
Tribune libre:
Pour expliquer l’absence d’une véritable représentation politique des quartiers à la Réunion, les hommes politiques « oublient » leur incapacité à fournir un véritable horizon politique à la population.
Si l’on prend l’exemple des quartiers, contrairement à ce que l’on peut penser, ils ne sont pas un désert politique au départ, ils le deviennent.
Depuis la fin des années 1980, la capacité des jeunes à se mobiliser a rencontré de puissants obstacles : « le pouvoir » n’a pas manqué d’user de manœuvres diverses et variées afin de récupérer et instrumentaliser ces mouvements et cela, à la seule fin de briser leur dynamique.
D’un autre côté, les associations de quartier n’ont pas toutes un discours politique subversif. Il existe en effet un clivage entre, d’une part, celles qui se dédient à l’entraide sociale et/ou religieuse, à l’alphabétisation, etc., en dépendant étroitement des subventions et, d’autre part, celles qui affichent des objectifs politiques clairs.
Les pouvoirs publics ont privilégié les premières, comptant sur elles pour « aseptiser la révolte », mais toujours réprimé les secondes, avec des méthodes variant en fonction des contextes politiques.
PREMIER FACTEUR DE DEPOLITISATION : LA RECUPERATION POLITIQUE
Prenons l’exemple des gilets jaunes à la Réunion. L’initiative suscite une dynamique politique considérable dans les territoires oubliés ; mais, rapidement, les militants se rendent compte que le(s) pouvoir(s) l’instrumentalise(ent). La gauche par exemple applaudit aux slogans réclamant un meilleur pouvoir d’achat, elle fait la sourde oreille lorsque des revendications politiques contestent son pouvoir.
Nos militants sont littéralement pris en étau entre, d’un côté, les possibilités d’ascension sociale et politiques que lui offrent les « barons » et, de l’autre, sa volonté d’autonomie qui exclut toute compromission avec le pouvoir comme toute « folklorisation » de ses luttes.
Certains, parmi les plus intègres ont cherché à intégrer une voie politique. Mais cette voie s’est avérée être une impasse : la contradiction entre discours politique et pratique militante les conduit à déserter ces formations.
DEUXIEME FACTEUR DE DEPOLITISATION : L’« ECHAPPEE CULTURELLE »
De la fin des années 1970 à nos jours, les « groupes culturels » autour du maloya et de l’identité réunionnaise se sont multipliés dans le paysage culturel réunionnais. Des premières radios « libres » à l’agence « komifo », de « ziskakan » aux « ronds maloyas » ils se veulent à l’origine une réponse à l’autisme des médias réunionnais sur les questions liées à l’histoire du peuplement par exemple.
Considérés par les militants « identitaires » ou du mouvement « maloya » qui les créent comme des outils politiques, ils s’autonomisent peu à peu de la sphère politique pour devenir des médias « comme les autres ». La contestation portée par le maloya électrique (ziskakan), qui a été (et reste) un vecteur de politisation essentiel dans la sphère culturelle, a été également aseptisée par certaines institutions — en particulier la Région — et promoteurs de la « misik lokal », qui ont financé les groupes conformes à l’idéologie dominante du profit.
Pour expliquer l’absence d’une véritable représentation politique des quartiers à la Réunion, les hommes politiques « oublient » leur incapacité à fournir un véritable horizon politique à la population.
Si l’on prend l’exemple des quartiers, contrairement à ce que l’on peut penser, ils ne sont pas un désert politique au départ, ils le deviennent.
Depuis la fin des années 1980, la capacité des jeunes à se mobiliser a rencontré de puissants obstacles : « le pouvoir » n’a pas manqué d’user de manœuvres diverses et variées afin de récupérer et instrumentaliser ces mouvements et cela, à la seule fin de briser leur dynamique.
D’un autre côté, les associations de quartier n’ont pas toutes un discours politique subversif. Il existe en effet un clivage entre, d’une part, celles qui se dédient à l’entraide sociale et/ou religieuse, à l’alphabétisation, etc., en dépendant étroitement des subventions et, d’autre part, celles qui affichent des objectifs politiques clairs.
Les pouvoirs publics ont privilégié les premières, comptant sur elles pour « aseptiser la révolte », mais toujours réprimé les secondes, avec des méthodes variant en fonction des contextes politiques.
