En juin de cette année, les Conférences des procureurs généraux et des premiers présidents de cours avaient alerté la Garde des Sceaux, Christiane Taubira, sur la situation financière des tribunaux au niveau national. Même si le budget 2013 alloué par l’Etat à la justice a été en hausse de 4,3%, avec une nouvelle augmentation annoncée de 1,7% pour l’année 2014, l’Union syndicale des Magistrats a dénoncé en octobre dernier – lors de son audition par la commission des lois de l’Assemblée nationale à propos des crédits de la justice judiciaire – un budget de « stagnation sur fond de pénurie persistante« , dans une note publiée sur leur site.
Les tribunaux ont besoin d’argent au niveau national, tout comme au niveau régional. Dans un rapport de l’administration régionale judiciaire que nous nous sommes procuré, la situation dépeinte pour l’année budgétaire 2013 est alarmante. Ce rapport daté du début du mois d’août 2013, montre qu’au 31 juillet de cette année, la quasi totalité des tribunaux de la Réunion et Mayotte avait besoin de crédit complémentaire à hauteur de 1,209 million d’euros pour terminer l’année, au titre des frais de justice.
Des stocks importants de frais de justice
Frais de justice kézaco ? Ces frais sont liés le plus souvent aux procédures pénales. On peut retrouver au titre des frais de justice le contrôle médical en garde à vue, les interceptions téléphoniques, les prélèvements… Et les tribunaux de la zone ont accumulé un gros retard de paiement en raison du stock de frais de justice conséquent (voir ci-dessous).
Dans ce rapport, l’administration judiciaire souligne une « situation (…) très préoccupante dans la mesure où les charges à payer représentent (…) 84% du budget délégué« .
« En l’absence d’enveloppe complémentaire, le passif d’impayés de 2012 s’ajoutera aux mémoires certifiés et taxés de l’année 2013 en attente de paiement. La situation de tension budgétaire conduit à privilégier le paiement des mémoires les plus importants en termes financiers ce qui provoque l’augmentation corrélative du nombre de mémoires en stock. Cette situation a deux impacts négatifs. Le premier sur l’organisation des services qui doivent assumer la gestion d’un stock en augmentation constante. Le deuxième sur l’augmentation du nombre de créanciers impayés qui amplifie le phénomène de mécontentement« , souligne l’administration régionale judiciaire.
En clair, le Ministère de la Justice ne parvient pas à payer ses dettes. L’Union syndicale des Magistrats explique cette situation dans sa note du mois d’octobre. « Le Ministère essaie de résorber prioritairement le stock des créances au titre des années passées (…). Dans ces conditions, il devient de plus en plus difficile de trouver des collaborateurs du service public de la justice compétents, qui acceptent de prendre des missions pour la justice tout en sachant qu’ils ne seront pas payés avant plusieurs mois, voire plusieurs années« , souligne le syndicat des magistrats.
Des mémoires de 2007 toujours pas payés
Dans les faits, sur les juridictions de la Réunion et sur Mayotte, il restait 14.232 mémoires en attente de paiement – dont certains remontent jusqu’à 2007 – pour un montant total de 2,451 millions d’euros (voir ci-dessous), sans compter le stock de mémoires pour le second semestre de l’année 2013 évalué à près de 425.000 euros.
Pour surnager dans ce marasme budgétaire. L’administration judiciaire a estimé à 3,357 millions d’euros ses besoins en financement pour l’année 2014 uniquement au titre des frais de justice.
Une estimation qui ne prend pas en compte les futures dispositions à venir sur l’assujettissement à TVA des collaborateurs de la justice. Des frais de justice voués à augmenter fortement, la TVA passant à 20% à partir du 1er janvier 2014 sur les expertises. Un surcoût qui devrait entraîner une hausse des frais de 24,5 millions d’euros au niveau national. Reste à définir son montant pour la Réunion et Mayotte.
Encore une constatation. Au 5 août 2013, le Tribunal de grande instance de Saint-Denis avait consommé la totalité de son enveloppe budgétaire et l’administration judiciaire réclamait en urgence une enveloppe complémentaire pour éviter que la situation s’aggrave, faute de quoi, la régie du TGI ne pourrait plus traiter les frais de justice pour cette année…