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Tribune d’Ericka Bareigts sur le tourisme

La députée de la Réunion, Ericka Bareigts, publie une tribune libre sur le tourisme:

Ecrit par zinfos974 – le mardi 10 juin 2014 à 10H53
J’ai été interpellée par la récente accumulation de rapports négatifs sur le tourisme à La Réunion : article du journal les Echos du 5 juin 2014, avis du Conseil Economique Social et Environnemental de La Réunion du 5 juin 2014, rapport de la Cour des Comptes de février 2014, rapport de la Chambre Régionale des Comptes de janvier 2014, 
 
Les derniers chiffres du tourisme à La Réunion de l’Insee relèvent d’un fiasco de la Région Réunion sur un secteur d’activité pourtant reconnu porteur par tout le monde. 
 
Ces chiffres (-10,5% au 1er trimestre 2014 par rapport au 1er trimestre 2013) révèlent un manque de stratégie, accompagné d’une absence totale de visibilité, ce qui est pourtant nécessaire pour faire de La Réunion une destination recherchée dans le monde. 
 
La Région Réunion n’a pas de stratégie en matière de tourisme. Elle reconnaît elle-même qu’elle a échoué. Elle n’a plus d’objectif quantitatif. Alors qu’elle aspirait à atteindre un million en 2020, aujourd’hui cet objectif n’existe plus. Certains s’accordent à dire que nous pourrions passer cette année sous la barre des 400 000 touristes. C’est la bérézina. 
 
Même les gadgets proposés par le président de région sont contre-productifs. 
Tout d’abord, les îles vanilles. L’objectif affiché était de raccrocher la Région Réunion aux locomotives mauricienne et seychelloise. Ce but n’a pas produit ses effets.
 
Ensuite, avec l’Australie. Nous avons pris du temps pour tisser des liens entre nos deux pays. La Réunion a par exemple exercé une participation remarquée au Festival d’Adelaïde. Mais la suppression de la desserte aérienne entre La Réunion et l’Australie a anéanti ce premier investissement. 
 
Le tourisme est un secteur d’activité extrêmement complexe. Il suppose une gouvernance et une feuille de route volontariste mais surtout partagée. En 1960, « l’île sœur » a déclaré comme secteur prioritaire le tourisme. Il suffit de regarder pour constater le chemin qu’elle a parcouru, dans la cohérence d’un choix en lien avec ses atouts. Ce développement exige une vision à long terme, des connaissances réelles de mécanismes économiques et un véritable leadership.
 
Or, force est de constater que pour Didier Robert, qui avait été missionné sur la question par le premier ministre de l’époque, François Fillon, le rapport rendu n’a pas produit les effets escomptés.
 
Le tourisme doit faire l’objet d’un projet partagé par la mise en place d’un véritable comité stratégique entre l’État et la Région.  Cette demande a été préconisée depuis longtemps, mais  pourtant, elle n’existe toujours pas. Le rapport de la Chambre Régionale des Comptes le soulignait : « l’observation relative au manque de pilotage de la politique touristique demeure non corrigée ». Le Ceser évoque également le problème : « ce point pose, par ailleurs, la problématique de la répartition des compétences entre les collectivités locales sur le territoire. Point sur lequel des solutions doivent être rapidement trouvées. »
 
Le tourisme doit faire l’objet d’un nouveau schéma de développement et d’aménagement touristique. Le dernier date de 2004. Cela fait une dizaine d’années.
 
Il est urgent que la Région se remette sérieusement au travail. 
 
Elle est en effet compétente dans l’économie et l’aide aux entreprises. Elle doit piloter son développement. Elle finance l’IRT. Elle décide pour l’essentiel des choix stratégiques de la compagnie aérienne locale Air Austral. Elle est à la baguette des Programmes Opérationnels Européens (POE). 
 
