Attachez vos ceintures ; préparez-vous à voyager... dans le temps. Le deuxième tome de Souvenirs d'une enfance créole, de Jules Bénard, est sorti en librairie. Avec son style truculent, toujours agrémenté d'un zeste d'humour et d'une pincée de "moukatage", l'écrivain à la mémoire d'éléphant nous ramène dans le passé, son passé. "L'école primaire dans l'temps lontan", "pique-niques des fifties", "le cinéma de papa", "bals lontan", "jeux et jouets d'autrefois"... les scènes de vie disparues de nos paysages réunionnais reprennent vie au fil des pages, à travers lui. Entretien.
Zinfos974 : Peut-on dire que ce livre est un journal intime ?
Jules Bénard : Oui, c’est un journal intime qui me trottait dans l’esprit depuis longtemps. Et puis mon cousin Pierrot Dupuy m’a dit 'tiens, parle-nous de ceci, de cela'. Et au fur et à mesure, un livre a pris forme.
Pourquoi cette envie de partager vos souvenirs ? Est-ce un moyen d’éviter qu’ils ne s’effacent, de figer le passé ?
D’abord c’est parce que ce sont des périodes de ma vie qui me tiennent à cœur. Ça a l’air d’être nostalgique, mais je ne pense pas que la nostalgie soit une très bonne chose, parce qu’elle laisse croire que le passé va revenir. Je préfère "cultiver" le souvenir. C'est comme les racines d’un arbre, qui pousse vers la lumière. Comme disent tous les historiens : il vaut mieux savoir d’où on vient pour savoir où on est à peu près capable d’aller. C’est une manière de mieux aborder l’avenir.
Et parfois on commet des erreurs. Il vaut mieux s’inspirer du passé pour prévoir quelque chose qui tient la route pour l’avenir.
Quel est votre ressenti lorsque vous écrivez ces lignes ?
Parfois j’ai la larme à l’œil. Il n'y a pas de honte à ça. Parler d’une chose c’est faire renaître les odeurs, les sentiments, la gourmandise. C’est un voyage dans le passé. Une fois le livre terminé, je me demande si je n’ai pas oublié quelque chose.
Quel rapport entretenez-vous avec le passé ?
Je suis quand même nostalgique. Il y a des choses que je ne retrouve plus maintenant. Certaines ont perdu de leur qualité. Par exemple en ce qui concerne les bonbons et friandises d’avant : les bonbons miel aujourd’hui, ce n’est plus que de l’eau et du sucre. Pour la santé ce n’est pas terrible. A l’époque il y avait vraiment du miel.
La vie, "c’était mieux avant" ?
Pas forcément. Je préfère nettement écrire mes textes sur ordinateur que sur une machine à écrire par exemple. Avec l’ordinateur on efface autant de fois qu’on veut. Mon style a évolué grandement depuis que j’ai l’ordinateur. Je pense que je me suis amélioré.
Mais je regrette la solidarité. Cette complicité entre les gens, je ne la trouve plus beaucoup. Les gens croient être reliés aux autres avec leur téléphone, mais c’est une relation virtuelle, on est de plus en plus isolés.
Je trouve aussi dommage que la plupart des gens vivent aussi mal. À une époque on fonçait droit dans le mur, là on l’a déjà traversé. Je ne pense pas que l’humanité ait été créée pour que 99% reste sur le bas côté et qu’1% possède la moitié des richesses du monde. On ne pourra pas accepter ça longtemps.
Est-ce parfois difficile d’écrire ?
Ecrire c’est pour moi beaucoup de plaisir. Parfois il m’arrive d’avoir un doute ; le dictionnaire est là. Ce sont des petites épreuves amusantes. Et surtout quand je mets du moukatage dans mes textes, là je prends du plaisir, je me demande comment je pourrais être encore plus féroce (rires) ! Quand j’écris je pense au ressenti de celui qui sera devant le livre.
Quel petit garçon étiez vous ?
J’étais un malandrin. Je détestais aller à l’école, je m’arrangeais pour faire l’école buissonnière. J’avais une seule chance : une mémoire extraordinaire... qui ne s’est pas formée toute seule, c’est mon grand-père de Saint-Joseph Justinien Vitry qui, à force de récitations, de tables de multiplication, de conjugaisons, m’a forgé une cervelle qui retient.
Quelle est la période de votre vie qui vous laisse les plus grands souvenirs ? Et pourquoi ?
