Revenir à la rubrique : Communiqué

Serge Hoarau dresse un bilan de la départementalisation

Le président de l’Association des maires du département de La Réunion (AMDR) a rédigé une tribune sur la départementalisation. Le maire de Petite-Île a choisi de faire un bilan de ces 75 ans qui ont bouleversé l’île.

Ecrit par GD – le vendredi 19 mars 2021 à 17H35

 

Tribune du Président de l’AMDR
75e anniversaire de la Départementalisation de La Réunion

Le 19 mars 1946, les 4 vieilles colonies deviennent 4 nouveaux départements français, rattachés officiellement à la Mère Patrie.
 

« Officiellement ». Juridiquement.
 

En effet, ce rattachement était déjà bien ancré dans les mœurs, dans les tréfonds de notre société créole et préalablement coloniale, avec ses bons et (très) mauvais aspects.

On se souvient de la contribution exceptionnelle du pilote Roland Garros dans la victoire face à l’Empire Allemand lors de la guerre 14-18.

On se souvient (peut-être un peu moins) du gendre de Madame Desbassyns, propriétaire d’esclaves, Jean-Baptiste de Villèle, ancien Premier ministre du Roi de France, Charles X.

Les bons aspects sont limités mais perdurent encore aujourd’hui, comme le dépassement des différences et la création par le métissage ethnique et culturel de notre peuple réunionnais.

Les (très) mauvais aspects sont en nombre plus conséquents et perdurent également :
– Inégalités de richesses,
– Économie de comptoir,
– Restriction d’accès à l’instruction,
– Écarts dans l’indice de développement humain,
– Aucun accès aux soins médicaux de base,
– Mépris des élites parisiennes envers les fils de la colonie. On se souvient que les Réunionnais ont combattu aux côtés des fils des autres colonies pendant les deux Guerres Mondiales, et non pas aux côtés de leurs frères des provinces de l’Hexagone.

La Départementalisation de l’île, permise par la loi du 19 mars 1946, votée par les députés, Léon de Lepervanche et Docteur Raymond Verges a été vécue, selon les témoins de l’époque, avec liesse et joie innommable du peuple.

75 ans plus tard, que retient-on du chemin parcouru ?

À regarder attentivement, les mauvais aspects cités plus haut perdurent dans le temps et sont collés à nous comme le sparadrap du Capitaine Haddock.

Certes, nous connaissons un rattrapage en matière d’infrastructures, d’écoles, de lycées et même une université à rayonnement international.

Chaque homme d’État a apporté sa pierre à l’édifice, comme le député Michel Debré qui a suivi personnellement les travaux du premier lycée post-colonial, le Lycée Roland Garros (tiens, encore lui !) ou encore le député Wilfried Bertile qui vote la loi du 30 juin 1983 instaurant le jour férié du 20 décembre pour commémorer l’abolition de l’esclavage et la fin de l’engagisme.

Certes, notre île se rapproche pas à pas de « l’égalité réelle », avec les combats des députés Paul Verges et Claude Hoarau pour l’alignement du Smic sur l’Hexagone, ou encore le combat du député André Thien Ah Koon pour l’accès à tous les Réunionnais aux minimas sociaux, qui permet à tout un chacun de ne pas mourir de faim.

Les Maires également n’économisent pas leurs efforts pour élever l’île et ses habitants au rang qu’ils méritent.

Dans le Sud, Raphaël Babet, maire de Saint-Joseph est à l’origine de l’hôpital de sa ville, tandis que Paul-Alfred Isautier, le maire de Saint-Pierre, fait un don personnel de parcelle privée (un terrain familial) pour la construction de ce qui sera le futur pôle Sud du CHU de la Réunion.

La liste des contributions des uns et des autres serait trop longue et pourrait faire l’objet de plusieurs thèses de recherches, tant notre Histoire est riche, notre patrimoine est dense, et notre Fraternité est belle.

Néanmoins, 75 ans plus tard, des efforts restent à faire en matière de constructions de logements, d’accès aux soins, d’accès à l’emploi, d’ascenseur social. Chacun d’entre nous a vécu une fois dans sa vie une situation d’inégalité ou de discrimination du seul fait d’être ce qu’il est.

Si nous ne prêtons pas garde, tout l’édifice patiemment construit pourrait être détricoté, saucissonné, par des autorités venues d’ailleurs, non-élues, méconnaissant notre culture, sans aucune légitimité du suffrage populaire.

Les suppressions de lits dans les hôpitaux, les réformes de la fonction publique qui ne tiennent pas compte des centres d’intérêts matériels et moraux des ultra-marins, la baisse des dotations aux collectivités et la montée des charges sociales et fiscales pour nos entreprises, avec l’effet ciseaux que cela implique sur notre économie, la paupérisation de nos familles qui voient poindre un retour de la misère.

Toutes ces microfissures risquent à terme de fracturer durablement notre société réunionnaise et détruire en un instant, ce que nos aïeux ont mis des vies entières à construire.

75 ans, ce n’est pas la fin de la vie.
75 ans c’est la 3e jeunesse, prélude à la 4e , voire la 5e jeunesse.
75 ans c’est la fin d’un cycle et le commencement d’un autre.

Nos valeurs réunionnaises nous rappellent qu’il faut écouter nos anciens, et particulièrement la 3e jeunesse, qui a la sagesse de l’expérience et des erreurs du passé.

L’anniversaire des 75 ans de la Départementalisation n’est pas qu’une simple bougie de plus à fêter.
Cet anniversaire est le moment de faire introspection sur les 75 années précédentes et préparer les 75 années suivantes. C’est notre rôle à tous, du plus petit citoyen au plus grand Homme d’État.

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

La Réunion est le département le moins sportif de France

Une étude de l’INSEE révèle que La Réunion est le département français qui pratique le moins d’activité sportive. Seul 50% des Réunionnais pratiquent au moins une activité physique par semaine. Comme partout, le nombre de licenciés est en baisse et les femmes restent minoritaires.