PREMIER FACTEUR DE DEPOLITISATION : LA RECUPERATION POLITIQUE
Prenons l’exemple des gilets jaunes à la Réunion. L’initiative suscite une dynamique politique considérable dans les territoires oubliés ; mais, rapidement, les militants se rendent compte que le(s) pouvoir(s) l’instrumentalise(ent). La gauche par exemple applaudit aux slogans réclamant un meilleur pouvoir d’achat, elle fait la sourde oreille lorsque des revendications politiques contestent son pouvoir.
Nos militants sont littéralement pris en étau entre, d’un côté, les possibilités d’ascension sociale et politiques que lui offrent les « barons » et, de l’autre, sa volonté d’autonomie qui exclut toute compromission avec le pouvoir comme toute « folklorisation » de ses luttes.
Certains, parmi les plus intègres ont cherché à intégrer une voie politique. Mais cette voie s’est avérée être une impasse : la contradiction entre discours politique et pratique militante les conduit à déserter ces formations.
DEUXIEME FACTEUR DE DEPOLITISATION : L’« ECHAPPEE CULTURELLE »
De la fin des années 1970 à nos jours, les « groupes culturels » autour du maloya et de l’identité réunionnaise se sont multipliés dans le paysage culturel réunionnais. Des premières radios « libres » à l’agence « komifo », de « ziskakan » aux « ronds maloyas » ils se veulent à l’origine une réponse à l’autisme des médias réunionnais sur les questions liées à l’histoire du peuplement par exemple.
Considérés par les militants « identitaires » ou du mouvement « maloya » qui les créent comme des outils politiques, ils s’autonomisent peu à peu de la sphère politique pour devenir des médias « comme les autres ». La contestation portée par le maloya électrique (ziskakan), qui a été (et reste) un vecteur de politisation essentiel dans la sphère culturelle, a été également aseptisée par certaines institutions — en particulier la Région — et promoteurs de la « misik lokal », qui ont financé les groupes conformes à l’idéologie dominante du profit.
Sur ce sujet, alors que tout prédisposait les «musiciens» à délivrer des messages révolutionnaires, ils n’ont gardé de cela que la pratique des instruments et la mise en scène rythmique. « Jouer maloya » n’est aujourd’hui qu’une parodie du message originel.
Par ailleurs, ces musiciens sont devenus élégants et chics, ne se privent pas de posséder une belle voiture, participent aux soirées mondaines tout en n’oubliant pas de s’afficher sur les réseaux sociaux. Ils sont davantage dans un jeu de séduction.
Le système récupère alors la substance profonde du message et ne laisse que la surface, l’esthétisme. Le système a vaincu.
Extrêmement complaisants avec le monde politique et soumis au système marchand, ils contribuent chaque jour à « dépolitiser » la forme de contestation la plus aboutie qui existe dans ce pays : notre culture.
LE TROISIEME FACTEUR DE DEPOLITISATION : LE RECRUTEMENT
Les partis politiques vont trouver chez l’artiste ou le sportif de renom, emblématique d’un quartier, un moyen de rallier des électeurs et de s’en servir pour assouvir leur soif du pouvoir. La manœuvre politique s’avère rentable sur le plan électoral. En effet, les masses populaires, ainsi trompées, assimilent leur adhésion au discours politique du pouvoir en place à la sympathie qu’ils éprouvent pour la personnalité s’étant faite le relais de ce même pouvoir. Ainsi, les personnalités culturelles (et sportives) populaires se laissent tantôt courtiser par un parti puis par l’autre en fonction de ce que ces derniers leur proposent. Ils n’agissent alors pas autrement que comme le feraient des mercenaires, ici vendus aux intérêts du pouvoir.
À choisir entre leur intégrité et l’argent facile pour échapper à leur condition sociale, ceux-là ont fait leur choix. Un choix qui les aura amenés à se renier et à trahir les leurs et ainsi brader à vil prix leurs idéaux.
Ce n’est alors rien moins qu’une trahison populaire qui s’accomplit dans les quartiers. Une manœuvre égoïste et sans vergogne contribuant pour beaucoup à maintenir le peuple dont ils sont issus à une précarité sans fin.
Désormais le clientélisme devient la seule règle, la seule norme.
Et ce n’est guère qu’à l’aune de ce phénomène de trahison sociale permanent que les quartiers interprètent le fait politique d’un œil désabusé.
LE QUATRIEME FACTEUR DE DEPOLITISATION : LE PARADOXE
La conscience politique des militants « la kour » émerge avec l’accumulation d’un capital scolaire et culturel (niveau d’étude plus élevé que la moyenne, connaissance plus fine de la société , etc.) qui les prédispose... à s’écarter des quartiers.