Mes trois ans à Madagascar. Ça a été l’entente immédiate. Il s’est passé quelque chose. Ça a été comme deux aimants qui s’attirent. Déjà le pays est fascinant de beauté. Et puis il y a les Malgaches. J’arrivais avec l’esprit ouvert et ils l’ont senti, ils m’ont accueilli à bras ouverts. J’y ai enseigné le français et l'histoire/géographie. Ça a été un enchantement pendant trois ans.
Je conserve aussi de très bons souvenirs de mes années enfance à La Réunion, chez ma grand-mère de Cilaos, chez mes grands-parents de Saint-Joseph. Ce sont eux qui ont forgé ma personnalité. Mon grand-père Justinien Vitry, c’est lui qui m’a donné mes premières notions de français, de calcul, qui m’a appris à aimer la lecture, et, ce que faisaient aussi mes anciens instituteurs, à découvrir les trésors cachés sous les phrases. Comment la littérature aurait-elle pu ne pas devenir une passion ?
Vous parlez dans votre livre de vos parents et de vos frères, c’est une manière de leur rendre hommage ?
Oui, et puis ils font partie de mon enfance. Mon père je l’ai très peu connu, il est mort quand j’avais sept ans. Ma mère, qui est devenue enseignante, était une excellente pédagogue. Quand elle m’apprenait quelque chose, je le retenais.
Avez-vous un moment privilégié pour écrire ?
Je n’ai pas de moment précis. Je ne suis pas très discipliné. La discipline c’est quelque chose dont j’ai horreur. Par contre il y a toujours un fond musical. Mais il vaut mieux un fond musical sans parole.
On apprend beaucoup de vous à travers vos livres. Dites-nous en plus sur votre personnalité...
Pour les défauts, une énorme gourmandise. Avant j’étais plus gourmand que ça. Avec l’âge on s’assagit. J’ai un net penchant pour l’alcool aussi. Je suis farfelu et imprévisible. C’est pour ça que je ne prends jamais de bonnes résolutions, parce que je sais que je ne les tiendrai pas.
Concernant les qualités, je suppose que j’en ai quelques unes parce que j’ai pas mal d’amis qui m’aiment beaucoup. Je crois que ce qui me pousse le plus à penser et à agir, c’est la détresse des autres. L’humanisme me touche beaucoup. J’aurais toujours voulu fonder une ONG, mais il faut des moyens pour ça. Ce sera mon regret.
Et la fidélité en amitié. Pour le reste je laisse mes amis le dire.
Vous aimez dire que vous avez "trop de mémoire". Un troisième tome est donc en préparation ?
Oui, j’ai déjà préparé les différentes têtes de chapitres. Il me reste le plus simple : à écrire.
Zinfos974 : Peut-on dire que ce livre est un journal intime ?
Jules Bénard : Oui, c’est un journal intime qui me trottait dans l’esprit depuis longtemps. Et puis mon cousin Pierrot Dupuy m’a dit 'tiens, parle-nous de ceci, de cela'. Et au fur et à mesure, un livre a pris forme.
Pourquoi cette envie de partager vos souvenirs ? Est-ce un moyen d’éviter qu’ils ne s’effacent, de figer le passé ?
D’abord c’est parce que ce sont des périodes de ma vie qui me tiennent à cœur. Ça a l’air d’être nostalgique, mais je ne pense pas que la nostalgie soit une très bonne chose, parce qu’elle laisse croire que le passé va revenir. Je préfère "cultiver" le souvenir. C'est comme les racines d’un arbre, qui pousse vers la lumière. Comme disent tous les historiens : il vaut mieux savoir d’où on vient pour savoir où on est à peu près capable d’aller. C’est une manière de mieux aborder l’avenir.
Et parfois on commet des erreurs. Il vaut mieux s’inspirer du passé pour prévoir quelque chose qui tient la route pour l’avenir.
Quel est votre ressenti lorsque vous écrivez ces lignes ?
Parfois j’ai la larme à l’œil. Il n'y a pas de honte à ça. Parler d’une chose c’est faire renaître les odeurs, les sentiments, la gourmandise. C’est un voyage dans le passé. Une fois le livre terminé, je me demande si je n’ai pas oublié quelque chose.
Quel rapport entretenez-vous avec le passé ?
Je suis quand même nostalgique. Il y a des choses que je ne retrouve plus maintenant. Certaines ont perdu de leur qualité. Par exemple en ce qui concerne les bonbons et friandises d’avant : les bonbons miel aujourd’hui, ce n’est plus que de l’eau et du sucre. Pour la santé ce n’est pas terrible. A l’époque il y avait vraiment du miel.
