. Mais le seul but honorable de l’action publique est d’améliorer la vie de nos concitoyens. A l’aune de ce critère, les thuriféraires locaux et nationaux de Paul Vergès finiraient presque par nous faire oublier l’action décisive de Michel Debré. C’est pourtant l’ancien premier ministre du général de Gaulle, député de La Réunion pendant 25 ans,  qui a finalement concrétisé la départementalisation, cette promesse d’égalité des droits et des chances ardemment défendue en 1946 par Raymond Vergès et Léon de Lepervanche.

Pendant près de 30 ans, Paul Vergès a choisi un autre chemin, objectivement différent de celui ouvert par son père, ne craignant pas de diviser les Réunionnais jusqu’à stigmatiser certains d’entre eux. Fort heureusement ce projet a échoué. Paul Vergès n’est pas parvenu à convaincre. Sa « vision » ne correspondait pas aux aspirations politiques, économiques, sociales et culturelles de l’immense majorité de nos compatriotes. Elle a été jugée par eux comme une volonté d’asseoir le pouvoir de quelques uns et non comme un moyen de servir l’intérêt de tous. Alors l’intelligence de Paul Vergès a été de savoir s’adapter, d’utiliser tous les leviers que lui offraient les institutions de la République qu’il avait si vigoureusement combattu. Plus déterminé que ses adversaires, encore moins scrupuleux,  il a ainsi construit lui même sa statue, sur le socle de la longévité et sur les failles de notre mémoire collective.

Sans doute la statue n’est-elle pas finalement aussi grande qu’il l’aurait souhaité, à la hauteur « des civilisations » dont il voulait construire la maison. Cette statue a la taille d’un arbre, un bel arbre. Mais, c’est seulement l’arbre qui cache la forêt.

Hugues MAILLOT – Secrétaire départemental de Debout la France

 

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