Pire encore : alors que l’école des années 1980 rendait plus probables des trajectoires d’ascension sociale, le délabrement de l’enseignement public, les retraits des subventions des associations et les politiques publiques antisociales rendent plus difficile la politisation d’une nouvelle génération de jeunes habitants des cités. Et la précarisation croissante de la société touche évidemment plus durement les quartiers populaires, y compris les militants potentiels.
Après un engagement de jeunesse souvent synonyme de « sacrifice individuel », beaucoup décident de « se ranger », à cause de l’instabilité sociale du statut de « militant professionnel » et de l’absence de perspectives politiques tangibles. C’est pourquoi il n’est pas rare de les retrouver dans des postes de chargé de mission ou d’éducateur au sein des conseils généraux et des mairies, ou toute autre fonction dans laquelle ils peuvent faire valoir leur expérience et leur connaissance des quartiers. La plupart d’entre eux n’habitent plus dans les cités délabrées...
Bref, il n’est pas étonnant que l’encadrement politique des jeunes habitants des cités soit alors devenu quasiment inexistant. On assiste même à une véritable régression politique. Alors que les municipalités détruisent toute possibilité d’engagement dans les quartiers par une politique budgétaire restrictive, elles continuent toujours de miser sur ce que l’on peut appeler « les nouveaux pompiers » .
LE CINQUIEME FACTEUR DE DEPOLITISATION : LA DELEGATION
Certaines associations quant à elles ont tout fait pour cantonner les nouvelles dynamiques à l’inscription sur les listes électorales. La mobilisation pour l’inscription sur les listes électorales sous-entend que le changement s’opérerait par délégation des habitants des cités aux institutions de la République. Elle conforte la séparation entre « ceux qui demandent des changements » et « ceux qui font de la politique ». Elle occulte les insuffisances criantes du système représentatif. Elle gomme l’histoire des habitants des quartiers, qui ont tenté de prendre leur destin en main et refusé de faire confiance aux professionnels de la politique.
Finalement, c’est plus un aveu d’impuissance et un manque d’imagination que l’émergence d’une nouvelle génération militante.
CONCLUSION
Comment faire en sorte que ceux qui en sont exclus réinvestissent le champ politique ?
Cette question se trouve au cœur des réflexions des mouvements autonomes et des quartiers.
Cette dynamique ne se consolidera pas :
*Sans s’inspirer des causes de leurs échecs politiques du passé afin de ne plus les réitérer ; *Par la compréhension des phénomènes qui expliquent la désertification politique ;
*En travaillant à l’élaboration d’un appareil militant structuré et organisé pour peser politiquement ;
*En rédigeant une doctrine politique émancipatrice, à la fois claire et exhaustive vers laquelle les quartiers se tourneront afin de se structurer politiquement.
Les partis « nationalistes » du type du « projet réunionnais » ont trop longtemps suivi des calendriers imposés de l’extérieur : le clivage créole/zoreil, les affaires de « discrimination culturelle », le concept de « génocide par substitution » et faux procès à des prétendus boucs émissaires ont trop longtemps détourné l’attention des quartiers et plus largement de la population.
Observatoire de la vie politique à la Réunion
Par ailleurs, ces musiciens sont devenus élégants et chics, ne se privent pas de posséder une belle voiture, participent aux soirées mondaines tout en n’oubliant pas de s’afficher sur les réseaux sociaux. Ils sont davantage dans un jeu de séduction.
Le système récupère alors la substance profonde du message et ne laisse que la surface, l’esthétisme. Le système a vaincu.
Extrêmement complaisants avec le monde politique et soumis au système marchand, ils contribuent chaque jour à « dépolitiser » la forme de contestation la plus aboutie qui existe dans ce pays : notre culture.
LE TROISIEME FACTEUR DE DEPOLITISATION : LE RECRUTEMENT
Les partis politiques vont trouver chez l’artiste ou le sportif de renom, emblématique d’un quartier, un moyen de rallier des électeurs et de s’en servir pour assouvir leur soif du pouvoir. La manœuvre politique s’avère rentable sur le plan électoral. En effet, les masses populaires, ainsi trompées, assimilent leur adhésion au discours politique du pouvoir en place à la sympathie qu’ils éprouvent pour la personnalité s’étant faite le relais de ce même pouvoir. Ainsi, les personnalités culturelles (et sportives) populaires se laissent tantôt courtiser par un parti puis par l’autre en fonction de ce que ces derniers leur proposent. Ils n’agissent alors pas autrement que comme le feraient des mercenaires, ici vendus aux intérêts du pouvoir.