La dépendance exclusive du marché hexagonal est un mauvais choix. Depuis les années 2000, la vente du « produit Réunion », tourné presque exclusivement vers la métropole, stagne entre 400.000 et 450.000, alors que les plans prévoyaient déjà 500.000 touristes. Il nous faut diversifier notre cible. La seule diversification qui a véritablement été opérée récemment, notamment par les professionnels du secteur, est la prise en compte du marché local. La diversification des marchés européens n’est qu’un des axes et nos résultats y sont encore largement insuffisants. Que dire des marchés émergents de la zone : l’Inde, la Chine, l’Afrique du Sud … Ce sont autant de potentiels inexploités. La question des visas ne constitue pas la seule barrière. Le gouvernement est actuellement en train de la lever. Mais la destination Réunion souffre sur ces marchés d’une absence totale de notoriété qui ne prédispose pas de la création rapide d’un flux touristique substantiel vers notre île.
 
Tout cela, nous amène à nous dire que pour bien vendre, il faut savoir à qui l’on veut vendre et avec quels arguments. Nous connaissons le paradoxe d’être une destination méconnue et d’être une destination appréciée, comme l’affirment 97% de nos visiteurs au moment de quitter notre île. Nous devons travailler notre communication avec les partenaires, dont la presse, et ce sans les incriminer de nos mauvais résultats.
 
Il me semble que nous n’exploitons pas tous nos atouts. Nous avons des richesses naturelles extraordinaires : le parc national ou le parc marin qui nous divisent au lieu de nous rassembler. Ces sites représentent pourtant 80% de la biodiversité française. Nous pouvons en être fiers. Nous avons aussi une très belle richesse culturelle : notre métissage, notre cuisine, la diversité de nos religions et la tolérance réciproque qui les entourent … Nous avons 149 sites historiques classés et seules trois villes de notre département détiennent le label « ville d’art et d’histoire ». Qui les connaît ? Qui les met en valeur ?
 
Mais si vraiment nous voulons être à la hauteur de ces richesses qui sont les nôtres, à la hauteur de cet enjeu majeur qu’est le tourisme pour La Réunion, alors il nous faut créer une nouvelle offre d’hébergement de qualité qui n’exclut ni le luxe ni le bon marché. Notre problème est aussi bien quantitatif que qualitatif. Le Ceser explique que « l’offre générale touristique, bien qu’en amélioration, reste en deçà du niveau d’excellence légitimement attendu ». Cette nouvelle offre d’accueil doit être en cohérence avec les cibles que nous souhaitons toucher. Tant que nous ne nous poserons pas les bonnes questions, nous ne pourrons pas mettre en œuvre les bonnes politiques. 
 
Et puis enfin, et surtout, notre stratégie aérienne doit être liée aux objectifs que nous nous fixons. La mise en place de l’A380, avec pour vocation la diminution des prix du billet d’avion, a échoué. Nous sommes toujours victime de coûts trop élevés, notamment vers l’Europe. Cette dernière représente 5% de nos touristes. La fermeture sur les villes de province constitue aussi une erreur. 
Si l’avenir de ce secteur d’activité passe notamment par le développement avec les pays de la zone, alors nous devons programmer l’ouverture aérienne sur la zone et non fermer nos lignes. La fin des visas pour les Sud-africains aurait dû entraîner immédiatement des ouvertures de lignes entre La Réunion et ce pays.
 
Une bonne stratégie touristique est celle qui permet à chaque acteur du secteur de se positionner avec sa propre stratégie et que l’ensemble constitue une force de frappe au service de la destination. Or nous constatons aujourd’hui une multiplication d’actions et autres coups, plus ou moins heureux, souvent désordonnés, de la part de la collectivité sensée piloter ce secteur et dont on finit par perdre de vue sa finalité.
 
Le sujet n’est pas simple. Mais l’échec est retentissant, à la hauteur des annonces faites dès 2010 et tout au long d’une année dédiée au Tourisme que tout le monde a oublié depuis. La démission de la présidente de l’IRT doit aussi être vue comme un aveu d’échec. Cela fait plus de 10 ans que le tourisme stagne à La Réunion. L’enjeu pour nous est de construire une nouvelle économie touristique capable de créer les 8 à 10 000 emplois que la population réunionnaise attend.
 
Notre ambition pour La Réunion mérite mieux que l’implication actuelle de la Région. 

Ericka Bareigts

 

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