Revenir à la rubrique : Patrimoine

Stanislas Gimart, sucrier inventeur

En 1824, le sucrier et technicien d’avant garde, Louis Stanislas Xavier Gimart, invente une batterie qui portera son nom. Les anciennes chaudières en demi-lune sont remplacées par un bac rectangulaire unique.

Ecrit par Sabine Thirel – le samedi 04 juillet 2009 à 08H06

En pleine révolution agricole, l’île Bourbon passe rapidement de la culture du café à la quasi monoculture de la canne à sucre. La production sucrière augmente, les machines performantes apparaissent. Les planteurs cherchent à dépasser  la production artisanale du rhum et du sucre et  s’essayent  à une production industrielle. Les sucriers, les techniciens et ingénieurs se penchent sur ce problème. Louis Stanislas Xavier Gimart (1780-1846) arrivé en 1810, est justement l’un d’eux, produire plus à moindre coût est la question des trente premières années du XIXe siècle.
 

 

Alors que les autorités coloniales se révèlent frileuses à investir dans la recherche agricole et mécanique. Elles sont cependant à l’affut, prêtes à récupérer les trouvailles des particuliers à son compte. Les planteurs s’accordent pour financer les recherches et les expérimentations mettant leurs matériels et leurs personnels à la disposition des ingénieurs. Ainsi, après la méthode de plantation triennale proposée par Joseph Desbassayns, les machines à vapeur anglaises installées dans l’usine du Chaudron, apparaissent certains aménagements des machines à sucre. Stanislas Gimart conçoit une machine si elle n’est pas révolutionnaire, améliore nettement la fabrication du sucre à Bourbon. Les anciennes chaudières en demi-lune sont remplacées par un seul bac rectangulaire.

 

En effet, la batterie Gimart se compose d’un bac en cuivre d’environ 16 mètres de long  sur 1m30 de large, séparé par des parois verticales amovibles, plus basses que les bords du bac pour éviter de débordement. Le jus déféqué arrive d’un côté et passe d’un bassin à l’autre pour atteindre progressivement la partie la plus chauffée qui se trouve à l’autre extrémité. Ces parois laissent passer le vesou en ébullition d’une partie à l’autre, tout en étant chauffé en continu, l’amenant à l’évaporation puis à la cuite. L’avancée technique est inéluctable. Cette continuité des opérations supprime les longs transvasements d’une chaudière à l’autre. De plus, il utilise un même foyer nourri de bagasse de cannes. Cette nouvelle machine présente plusieurs avantages, tout d’abord une diminution du nombre de travailleurs qui passent pour cette opération de 18 à 5, une simplification des manutentions, un gain de temps certain et enfin une économie de combustible.

 

L’industrie sucrière est encore à ses balbutiements lorsque Gimart met en place sa batterie, beaucoup de sucriers le suivent. mais l’étape précédente de défécation n’est pas encore suffisamment efficace, ainsi l’ajout de sa machine sur la chaine de la fabrication du sucre ne donne qu’un sucre grossier qui menace parfois de trop cuire. Wetzell, chimiste et physicien, le critique en disant qu’il reconnait que « le problème de la continuité y est ingénieusement résolu. Mais…appliquer la continuité à la concentration du vesou sans que celle-ci ait été précédée d’une défécation avec repos, c’est bâtir sur un mauvais fond”. Pour lui, le vesou doit être décanté puis déféqué du mieux possible pour produire un sucre de bonne qualité. Il reste à  trouver la solution chimique pour l’amélioration de la décantation du vesou.

 

Circuit de la fabrication du sucre de cannes en1831d’après Argmengaud Ainé:
Cannes à sucre => broyage par passage dans un moulin mécanique à 2 ou 3 rouleaux = récupération du jus ou vesou => Chaudière à défécation à vapeur, ajout de chaux et d’acide sulfurique pour la purification => cuite dans des chaudières à  décantation en demi-lune, remplacées par la batterie de Gimart => filtration par pompe à vapeur, transport du jus épuré et concentré => les chaudières de Wetzell, battent le jus pour le faire évaporer et l’empêche de caraméliser, à une température de 63 °c => étape de cristallisation sur des tables, puis brassage pour casser le sucre => extraction de l’humidité par un passage en turbines c’est la purgation qui dure environ 3 semaines = SUCRE.

 

Après la première opération de broyage, les résidus de canne, la bagasse, est employée comme combustible sous la batterie Gimart. En revanche, à la dernière opération, apparait le sucre prêt à être consommé mais il reste aussi la mélasse utilisée pour la fabrication de l’alcool et du rhum.

Sources : Jean-François Géraud , Wetzell : une révolution sucrière oubliée à la Réunion, Revue historique des Mascareignes n° 1  AHOI/ Archives départementales de la Réunion 1998 .
Sudel FUMA, Une colonie île à sucre-économie de La Réunion au XIXème siècle, La Réunion, Océan éditions,1989.

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

Gran Mèr Kal en spectacle pour sauver les pétrels noirs de Bourbon

Le 11 novembre, le Vieux Domaine à la Ravine-des-Cabris accueille le spectacle « Kala le fantôme de Mahavel ». Un concert précédé d’une exposition photo afin de raviver la légende de Gran Mèr Kal, mais également afin de sensibiliser le public à la protection de son animal totem : le pétrel noir de Bourbon.

La Montagne: Réouverture du sentier des Anglais

Après un an de réaménagements, l'ancien "sentier marron" qui descendait La Montagne pour rejoindre Saint-Denis, a été inauguré ce matin par l'ONF et le Conseil Général. Sur les 3,5 km de sentier...

Zinfosblog de Robert Gauvin : Défendre le passé ou préparer l’avenir?

D’aucuns nous accusent d’être des passéistes, des rétrogrades, des égoïstes arc-boutés sur leurs privilèges, nous qui voulons défendre le patrimoine architectural réunionnais ? C’est assurément une manière un peu simpliste sinon caricaturale de voir les choses, car pour nous, défendre le patrimoine, c’est prendre le parti de ce qui fait la beauté, l’originalité de nos villes et qui est bien menacé ; nous voulons par exemple dans la zone patrimoniale de Saint-Denis, œuvrer à la restauration d’un « quartier créole » comme on parle du « Carré français » de la Nouvelle-Orléans. Nous pourrions pour cela nous inspirer de ce que des villes et villages du monde entier, en France, en Allemagne, en Italie ont su faire ; nous pourrions restaurer nos cases créoles avec leurs varangues, leurs barreaux, leurs jardins, leurs guétalis, leurs fontaines ? Ne serait-ce pas là une belle contribution au patrimoine de l’humanité ?