Les conditions de mer vont se dégrader dans les jours à venir, une forte houle est attendue. Mais les bénévoles du sauvetage en mer ne prendront pas la mer aujourd'hui, pour cause de problème de matériel de sécurité. Depuis samedi dernier c'est un état de fait: pas de bénévole de la SNSM sur les vedettes. En cause: des gilets de sauvetage tout neufs reçus vendredi dernier, en urgence, l'envoi précédent ayant été aussi problématique.
C'est une suite de couacs qui amène les "patrons" des vedettes de la SNSM à prendre la grave décision de ne pas mener leurs équipages en mer, depuis trois jours, mettant à mal leur mission de sauvetage, qui leur tient tant à coeur. L'histoire rocambolesque de ces gilets de sauvetage, coûteux et high-tech, commence en mars dernier, date de leur réception à La Réunion. Le siège de la SNSM avait commandé à Survitec, fabricant anglais de matériel de sécurité, 800 000€ de gilets de sauvetage, en remplacement des anciens arrivant en fin de vie fin décembre 2019.
Pour être en conformité avec la législation, les gilets de sauvetage doivent être révisés par des techniciens agréés par leur fabricant, une fois par an. Une étiquette est apposée sur chaque gilet, indiquant sa date de validité. Passée cette date, le gilet est inutilisable, sous peine d'amende, et au risque qu'il ne se déclenche pas correctement (ces gilets se gonflent sous l'effet d'un déclencheur). Le capitaine d'un navire est responsable de la sécurité de son équipage, il doit vérifier que le matériel de sécurité embarqué soit en stricte conformité.
Problème: les gilets tout neufs reçus en mars portaient des étiquettes mentionnant une date de validité à fin septembre. En septembre, les présidents de station ont alerté le délégué départemental de la SNSM François Baquet, qui a fait le lien avec le siège parisien, de l'imminence de la date butoir. Le fabricant anglais Survitec était censé former le distributeur local, la société Unimar, à la révision des gilets. Mais Survitec a rencontré des problèmes de logistique, et fin septembre, les gilets n'étaient pas révisés. Le siège a demandé au fabricant de faire parvenir de nouvelles étiquettes, le temps que Survitec forme les techniciens d'Unimar, repoussant la date de validité des gilets au 30 novembre.
"Il y a urgence"
Les bénévoles ont installé ces nouvelles étiquettes fin septembre, mais, arrivés fin octobre, toujours pas de révision des gilets. Le délégué départemental, dans un mail daté du 24 octobre, écrit au directeur des achats de la SNSM "il y a urgence...Nous ne pourrons pas reporter la date de validité une nouvelle fois avec un nouveau tour de passe-passe.", en référence au changement d'étiquettes. Survitec étant dans l'incapacité de former les techniciens d'Unimar à temps, a envoyé, à ses frais, un second lot de gilets de sauvetages, parvenu vendredi 29 novembre aux trois stations réunionnaises de la SNSM, Sainte-Marie, Saint-Gilles et Saint-Pierre.
Ainsi, 18 nouveaux gilets de sauvetage de remplacement sont arrivés en urgence, un peu trop en urgence, car les sauveteurs ont eu la désagréable surprise de constater que la date de validité de ce nouveau lot se situe en avril 2019! Les présidents de station, les patrons de vedettes et l'ensemble des bénévoles se retrouvent dans l'impasse depuis samedi 30 novembre, date de fin de validité du premier lot de gilets. Le siège de la SNSM a fait parvenir directement du constructeur une "notice of compliance", qui ne rassure pas les bénévoles.
Contacté, le directeur des achats, Benjamin Serfati, nous assurait lundi soir que cette notice certifie que les gilets ont été révisés avant leur envoi, que les étiquettes sont une erreur humaine d'un manutentionnaire de Survitec, et évoque la "loi de Murphy" concernant La Réunion, affirmant que l'île est le seul endroit à avoir rencontré toutes ces difficultés. Il se dit peiné que les bénévoles n'aient pas confiance en le papier reçu, car son équipe s'est "décarcassée" pour les sauveteurs. Des étiquettes nouvelles ont été envoyées en express, qui devraient arriver les jours prochains.
Un problème de gouvernance ?
Ce manque de confiance évident illustre le problème récurrent de la SNSM, un problème de gouvernance. Au téléphone, Benjamin Serfati a d'ailleurs reconnu que le système SNSM est pyramidal. La SNSM est une association loi 1901, mais ses bénévoles ne sont pas adhérents, et n'ont pas accès au processus décisionnaire. Le siège, basé près de l'Opéra, à Paris, gère les formations des sauveteurs, les centres de formation, possède le matériel, bateaux compris, et emploie 79 salariés pour 3,7 millions de masse salariale en 2018. Suite au terrible naufrage des Sables d'Olonne en juin dernier, le sénat a auditionné les dirigeants de la SNSM, ainsi que les bénévoles rescapés du naufrage, dans le cadre d'une mission parlementaire. Le rapport pointe une "fracture entre la base et le sommet", et un modèle "jacobin" qui laisse les sauveteurs "sans voix".
