En pleine révolution agricole, l’île Bourbon passe rapidement de la culture du café à la quasi monoculture de la canne à sucre. La production sucrière augmente, les machines performantes apparaissent. Les planteurs cherchent à dépasser la production artisanale du rhum et du sucre et s’essayent à une production industrielle. Les sucriers, les techniciens et ingénieurs se penchent sur ce problème. Louis Stanislas Xavier Gimart (1780-1846) arrivé en 1810, est justement l’un d’eux, produire plus à moindre coût est la question des trente premières années du XIXe siècle.
Alors que les autorités coloniales se révèlent frileuses à investir dans la recherche agricole et mécanique. Elles sont cependant à l’affut, prêtes à récupérer les trouvailles des particuliers à son compte. Les planteurs s’accordent pour financer les recherches et les expérimentations mettant leurs matériels et leurs personnels à la disposition des ingénieurs. Ainsi, après la méthode de plantation triennale proposée par Joseph Desbassayns, les machines à vapeur anglaises installées dans l’usine du Chaudron, apparaissent certains aménagements des machines à sucre. Stanislas Gimart conçoit une machine si elle n’est pas révolutionnaire, améliore nettement la fabrication du sucre à Bourbon. Les anciennes chaudières en demi-lune sont remplacées par un seul bac rectangulaire.
En effet, la batterie Gimart se compose d’un bac en cuivre d’environ 16 mètres de long sur 1m30 de large, séparé par des parois verticales amovibles, plus basses que les bords du bac pour éviter de débordement. Le jus déféqué arrive d’un côté et passe d’un bassin à l’autre pour atteindre progressivement la partie la plus chauffée qui se trouve à l’autre extrémité. Ces parois laissent passer le vesou en ébullition d’une partie à l’autre, tout en étant chauffé en continu, l’amenant à l’évaporation puis à la cuite. L’avancée technique est inéluctable. Cette continuité des opérations supprime les longs transvasements d’une chaudière à l’autre. De plus, il utilise un même foyer nourri de bagasse de cannes. Cette nouvelle machine présente plusieurs avantages, tout d’abord une diminution du nombre de travailleurs qui passent pour cette opération de 18 à 5, une simplification des manutentions, un gain de temps certain et enfin une économie de combustible.
L’industrie sucrière est encore à ses balbutiements lorsque Gimart met en place sa batterie, beaucoup de sucriers le suivent. mais l’étape précédente de défécation n’est pas encore suffisamment efficace, ainsi l’ajout de sa machine sur la chaine de la fabrication du sucre ne donne qu’un sucre grossier qui menace parfois de trop cuire. Wetzell, chimiste et physicien, le critique en disant qu’il reconnait que « le problème de la continuité y est ingénieusement résolu. Mais…appliquer la continuité à la concentration du vesou sans que celle-ci ait été précédée d’une défécation avec repos, c’est bâtir sur un mauvais fond”. Pour lui, le vesou doit être décanté puis déféqué du mieux possible pour produire un sucre de bonne qualité. Il reste à trouver la solution chimique pour l’amélioration de la décantation du vesou.
Circuit de la fabrication du sucre de cannes en1831d’après Argmengaud Ainé:
Cannes à sucre => broyage par passage dans un moulin mécanique à 2 ou 3 rouleaux = récupération du jus ou vesou => Chaudière à défécation à vapeur, ajout de chaux et d’acide sulfurique pour la purification => cuite dans des chaudières à décantation en demi-lune, remplacées par la batterie de Gimart => filtration par pompe à vapeur, transport du jus épuré et concentré => les chaudières de Wetzell, battent le jus pour le faire évaporer et l’empêche de caraméliser, à une température de 63 °c => étape de cristallisation sur des tables, puis brassage pour casser le sucre => extraction de l’humidité par un passage en turbines c’est la purgation qui dure environ 3 semaines = SUCRE.
Après la première opération de broyage, les résidus de canne, la bagasse, est employée comme combustible sous la batterie Gimart. En revanche, à la dernière opération, apparait le sucre prêt à être consommé mais il reste aussi la mélasse utilisée pour la fabrication de l’alcool et du rhum.
Sources : Jean-François Géraud , Wetzell : une révolution sucrière oubliée à la Réunion, Revue historique des Mascareignes n° 1 AHOI/ Archives départementales de la Réunion 1998 .
Sudel FUMA, Une colonie île à sucre-économie de La Réunion au XIXème siècle, La Réunion, Océan éditions,1989.