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[Témoignage] Sans masques, les sages-femmes libérales réfléchissent à stopper d’exercer

Bas les masques. La crise du Covid-19 met à jour le manque cruel d’anticipation sur la fabrication des masques de type FFP2, les seuls à protéger complètement du risque de contagion. La bataille fait rage depuis quelques jours entre les professionnels de santé qui en sont privés et l’Agence régionale de santé. Laurie Amalric est sage femme libérale à Saint-Denis. Elle nous livre son analyse de la situation.

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 20 mars 2020 à 11H13

Son témoignage vient s’additionner à ceux qui, ces derniers jours, ont été scandalisés d’apprendre que des mesures de priorisation avaient été édictées par l’ARS au vu du manque de masques pour tous ([voir notre article de mercredi soir]urlblank:https://www.zinfos974.com/%E2%80%8BCoup-de-gueule-d-une-infirmiere-decouvrant-un-mail-de-l-ARS-adresse-aux-pharmaciens_a151081.html ).

Concernant les sages-femmes, on ne parle visiblement pas de priorisation mais bien de choix de ne pas les outiller en masques FFP2.

« On n’a pas de masque évidemment mais on a reçu un mail qui disait hier (mercredi, ndlr) que  les médecins, les kinésithérapeutes et les infirmiers ont droit au fameux masque FFP2 – je rappelle que ceux sont les seuls qui protègent véritablement du Covid – mais que les sages-femmes comme les pharmaciens n’y ont pas droit », déplore Laurie Amalric. Pire, dans ce même mail, il est précisé que les sages-femmes devront se contenter des masques classiques et non des FFP2 « pour prendre en charge les femmes confirmées COVID-19 », dixit le mail reçu par les professionnels de santé le 18 mars 2020.

La professionnelle de santé juge cette appréciation de l’ARS comme « totalement inadmissible » car elle considère, à juste titre, être « en première ligne », autant qu’un infirmier ou un kiné. Cela est d’autant plus vrai que l’hôpital a tendance, ces derniers jours, à renvoyer les femmes enceintes vers le secteur libéral pour justement dégager des lits au sein des structures lourdes.

« Les infirmiers voient plus de patients que nous, mais restent parfois que quelques minutes pour une injection »

« En ce moment, on a le double d’activité », précise-t-elle. A titre de comparaison, elle suit chaque semaine environ 10 à 15 femmes présentant une grossesse à risques. « Pour les grossesses qui se passent bien, je les vois 1 fois par mois en moyenne », fait-elle le parrallèle.

Encore plus dans le détail, la professionnelle de santé en arrive à comparer l’activité qui est la sienne avec celle des infirmiers par exemple. « Les infirmiers voient plus de patients que nous, mais restent parfois que quelques minutes pour une injection, alors que chacun de nos actes sages-femmes dure minimum 40 minutes au chevet de la patiente. Le contact est tout aussi long et proche qu’un infirmier ».

« Sur quels critères se basent-ils pour dire qu’une sage femme n’a pas besoin de masque FFP2 pour femmes enceintes ? », questionne-t-elle, désabusée par cette politique catégorielle. Ou, « peut-être que la population des femmes enceintes n’est pas à prendre en compte dans cette crise ? »

« Pour rappel, les premières études démontrent qu’il n’y a pas de transmission verticale possible entre la mère et le fœtus pendant la grossesse. Il s’agit d’un premier point rassurant pour le fœtus. En revanche, les conséquences chez la mère peuvent être catastrophiques si elle venait à contracter le virus. Suite aux changements physiologiques qui surviennent pendant la grossesse, la femme a plus de risques alors de développer une infection pulmonaire. Dans d’autres pays tels que la Chine ou l’Italie, des femmes enceintes ont fini dans des services de réanimation avec en parallèle une menace d’accouchement prématuré ou des accouchements prématurés forcés », illustre-t-elle. La crise de confiance vis-à-vis du ministère de la Santé ne date d’ailleurs pas de ces derniers jours. C’est le manque de reconnaissance de la profession que Laurie Amalric pointe du doigt. 

Des masques « sur le marché noir »

L’exemple est par exemple flagrant selon elle concernant la différenciation qu’il y a avec les dentistes qui bénéficient, eux, du titre de docteur car ils ont fait leur internat en toute fin d’études alors que l’internat des sages-femmes s’effectue tout au long de leur Bac+5.

Bref, passées ces considérations qui mettent la profession à cran depuis des années, la préoccupation première de Laurie Amalric a été de se fournir en masques « sur le marché noir », en rigole-t-elle, « mais pas des FFP2 évidemment ! »

Enfin, la corporation pourrait bien montrer les muscles si l’ARS venait à ne pas réviser sa position. « Il y a quelque chose qui est en train de se passer sur les réseaux sociaux. Il existe un groupe sur lequel est envisagé de refuser de travailler si on n’est pas fourni en masques ! Et ce qui va se passer c’est que l’hôpital se retrouvera à gérer des patientes et des bébés qui sont pris en charge par nous. J’ai en moyenne 40 patientes par mois. Faites le compte avec toutes les sages-femmes de l’île si on venait à stopper notre travail… »

L’île de La Réunion compte environ 800 sages-femmes, tous secteurs confondus.

 

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