Un bénévole réunionnais nous a conté que les bateaux doivent être entretenus par les stations, avec leurs propres moyens, car le siège verse zéro euro pour le fonctionnement des stations. Les sauveteurs doivent acheter leurs tenues, au siège, ainsi que des produits marketing. De plus, elles doivent envoyer leurs bénévoles (dits canotiers) à leurs frais, en formation en métropole. Par ailleurs, le président de la station de Saint-Gilles, qui s'est mis en retrait suite à ce problème de gilets de sauvetage, goutte d'eau (de mer) qui a fait déborder le vase, n'a plus accès au compte en banque de la station, du fait du montage particulier de l'association SNSM. Un problème de compte en banque rencontré par de nombreuses stations, qui nécessiterait un changement de statut de l'association, une fédération d'associations étant évoquée par les bénévoles.
Les bénévoles se sont réunis hier soir à Saint-Gilles, afin de décider ensemble de l'éventuelle réouverture des stations de sauvetage, sachant que celle de Sainte-Marie est sans vedette depuis plus d'un an et ne reprendra sa mission que vers la mi-janvier. Les patrons et canotiers sont formels, après avoir relu la notice de Survitec: elle ne comporte pas de date de révision. Par ailleurs, ils affirment refuser de coller de nouvelles étiquettes, ainsi les gilets devront-ils être effectivement révisés avant usage. La société Unimar recevra, par visioconférence avec Survitec, la formation quant à la révision des gilets de sauvetage dans le courant de la semaine prochaine. Unimar affirme que, ses techniciens étant en opération à Mayotte, elle ne pourra réviser les gilets qu'à compter de la mi-décembre.
En attendant la révision, les sauveteurs en mer n'acceptant pas de remplacer eux-mêmes des étiquettes dont ils doutent, ainsi que de leur délégué départemental dont beaucoup réclament le départ, il est possible que La Réunion n'ait pas de sauveteurs en mer opérationnels pendant quelque temps encore. Malgré la réponse que nous a donnée lundi par téléphone le Centre de Sécurité des Navires, les stations sont bel et bien fermées jusqu'à nouvel ordre.
C'est une suite de couacs qui amène les "patrons" des vedettes de la SNSM à prendre la grave décision de ne pas mener leurs équipages en mer, depuis trois jours, mettant à mal leur mission de sauvetage, qui leur tient tant à coeur. L'histoire rocambolesque de ces gilets de sauvetage, coûteux et high-tech, commence en mars dernier, date de leur réception à La Réunion. Le siège de la SNSM avait commandé à Survitec, fabricant anglais de matériel de sécurité, 800 000€ de gilets de sauvetage, en remplacement des anciens arrivant en fin de vie fin décembre 2019.
Pour être en conformité avec la législation, les gilets de sauvetage doivent être révisés par des techniciens agréés par leur fabricant, une fois par an. Une étiquette est apposée sur chaque gilet, indiquant sa date de validité. Passée cette date, le gilet est inutilisable, sous peine d'amende, et au risque qu'il ne se déclenche pas correctement (ces gilets se gonflent sous l'effet d'un déclencheur). Le capitaine d'un navire est responsable de la sécurité de son équipage, il doit vérifier que le matériel de sécurité embarqué soit en stricte conformité.
Problème: les gilets tout neufs reçus en mars portaient des étiquettes mentionnant une date de validité à fin septembre. En septembre, les présidents de station ont alerté le délégué départemental de la SNSM François Baquet, qui a fait le lien avec le siège parisien, de l'imminence de la date butoir. Le fabricant anglais Survitec était censé former le distributeur local, la société Unimar, à la révision des gilets. Mais Survitec a rencontré des problèmes de logistique, et fin septembre, les gilets n'étaient pas révisés. Le siège a demandé au fabricant de faire parvenir de nouvelles étiquettes, le temps que Survitec forme les techniciens d'Unimar, repoussant la date de validité des gilets au 30 novembre.
