Du 3 au 21 mai 2013, la Réunion économique a été paralysée par un conflit social opposant la CGTR Ports et Docks aux sociétés de manutention du Port Est. Le protocole de fin de conflit prévoyait la mise en place d’un audit comptable d’une part et d’un audit organisationnel et technique d’autre part, dans l’optique de faire la lumière sur les arguments des deux parties.
Rappelons que la direction de la Sermat privilégiait l’externalisation de la maintenance et prévoyait un plan social. De leurs côtés, les dockers n’ont eu de cesse de rappeler que les difficultés financières de la Sermat ne sont que le résultat du pont d’or accordé à la société SRMP par les dirigeants de la Sermat, désoeuvrant ainsi son propre outil de travail. Nous sommes en mesure de vous livrer le contenu des deux rapports d’audit.
Le point d’achoppement le plus flagrant entre la direction de la Sermat et les dockers réside dans l’externalisation souhaitée par la première et l’internalisation réclamée par les seconds. Dans son rendu, le cabinet d’expertise comptable Lala se mouille peu si l’on en croit Danio Ricquebourgf, numéro deux de la CGTR Ports et Docks, interrogé en début de semaine.
« Evaluer le coût d’une éventuelle internalisation de la maintenance au sein du GIE SERMAT pour éviter le recours à la société SRMP s’avère une tâche complexe », écrit le rapport d’expertise comptable. Le cabinet Lala explique son embarras par le fait que « beaucoup de variables sont à prendre en compte ». Quelques lignes plus loin, il fait remarquer qu’« envisager une internalisation entraînerait des coûts d’investissement en matériel mais aussi un aménagement du terre-plein, puisque pour le moment ces éléments appartiennent à la SRMP. La commande des pièces KALMAR se faisant à l’étranger, un cadre bilingue est également nécessaire pour le bon déroulement de l’organisation. Concernant l’investissement, des plans ont été réalisés et leur coût prévu était de l’ordre de 1,6 million à 2 millions d’euros. Outre ces coûts connus, la mise en place de l’internalisation pourrait mettre en lumière des coûts cachés, qui ne sont par définition pas connus lors de l’analyse », expose le cabinet comptable.
Cette formulation réductrice et peu offensive n’est pas du goût de la CGTR Ports et Docks. « C’est son boulot, à M. Abdoulah Lala, de vérifier facture par facture. Au lieu de ça, il nous a parlé d’un travail complexe », évoque Danio Ricquebourg.
Après un tour d’horizon qui « ouvre des pistes de réflexion », écrit le rapport, un autre volet est abordé. Il s’agit des jeux d’écriture comptable dont le caractère délictuel a été brandi à maintes reprises par le syndicat des dockers.
Surfacturations confirmées
« Le contrat liant le GIE SERMAT et la SRMP, tel qu’il est rédigé, entraîne des surfacturations en début de période afin de faire face aux grosses dépenses d’entretien et réparations qui sont, par définition, aléatoires », explique en toute logique le cabinet d’expertise.
Une faiblesse est relevée : « les modalités de contrôles de ces entretiens et réparations ne respectent pas toujours le principe du contradictoire ». L’audit fait part d’une « nouvelle proposition » de la SRMP au GIE SERMAT qui verrait « une baisse substantielle des prix facturés ». En attendant, un écart significatif est maintenu sur le coût des réparations.
« En règle générale, les prix pratiqués par la SRMP sont plus élevés. Sur l’échantillon analysé, l’écart final représente 20% de la valeur totale. Ainsi, en achetant ses pièces directement, le GIE pourrait envisager une économie de 20 à 30%. En 2012, l’achat de pièces à la SRMP représentait 163.000 euros. L’économie réalisée aurait donc été de 33 à 49.000 euros sur les pièces », note l’audit. Voilà un détail qui n’a jamais échappé à la CGTR Ports et Docks même si cette dernière attendait que ses soupçons soient clairement établis par un avis extérieur. C’est chose faite.
La seconde lame de cet état des lieux de la Sermat est apporté par l’audit « organisationnel » cette fois. C’est la société JuriStratégies, basée à l’Entre-Deux, qui s’en est chargée.
Sur le terrain, les consultants notent une grande défiance entre les salariés détachés de la Sermat et les deux conseillers techniques de la SRMP sur les quais. « Les conditions d’une réelle efficacité de la fonction d’encadrement (opéré en théorie par les représentants de la SRMP) dans un tel climat ne sont pas réunies », déplore l’audit.
Plus grave, des exemples significatifs de pièces achetées (volontairement ?) plus chères à Kalmar sont détaillés par les employés de la Sermat.
Dans un paragraphe cinglant intitulé « des choix de gestion contestés », les experts expliquent que certains documents comparatifs leur ont été remis sur la vente de pièces pour les chariots cavaliers. Parmi ces documents à charge, un bon de commande pour un manipulateur spreader facturé 2.715 € par O.I.DEP (une société de Bras Panon) et 2.974,50 € par Kalmar. Plus effarant : un démarreur facturé 1.096,09 € par Kalmar, disponible chez un fournisseur local (AES) au prix de 375 €.
Des acconiers qui ont fragilisé leur coeur d’activité
« Les interventions effectuées dans le cadre du contrat ne donnent lieu à aucun devis validé par la SERMAT, qui se contente d’enregistrer les factures », relève l’audit. Ce qui reviendrait à dire que le GIE n’a jamais exercé son droit de regard sur le montant des pièces qu’elle achetait avec la SRMP. Un détail de poids qui viendrait conforter le point de vue des dockers, sûrs et certains que leurs dirigeants ont joué des mauvais chiffres d’affaires pour présenter leur plan social contesté par la CGTR en 2013.
Sur la stratégie globale opérée par la direction de la Sermat, l’audit confirme qu’en confiant une partie de leur activité à une société tierce, « les acconiers ont paradoxalement affaibli leurs propres positions ».
« S’il n’est pas contesté que l’hypothèse d’une reprise en propre par la SERMAT de l’ensemble de la maintenance des chariots cavaliers exigerait une réorganisation totale de la structure et, vraisemblablement, un renforcement de l’encadrement, il n’en reste pas moins que cette solution aurait l’avantage pour le G.I.E de reprendre la maîtrise d’un aspect essentiel de l’activité des acconiers », mentionne le rapport. Mais les dirigeants de la Sermat le veulent-ils vraiment, questionne le rapport qui se conclut en ces termes : « l’important est dans la volonté – ou pas – des membres du GIE de considérer cette maintenance comme un élément essentiel de leur activité. Cela ne semble pas être le cas (…) ».
Extrait du rapport organisationnel :