
Jean-Paul nous laisse, nous les Réunionnais d’ici, de là-bas, d’un peu partout sur ce globe qu’il aurait aimé sillonner comme il s’était habitué à arpenter les rues des bourgades de cette grande banlieue parisienne en tant que facteur. C’est au CET de Saint-Louis que Jean-Paul a préparé son concours pour entrer « dan’ laministrasyon » en 1971, habitant tour à tour en ville puis à La Plaine des Makes.
Il nous laisse seuls, mais avec sa discographie riche et épicée, sa bonhomie et son regard malicieux, sa philosophie d’homme de peu allant à l’essentiel, son verbe accrocheur, ses propos faussement licencieux et surtout avec la portée historique d’un talent artistique immense mis au profit d’une promotion sans pareille de la culture réunionnaise à travers sa diaspora.
Car avant que l’écho des paroles de "l’Assassin" (air populaire déjà popularisé après-guerre par Madoré) ne résonne dans toutes les cases de l’île, le nom de Jean-Paul Volnay était associé aux "Tropic’s de Paris", un vocable regroupant des musiciens majoritairement issus de l’île de la Réunion. Un groupe qui sublimera (au fil d’un répertoire résolument tourné vers les questions relatives à l’ancrage des natifs d’outre-mer dans l’Hexagone) la culture réunionnaise, notamment en redonnant du souffle au Séga-Maloya à un moment où ces danses et musiques étaient en perte de vitesse dans l’île. A la même époque, le couple Baptisto-Picot nous alertait même en évoquant "le testament" du séga. Il suffit d’écouter, aujourd’hui encore, des morceaux comme "Le Fion Créole" des Tropic’s pour avoir une bonne idée de cette dynamique.
Au début des années 1990 l’arrivée de l’album "La Case Maniel" est un évènement à la Réunion, où la vague "reggae–antillais" et styles assimilés occupent le marché. Les titres de Volnay détonnent. L’insolence de son écriture est adoptée à l’unanimité. L’île connaît une éruption sociale – les freedomiens descendent dans la rue et prennent la parole – et son répertoire trouve quasiment partout un écho sans précédent.
Il y aura un avant et un après Volnay.
Assez étonnamment, les Réunionnais le découvriront physiquement tardivement. Il était venu certes à plusieurs reprises retrouver son île en mesurant à chaque fois sa surprenante popularité, mais ce n’est qu’après sa retraite qu’il commencera sérieusement à envisager un retour durable.
C’est avec les musiciens du Waki Band que je découvris vraiment l’homme dans toute sa dé-mesure, à l’occasion d’une édition du Sakifo remontant à une dizaine d’année, du côté de la scène "bal la poussière" (ou quelque chose dans le genre) concoctée par Arno Bazin.
Jean-Paul, dès la balance, ramenait du monde. In ti kozman par isi, in ti moukataj par là… Un coup de saxo, deux coups de batterie, un instant à la basse… Le boug’ i jouait de tout ! Sans compter son "ouanemane chaud" constant, de la scène jusqu’aux loges…
On ne s’est quasiment plus perdu de vue par la suite, nous retrouvant dans les studios (notamment chez Balaka à Saint-Louis) comme sur et autour des scènes. A chacune de ses occasions, on avait nettement l’impression d’avoir affaire à une encyclopédie créole ambulante, alignant des définitions enfouies et certaines encore mystérieuses…
On le savait lutter contre la maladie ces dernières années où ses apparitions se faisaient de plus en plus rares. On redoutait son départ. Je l’avais eu au téléphone voilà quelques mois. Il était quelque part au Tampon, luttant avec humour, comme à son habitude.
Aujourd’hui commence une nouvelle page, un nouveau chapitre de l’histoire de ce jeune homme quittant son île en 1973 en rêvant de devenir footballeur professionnel. Et bien qu’un accident du genou l’ait empêché de concrétiser ce souhait, son jeu se fera par le son, par la parole, par la danse, par la composition, par la poésie ; un jeu qui pendant près de cinquante ans fut un cadeau pour tous les Réunionnais en tribunes.
Merci Jean-Paul,
Nu artrouv la case Maniel !
SF