"Il y a urgence"
Les bénévoles ont installé ces nouvelles étiquettes fin septembre, mais, arrivés fin octobre, toujours pas de révision des gilets. Le délégué départemental, dans un mail daté du 24 octobre, écrit au directeur des achats de la SNSM "il y a urgence...Nous ne pourrons pas reporter la date de validité une nouvelle fois avec un nouveau tour de passe-passe.", en référence au changement d'étiquettes. Survitec étant dans l'incapacité de former les techniciens d'Unimar à temps, a envoyé, à ses frais, un second lot de gilets de sauvetages, parvenu vendredi 29 novembre aux trois stations réunionnaises de la SNSM, Sainte-Marie, Saint-Gilles et Saint-Pierre.
Ainsi, 18 nouveaux gilets de sauvetage de remplacement sont arrivés en urgence, un peu trop en urgence, car les sauveteurs ont eu la désagréable surprise de constater que la date de validité de ce nouveau lot se situe en avril 2019! Les présidents de station, les patrons de vedettes et l'ensemble des bénévoles se retrouvent dans l'impasse depuis samedi 30 novembre, date de fin de validité du premier lot de gilets. Le siège de la SNSM a fait parvenir directement du constructeur une "notice of compliance", qui ne rassure pas les bénévoles.
Contacté, le directeur des achats, Benjamin Serfati, nous assurait lundi soir que cette notice certifie que les gilets ont été révisés avant leur envoi, que les étiquettes sont une erreur humaine d'un manutentionnaire de Survitec, et évoque la "loi de Murphy" concernant La Réunion, affirmant que l'île est le seul endroit à avoir rencontré toutes ces difficultés. Il se dit peiné que les bénévoles n'aient pas confiance en le papier reçu, car son équipe s'est "décarcassée" pour les sauveteurs. Des étiquettes nouvelles ont été envoyées en express, qui devraient arriver les jours prochains.
Un problème de gouvernance ?
Ce manque de confiance évident illustre le problème récurrent de la SNSM, un problème de gouvernance. Au téléphone, Benjamin Serfati a d'ailleurs reconnu que le système SNSM est pyramidal. La SNSM est une association loi 1901, mais ses bénévoles ne sont pas adhérents, et n'ont pas accès au processus décisionnaire. Le siège, basé près de l'Opéra, à Paris, gère les formations des sauveteurs, les centres de formation, possède le matériel, bateaux compris, et emploie 79 salariés pour 3,7 millions de masse salariale en 2018. Suite au terrible naufrage des Sables d'Olonne en juin dernier, le sénat a auditionné les dirigeants de la SNSM, ainsi que les bénévoles rescapés du naufrage, dans le cadre d'une mission parlementaire. Le rapport pointe une "fracture entre la base et le sommet", et un modèle "jacobin" qui laisse les sauveteurs "sans voix".
Un bénévole réunionnais nous a conté que les bateaux doivent être entretenus par les stations, avec leurs propres moyens, car le siège verse zéro euro pour le fonctionnement des stations. Les sauveteurs doivent acheter leurs tenues, au siège, ainsi que des produits marketing. De plus, elles doivent envoyer leurs bénévoles (dits canotiers) à leurs frais, en formation en métropole. Par ailleurs, le président de la station de Saint-Gilles, qui s'est mis en retrait suite à ce problème de gilets de sauvetage, goutte d'eau (de mer) qui a fait déborder le vase, n'a plus accès au compte en banque de la station, du fait du montage particulier de l'association SNSM. Un problème de compte en banque rencontré par de nombreuses stations, qui nécessiterait un changement de statut de l'association, une fédération d'associations étant évoquée par les bénévoles.
Les bénévoles se sont réunis hier soir à Saint-Gilles, afin de décider ensemble de l'éventuelle réouverture des stations de sauvetage, sachant que celle de Sainte-Marie est sans vedette depuis plus d'un an et ne reprendra sa mission que vers la mi-janvier. Les patrons et canotiers sont formels, après avoir relu la notice de Survitec: elle ne comporte pas de date de révision. Par ailleurs, ils affirment refuser de coller de nouvelles étiquettes, ainsi les gilets devront-ils être effectivement révisés avant usage. La société Unimar recevra, par visioconférence avec Survitec, la formation quant à la révision des gilets de sauvetage dans le courant de la semaine prochaine. Unimar affirme que, ses techniciens étant en opération à Mayotte, elle ne pourra réviser les gilets qu'à compter de la mi-décembre.
En attendant la révision, les sauveteurs en mer n'acceptant pas de remplacer eux-mêmes des étiquettes dont ils doutent, ainsi que de leur délégué départemental dont beaucoup réclament le départ, il est possible que La Réunion n'ait pas de sauveteurs en mer opérationnels pendant quelque temps encore. Malgré la réponse que nous a donnée lundi par téléphone le Centre de Sécurité des Navires, les stations sont bel et bien fermées jusqu'à nouvel ordre.