La première usine à sucre dont il reste des vestiges est bâtie en 1850, à quelques centaines de mètres de la mer, entre la Caverne des Hirondelles et la rivière des Remparts. Cette usine du Piton ou du Piton Babet, appelée aussi anciennement Saladin, a remplacé une précédente unité de production sucrière (Usine Armanet) détruite par un cyclone. La fabrication du sucre est une activité lucrative pour laquelle seul le problème de la main d’œuvre se pose, l’esclavage venant d’être aboli deux ans plus tôt.
Comme la plupart des terres et des usines de la région, l’usine du Piton est rachetée par Gabriel de Kerveguen en 1890. La cheminée qui se dresse encore aujourd’hui au bout de la rue Auguste Brunet est classée monument historique.
Sa structure est en basalte en pierres de taille et en briques, quelques murs noirs des ateliers qui ont résisté au temps, ont abrité à l’issue de l’époque prospère du sucre, une usine de manioc pour la production de tapioca et enfin une distillerie de vétiver. Cette usine a fermé ses portes en 1942.
La seconde usine est édifiée en 1854 sur la rive de la rivière Langevin par Gabriel de Kerveguen, gros propriétaire et commençant de talent installé dans la région. Elle est construite en pierres taillées et en moellons de basalte. Elle présente quelques murs, quelques marches, des orifices d’alimentation de bois sous les deux cheminées, des vestiges de machines et de tuyaux rouillés. Un canal en maçonnerie en provenance de la rivière proche, encore visible, amenait l’alimentation en eau. C’est une cascade bruyante et fraiche qui se déverse encore directement dans l’usine, qui apportait l’énergie hydroélectrique nécessaire à son fonctionnement.
Les cannes sont amenées à l’usine par des moyens de l’époque, des charrettes étaient tirées par des mules d’Argentine ou des mulets. En cette fin de XIXe siècle, les machines étaient rares. Une fois produit dans les usines, le sucre est transporté par les mêmes moyens, charrettes et dos de bêtes mais aussi à dos d’hommes en contrebas vers les marines de Langevin et de Manapany appartenant également à Gabriel de Kerveguen, qui se charge d’exporter les productions de sucre vers l’Europe, puisqu’il est également armateur. Selon les besoins de la population, soumise à la famine par les guerres et leurs blocus, l’usine de Langevin se transformera elle aussi en féculerie.
Au début du XXe siècle, les héritiers de Gabriel de Kerveguen la transforment en corderie d’aloès avant de quitter l’île. L’usine sera alors laissée à l’abandon. Les cheminées de l’usine de Langevin sont classées monuments historiques.
Une autre sucrerie semble-t-il construite bien avant celles de Langevin et du Piton, se trouve représentée en 1847, par Antoine Roussin dans l’album de La Réunion. La sucrerie de Manapany n’a laissé que peu de vestiges à moins que ce soit celles qui dominent le débarcadère et le four à chaux.
La chaux produite à partir de coraux, servait aussi bien à la construction de bâtiments qu’à la clarification du jus de canne étape précédant la cuite et la cristallisation du sucre.
En plus de l’industrialisation, la culture et la production sucrière ont profondément modifié les moyens de communications de la région. Cependant les chemins caillouteux, continuellement en réparation, les ponts fragiles emportés à chaque cyclone, ne facilitaient pas les échanges commerciaux entre cette ville de l’extrême Sud et le reste de l’île. En plus de ces difficultés, en 1863 le borer apparait, détruisant de grandes étendues de cannes à sucre. A la fin du XIXe siècle, la livraison du port de Saint-Pierre et de celui de la Pointe es Galets ne pouvaient être intéressants pour le développement économique de Saint-Joseph puisque la voie ferrée s’arrêtait à Saint-Pierre. Alors Saint-Joseph ne fabrique plus de sucre, la canne est transportée jusqu’à Grand Bois à quelques kilomètres.
Les méthodes archaïques de fabrication du sucre ont progressivement évoluées. D’après Lindsay Lincoln : « L’équipement d’extraction du jus, les appareils d’épuration et de cristallisation sont maintenant (en 1985) contrôlés d’un poste central et grâce aux micro-processeurs et à l’informatique… » Cette adaptation coûteuse a laissé plusieurs planteurs sur le bord de la route, ne privilégiant qu’un petit nombre d’entre eux. Aujourd’hui deux groupes sucriers assurent le fonctionnement de deux usines, Le Gol et Bois Rouge, qui broient toute la production de cannes de l’île.
Sources :
– Le Patrimoine Des Communes De La Réunion Collectif – Editeur : Flohic 2000
– Témoins architecturaux et mécaniques de l’industrie sucrière à La Réunion – Amicale du personnel de la culture à La Réunion – Imp.Cazal 1985