La vie, "c’était mieux avant" ?
Pas forcément. Je préfère nettement écrire mes textes sur ordinateur que sur une machine à écrire par exemple. Avec l’ordinateur on efface autant de fois qu’on veut. Mon style a évolué grandement depuis que j’ai l’ordinateur. Je pense que je me suis amélioré.
Mais je regrette la solidarité. Cette complicité entre les gens, je ne la trouve plus beaucoup. Les gens croient être reliés aux autres avec leur téléphone, mais c’est une relation virtuelle, on est de plus en plus isolés.
Je trouve aussi dommage que la plupart des gens vivent aussi mal. À une époque on fonçait droit dans le mur, là on l’a déjà traversé. Je ne pense pas que l’humanité ait été créée pour que 99% reste sur le bas côté et qu’1% possède la moitié des richesses du monde. On ne pourra pas accepter ça longtemps.
Est-ce parfois difficile d’écrire ?
Ecrire c’est pour moi beaucoup de plaisir. Parfois il m’arrive d’avoir un doute ; le dictionnaire est là. Ce sont des petites épreuves amusantes. Et surtout quand je mets du moukatage dans mes textes, là je prends du plaisir, je me demande comment je pourrais être encore plus féroce (rires) ! Quand j’écris je pense au ressenti de celui qui sera devant le livre.
Quel petit garçon étiez vous ?
J’étais un malandrin. Je détestais aller à l’école, je m’arrangeais pour faire l’école buissonnière. J’avais une seule chance : une mémoire extraordinaire... qui ne s’est pas formée toute seule, c’est mon grand-père de Saint-Joseph Justinien Vitry qui, à force de récitations, de tables de multiplication, de conjugaisons, m’a forgé une cervelle qui retient.
Quelle est la période de votre vie qui vous laisse les plus grands souvenirs ? Et pourquoi ?
Mes trois ans à Madagascar. Ça a été l’entente immédiate. Il s’est passé quelque chose. Ça a été comme deux aimants qui s’attirent. Déjà le pays est fascinant de beauté. Et puis il y a les Malgaches. J’arrivais avec l’esprit ouvert et ils l’ont senti, ils m’ont accueilli à bras ouverts. J’y ai enseigné le français et l'histoire/géographie. Ça a été un enchantement pendant trois ans.
Je conserve aussi de très bons souvenirs de mes années enfance à La Réunion, chez ma grand-mère de Cilaos, chez mes grands-parents de Saint-Joseph. Ce sont eux qui ont forgé ma personnalité. Mon grand-père Justinien Vitry, c’est lui qui m’a donné mes premières notions de français, de calcul, qui m’a appris à aimer la lecture, et, ce que faisaient aussi mes anciens instituteurs, à découvrir les trésors cachés sous les phrases. Comment la littérature aurait-elle pu ne pas devenir une passion ?
Vous parlez dans votre livre de vos parents et de vos frères, c’est une manière de leur rendre hommage ?
Oui, et puis ils font partie de mon enfance. Mon père je l’ai très peu connu, il est mort quand j’avais sept ans. Ma mère, qui est devenue enseignante, était une excellente pédagogue. Quand elle m’apprenait quelque chose, je le retenais.
Avez-vous un moment privilégié pour écrire ?
Je n’ai pas de moment précis. Je ne suis pas très discipliné. La discipline c’est quelque chose dont j’ai horreur. Par contre il y a toujours un fond musical. Mais il vaut mieux un fond musical sans parole.
On apprend beaucoup de vous à travers vos livres. Dites-nous en plus sur votre personnalité...
Pour les défauts, une énorme gourmandise. Avant j’étais plus gourmand que ça. Avec l’âge on s’assagit. J’ai un net penchant pour l’alcool aussi. Je suis farfelu et imprévisible. C’est pour ça que je ne prends jamais de bonnes résolutions, parce que je sais que je ne les tiendrai pas.
Concernant les qualités, je suppose que j’en ai quelques unes parce que j’ai pas mal d’amis qui m’aiment beaucoup. Je crois que ce qui me pousse le plus à penser et à agir, c’est la détresse des autres. L’humanisme me touche beaucoup. J’aurais toujours voulu fonder une ONG, mais il faut des moyens pour ça. Ce sera mon regret.
Et la fidélité en amitié. Pour le reste je laisse mes amis le dire.
Vous aimez dire que vous avez "trop de mémoire". Un troisième tome est donc en préparation ?
Oui, j’ai déjà préparé les différentes têtes de chapitres. Il me reste le plus simple : à écrire.