Si certains chauffeurs assurent n’avoir jamais eu de soucis, d’autres indiquent être confrontés plus régulièrement à des agressions verbales. « Certains soirs, je rentre chez moi dans un état pas possible à force de m’être fait insulter. Heureusement, ma femme sait trouver les mots pour me calmer » souligne Éric*, conducteur du réseau.
Évidemment, certaines lignes sont plus risquées que d’autres. Quelques conducteurs affirment ne pas être sereins en traversant certains quartiers sensibles. « Par exemple à la Chatoire au Tampon, lorsque je vois un groupe de jeunes en montant, je passe ailleurs pour le trajet retour en revenant de l’université », explique Claude*.
« Y a des jours ça va, il ne se passe rien. Puis d’autres, ça ne va pas s’arrêter. C’est surtout en début de mois lorsque les gens ont été payés et qu’ils boivent. Après 1, 2, 3 insultes, c’est difficile de rester de bonne humeur avec les clients. C’est également difficile nerveusement de conduire avec toute cette tension accumulée », regrette Éric.
L’une des causes principales des moments de conflits concerne évidemment le respect des règles et des protocoles. Les conducteurs se retrouvent à devoir gérer des clients qui refusent de payer ou de valider leur ticket. Il y a également ceux qui refusent de s’adapter aux évolutions de fonctionnement, notamment technologiques.
Par exemple, le fait d’acheter son ticket à l’avance à la gare ou par une application mobile. Alors que tout est fait pour favoriser les achats hors du bus, les conducteurs se retrouvent confrontés à des groupes entiers voulant acheter leur ticket auprès d’eux. Cela a pour conséquence de retarder le départ et accentuer le retard. Certains veulent même payer avec des billets de 50 euros, ce qui n’est pas possible. Tout cela crée des frictions avec les quelques clients générateurs de conflits.
Les imprévus sont également un grand facteur de stress pour les chauffeurs. « Lorsque l’on a une panne et que l’on attend la dépanneuse…. nous n’y pouvons rien, mais c’est sur nous que les clients s’énervent parce qu’ils vont être en retard », raconte Claude. Ils subissent le même courroux lorsque des travaux ou des évènements changent l’itinéraire et ne desservent plus l’arrêt du client.
Pour les conducteurs de bus, il faut que les contrôles soient plus fréquents, mais également plus aléatoires. « Certains ont compris sur quels créneaux viennent les contrôleurs, alors ils s’adaptent », confie Eric. Un renforcement des contrôles qui doit absolument s’accompagner d’un changement de méthode.
Pour certains, les contrôleurs sont beaucoup trop stricts et génèrent parfois les situations de conflits. Ces contrôleurs ne sont pas employés par la Semittel, qui gère le réseau Alterneo. « Ils ne laissent rien passer. Zéro tolérance. Quand ce sont les policiers qui font des contrôles, ils sont plus cool. Y a rarement des problèmes derrière », affirme Ludovic* un conducteur très expérimenté. Un avis partagé par son jeune collègue Jérôme* qui pense « que les caillassages ont souvent lieu un ou deux jours après des contrôles qui se sont mal passés. Ce sont des représailles. »
Tous soutiennent qu’il faut plus de sécurité pour les agents. Mais ils sont également tous d’accord sur le fait qu’il faille plus de communication auprès des usagers. Ils pensent nécessaire que des agents échangent avec les clients à la gare. Ces derniers pourraient conseiller les clients afin qu’ils prennent leur billet à l’avance ou pour expliquer une modification de trajet due à des travaux. Ainsi, les conducteurs n’auraient pas à assumer « la mauvaise surprise ».
« Il y a déjà un problème de communication dans la société en général, mais là il faut qu’on tire tous dans le même sens. On manque de communication alors que ça pourrait apaiser les conflits au lieu de les créer », assure Jérôme.
*Prénoms d’emprunt