À choisir entre leur intégrité et l’argent facile pour échapper à leur condition sociale, ceux-là ont fait leur choix. Un choix qui les aura amenés à se renier et à trahir les leurs et ainsi brader à vil prix leurs idéaux.
Ce n’est alors rien moins qu’une trahison populaire qui s’accomplit dans les quartiers. Une manœuvre égoïste et sans vergogne contribuant pour beaucoup à maintenir le peuple dont ils sont issus à une précarité sans fin.
Désormais le clientélisme devient la seule règle, la seule norme.
Et ce n’est guère qu’à l’aune de ce phénomène de trahison sociale permanent que les quartiers interprètent le fait politique d’un œil désabusé.
LE QUATRIEME FACTEUR DE DEPOLITISATION : LE PARADOXE
La conscience politique des militants « la kour » émerge avec l’accumulation d’un capital scolaire et culturel (niveau d’étude plus élevé que la moyenne, connaissance plus fine de la société , etc.) qui les prédispose... à s’écarter des quartiers.
Pire encore : alors que l’école des années 1980 rendait plus probables des trajectoires d’ascension sociale, le délabrement de l’enseignement public, les retraits des subventions des associations et les politiques publiques antisociales rendent plus difficile la politisation d’une nouvelle génération de jeunes habitants des cités. Et la précarisation croissante de la société touche évidemment plus durement les quartiers populaires, y compris les militants potentiels.
Après un engagement de jeunesse souvent synonyme de « sacrifice individuel », beaucoup décident de « se ranger », à cause de l’instabilité sociale du statut de « militant professionnel » et de l’absence de perspectives politiques tangibles. C’est pourquoi il n’est pas rare de les retrouver dans des postes de chargé de mission ou d’éducateur au sein des conseils généraux et des mairies, ou toute autre fonction dans laquelle ils peuvent faire valoir leur expérience et leur connaissance des quartiers. La plupart d’entre eux n’habitent plus dans les cités délabrées...
Bref, il n’est pas étonnant que l’encadrement politique des jeunes habitants des cités soit alors devenu quasiment inexistant. On assiste même à une véritable régression politique. Alors que les municipalités détruisent toute possibilité d’engagement dans les quartiers par une politique budgétaire restrictive, elles continuent toujours de miser sur ce que l’on peut appeler « les nouveaux pompiers » .
LE CINQUIEME FACTEUR DE DEPOLITISATION : LA DELEGATION
Certaines associations quant à elles ont tout fait pour cantonner les nouvelles dynamiques à l’inscription sur les listes électorales. La mobilisation pour l’inscription sur les listes électorales sous-entend que le changement s’opérerait par délégation des habitants des cités aux institutions de la République. Elle conforte la séparation entre « ceux qui demandent des changements » et « ceux qui font de la politique ». Elle occulte les insuffisances criantes du système représentatif. Elle gomme l’histoire des habitants des quartiers, qui ont tenté de prendre leur destin en main et refusé de faire confiance aux professionnels de la politique.
Finalement, c’est plus un aveu d’impuissance et un manque d’imagination que l’émergence d’une nouvelle génération militante.
CONCLUSION
Comment faire en sorte que ceux qui en sont exclus réinvestissent le champ politique ?
Cette question se trouve au cœur des réflexions des mouvements autonomes et des quartiers.
Cette dynamique ne se consolidera pas :
*Sans s’inspirer des causes de leurs échecs politiques du passé afin de ne plus les réitérer ; *Par la compréhension des phénomènes qui expliquent la désertification politique ;
*En travaillant à l’élaboration d’un appareil militant structuré et organisé pour peser politiquement ;
*En rédigeant une doctrine politique émancipatrice, à la fois claire et exhaustive vers laquelle les quartiers se tourneront afin de se structurer politiquement.
Les partis « nationalistes » du type du « projet réunionnais » ont trop longtemps suivi des calendriers imposés de l’extérieur : le clivage créole/zoreil, les affaires de « discrimination culturelle », le concept de « génocide par substitution » et faux procès à des prétendus boucs émissaires ont trop longtemps détourné l’attention des quartiers et plus largement de la population.
Observatoire de la vie politique à la Réunion