30 années de réclusion criminelle ont été requises à l’encontre de Rachid S. L’homme de 43 ans d’origine marocaine est jugé depuis mercredi devant la cour des Assises dans une affaire d’une rare perversion à la Plaine des Grègues à Saint-Joseph. Pour l’avocate générale, Emmanuelle Barre, Rachid S. a multiplié les mensonges. « Un mythomane » selon les experts et les témoins.
La victime, Delphine S., 31 ans, avec ses 177 cicatrices sur le corps, écoute Rachid S. – pour la deuxième fois, car l’accusé a fait appel de sa première condamnation – donner une explication pour chaque marque sur son corps. Maladroite, elle se serait blessée en coupant du bois ou en nourrissant les cabris. Mais elle aurait aussi été violente et colérique, détruisant régulièrement les biens de leur domicile. Nymphomane, également, à enchaîner les rapports sexuels et la prostitution avec des hommes violents du quartier. Or, selon l’expertise médicale, les cicatrices sont compatibles avec les dires de la victime. De même pour les séquelles dont souffraient leurs deux enfants.
La réelle victime aurait été lui. Battu et violé par sa compagne, il n’aurait fait que suivre ses envies sexuelles les plus absurdes. L’éducation des enfants et les tâches ménagères auraient été assurées par le père de famille alors que la victime « fumait des joints et buvait du whisky sur le canapé ». Irréprochable, Rachid S. ne reconnaît qu’une gifle. Après tout, il provient « d’une très très grande lignée de royauté marocaine et saoudienne datant de l’époque de Moïse et d’une famille de très grands propriétaires terriens et d’énormes exploitations de gaz ». « Je n’en parlais pas parce que ça aurait été risible que quelqu’un de riche habite à La Réunion ». Parmi ses grandes qualités, il se dit également doté du don de voyance. Les mots ne manquent pas à Rachid S. qui aura passé trois jours à dresser un beau portrait de lui même dans les moindres détails.
Selon l’expert psychiatrique, Rachid S. projette ses actes sur la victime en inversant les rôles. Un « effet miroir dont il a d’ailleurs parlé à plusieurs reprises », rappelle-t-il. Un deuxième expert explique que l’accusé nierait les faits pour éviter un « effondrement psychique » et que « tout conflit interne est redirigé vers autrui ». Se regarder en face serait donc bien trop difficile.
Mais l’avocate générale le rappelle : » « Je suis partie parce que j’ai vu la mort arriver », avait déclaré Delphine S. au bout de huit ans. Elle l’a vu dormir et a sauvé sa peau en laissant ses enfants derrière elle, car ils feraient trop de bruit. Pour sauver ses enfants, il fallait d’abord qu’elle se sauve elle ». Depuis que la victime, fragile et influençable, avait 18 ans et pendant huit ans de sa vie, elle a vécu « l’enfer qui était devenu son quotidien », sous l’emprise totale de son conjoint, poursuit l’avocate générale. « Aucune partie de son corps n’est sans cicatrices et elle aura la trace des sévices jusqu’à la fin de sa vie », ajoute-t-elle.
L’avocate générale décrit« un des dossiers les plus graves en 30 ans de carrière ». Et d’ajouter : « Les personnalités comme celles de Rachid S. sont rares ». 30 années de réclusion criminelle ont été requises ainsi qu’un suivi socio-judiciaire de 10 ans.
C’est le jury qui décidera de son sort en fin de journée.