Le président d’honneur du Syndicat des coiffeurs de La Réunion (UNEC), Maurice Profit, 72 ans, est dans le collimateur de plusieurs coiffeurs. Ces derniers ont récemment envoyé un courrier au procureur de la République pour s’en plaindre. Des comptes non présentés et non validés depuis 2017 alors que plus de 140.000 euros disparaîtraient chaque année. Le budget annuel du syndicat, qui est de cette somme, est dépassé et pour cause, les dépenses d’un président « qui gratte là où il peut ». Les coiffeurs s’indignent donc, car ce sont 80 adhérents qui payent en moyenne 200 euros de cotisation par an et le reste, soit 80% du budget, proviendrait de fonds publics.
S’ils empruntent aujourd’hui le chemin de la justice, c’est parce que leurs nombreuses questions au sujet des dépenses « non justifiées » de leur président seraient restées sans réponse. Un huissier avait donc été contacté pour faire un constat.
En 2017, les déplacements vers les salons nationaux de Vegas, Tokyo et Paris auraient coûté plusieurs dizaines de milliers d’euros en trop. Pourquoi ? Si les autres membres du bureau payent leur voyage et hébergement, ce ne serait pas le cas le Maurice Profit. Et même concernant les voyages des autres, il jouerait le rôle d’agent de voyage en proposant des formules. En 2017, 55.000 euros lui auraient été donnés pour seulement 39.000 euros de dépenses. Cette année, ils estiment avoir payé 900 euros en trop par personne pour le dernier voyage aux États-Unis d’une vingtaine d’adhérents.
À La Réunion, hors voyage, le constat est le même. Des frais téléphoniques de deux opérateurs différents qui s’élèvent à 1300 euros par an, l’embauche de son épouse pour du « mailing » sur 13 semaines à 4400 euros, des frais de déplacement de 10.700 euros. Et quel est ce compte « Autre » duquel 500 euros auraient été mystérieusement retirés d’un guichet par le président ? Sans compter les frais de matériel de bureau « pour le bureau qu’il utilise chez lui » – le syndicat n’ayant pas de local – et pour lequel « il voulait faire payer 300 euros par mois de loyer, soit un total de 36.000 euros ». Ils ne se sont donc pas étonnés de voir un constat de comptable pour un ticket de parking à 70 centimes. « Il nous a remboursé une paire de chaussons et un mitigeur de robinet », ajoutent les coiffeurs avec humour.
Des élus avertis
Leur dernier recours reste donc la justice. « Nous avons averti le président de la Chambre de Métiers, Bernard Picardo, mais rien n’a été fait. De même pour le président national du syndicat, Bernard Stalter », avouent-ils avant de préciser que la nouvelle présidente, depuis avril 2019, n’est autre que Marie-Pierre Rivière, également élue de la Chambre de Métiers. Mais la Chambre de Métiers précise qu’« à part l’aide à la création d’un syndicat ou l’organisation de prix et de concours », la chambre n’a pas la compétence pour se mêler à la vie syndicale qui reste autonome. Marie-Pierre Rivière affirme quant à elle n’avoir été au courant d’aucun acte donc l’ancien président est accusé. « Nous lui avons posé des questions et il a su nous réconforter », assure-t-elle. Aujourd’hui, la nouvelle présidente déclare être « là pour défendre la profession et c’est tout ». « J’espère que ceux qui portent ces accusations ont des preuves concrètes, ajoute-t-elle, s’il le faut, c’est la justice qui s’en chargera ».
Est-il vraiment coiffeur ?
« Nous avons également des doutes sur sa profession ». Ils se sont en effet renseignés auprès de la Chambre de Métiers et il n’y serait pas inscrit depuis 15 ans. Chose qu’il a rectifiée, car depuis le 1er mars dernier, il serait inscrit en tant que coiffeur à domicile. « On se demande donc si cela pourrait poser problème au sein du tribunal des Prud’hommes où il était membre de fait de sa présidence au sein du syndicat », ajoutent-ils.
Il s’agit du deuxième courrier envoyé au procureur par quatre coiffeurs mécontents ; le premier datant de février dernier.