Comme nous vous l'annoncions dès jeudi matin, le directeur général délégué de la SODIAC a été viré après que Gilbert Annette ait découvert l'ampleur du désastre financier qui guettait la SEM de la mairie de Saint-Denis dans les jours à venir.
La colère du maire de Saint-Denis était d'autant plus justifiée qu'aussi bien Philippe Naillet, le PDG de la société, que le directeur général délégué, lui avaient jusque là soigneusement caché la gravité des faits.
Suite à notre article du 23 janvier dernier (SODIAC : Un rapport qui dérange et un striptease qui détonne), le maire de Saint-Denis avait demandé des explications aux deux dirigeants de la SEM municipale et ce qu'il a découvert en fin de semaine dernière l'a à tel point terrifié qu'il a immédiatement pris deux décisions : virer séance tenante le directeur général délégué, et vendre la SODIAC à CDC Habitat, une filiale de la Caisse des Dépôts, accentuant ainsi au passage la main mise de cette dernière sur l'habitat social à La Réunion, après le rachat de la SIDR, d'Apavou et de la SEMADER. Après avoir échoué à mettre la main sur la SEDRE.
Il faut dire que la situation était grave et nécessitait une réponse urgente : la SODIAC était en effet dans l'impossibilité de rembourser un prêt de 7 millions d'euros à la Caisse de Dépôts et Consignations, prêt qui arrivait à échéance à la fin du mois. Sans compter qu'au total, ce sont près de 30 millions de prêts qu'elle allait avoir à rembourser d'ici la fin de l'année.
Le duo Naillet/directeur général comptait sans doute, une fois de plus, dissimuler aux administrateurs, et donc à la mairie, les difficultés de la SEM en procédant comme nous l'avions révélé dès le mois de janvier, à de la cavalerie, en déclarant comme démarrés des chantiers qui ne l'étaient pas, ce qui permettait à la SODIAC de toucher les subventions de démarrage de chantier, argent qui lui servait à rembourser les emprunts passés.
Cette carabistouille, totalement illégale, avait parfaitement fonctionné jusque là mais n'avait pas échappé aux yeux des experts de l'ANCOLS (Agence Nationale de contrôle du Logement Social), qui avaient dénoncé la manoeuvre dans un rapport que nous avions évoqué.
Deux choses sont étonnantes à ce stade du récit :
D'abord, comment se fait-il que les experts de la Caisse des Dépôts et Consignations, qui siègent au conseil d'administration de la SODIAC en tant qu'actionnaires, n'aient rien vu. C'est tellement énorme que seules deux hypothèses sont possibles : soit ces hauts fonctionnaires considéraient leurs déplacements à La Réunion comme des vacances et ne se donnaient même pas la peine d'étudier leurs dossiers, ce qui serait assez étonnant. Soit ils avaient parfaitement découvert le pot aux roses et ont laissé faire le duo Naillet/Pitou, sachant que ça aboutirait inéluctablement à une vente de la SODIAC à leur filiale CDC Habitat.
Autre incongruité : comment la SODIAC, avec l'accord de Gilbert Annette, a-t-elle pu payer 56.000€ de prime de départ au directeur général ? Chiffre reconnu finalement par Philippe Naillet dans une interview au Quotidien. Quand un salarié commet de telles fautes, il est viré comme un malpropre pour fautes graves, sans aucune indemnité. Pourquoi alors lui avoir malgré tout versé une telle somme ? Seule explication : pour acheter son silence...
Pourquoi Philippe Naillet n'a-t-il pas été viré en même temps que Pitou ?
Mais il est une autre question incontournable : comment se fait-il que seul le directeur ait été viré ?
Rappelons comment fonctionne la SODIAC : la société est une SEM avec un statut copié sur celui des SA (sociétés anonymes) et elle était gérée par un PDG, Philippe Naillet, qui touche pour cela un salaire mensuel de 3.500€ et par un directeur général délégué, avec un salaire de plus de 9.000€ par mois.
Dans une telle organisation, le PDG est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société et dispose ainsi du pouvoir de décision et d’action au nom de la société. Et lorsqu'il choisit de nommer un directeur général délégué, les pouvoirs de ce dernier sont fixés par le conseil d’administration en accord avec le PDG. Le directeur général délégué dispose à l’égard des tiers des mêmes pouvoirs que le PDG.
Les textes sont donc clairs : le PDG conserve l'intégralité de ses pouvoirs, même s'il les a délégués et qu'il les partage avec un directeur.
Ce qui signifie que Philippe Naillet est tout autant responsable que le directeur des dérives de la SODIAC. D'autant que c'est lui qui a choisi ce dernier à ce poste. Il lui faisait une totale confiance et l'a protégé jusqu'au bout, même quand ce dernier refusait de transmettre à la mairie les documents que le DGS réclamait.
Au vu de tous ces faits, il est très étonnant que Gilbert Annette ait maintenu Philippe Naillet à son poste. Il aurait logiquement dû subir le même sort que son protégé.
Au bilan des deux hommes, un déficit de plusieurs millions qui a abouti à la perte par la mairie de la propriété de ses 4.000 logements sociaux qui vont être bradés à la CDC Habitat.
Des emplois à la limite du fictif pour certains
Mais pour bien comprendre ce dossier, il faut aussi prendre en compte les raisons pour lesquelles Gilbert Annette a choisi ce type d'organisation.
Comme certains lecteurs l'ont fait remarquer, beaucoup des SEM de la mairie de Saint-Denis ont été créées avant l'arrivée de Gilbert Annette au pouvoir. Mais c'est lui qui a décidé de créer ces postes de PDG rémunérés, très proches dans certains cas d'emplois fictifs.
En attribuant à sa garde rapprochée des postes de PDG (Philippe Naillet à la SODIAC, Jacques Lowinsky à la SODIPARC, François Javel à la NORDEV, René-Louis Pestel à la Cité des Arts, et tout dernièrement Audrey Belim à la tête d'OPE, une nouvelle SEM sur l'éducation, Gilbert Annette souhaitait leur offrir un complément de salaire de plusieurs milliers d'euros par mois, tout en sachant que le travail réellement effectué par certains était loin de mériter un tel salaire.
Dans l'esprit du maire de Saint-Denis, c'était plus une prime pour leurs activités générales d'élus qu'un salaire correspondant à une véritable fonction au sein des SEM. Pour Gilbert Annette, les PDG ne sont là, pour la plupart, que pour toucher les indemnités et signer quelques papiers, le véritable travail étant effectué par les directeurs délégués. Qui étaient d'ailleurs grassement payés pour ça.
Les PDG sont totalement responsables
Sauf qu'il y a une différence énorme entre la volonté du maire de Saint-Denis et les rigueurs du Droit. En cas de problème, les PDG sont totalement responsables.
Le risque est faible de voir une SEM faire faillite, les collectivités actionnaires étant en général toujours là pour combler les déficits... avec l'argent des contribuables. On n'a souvenir que d'une SEM, Dionysport, à l'époque dirigée par Alain Couderc, un autre proche de Gilbert Annette, à avoir fermé en laissant au passage un passif de plusieurs centaines de milliers d'euros... Passif épongé par les contribuables dionysiens.
Reste que rien n'empêche le procureur de diligenter une enquête pour déterminer si les faits de cavalerie dénoncés par l'ANCOLS constituent des faits répréhensibles ou pas. Et si la réponse était positive, la responsabilité de Philippe Naillet serait pleinement engagée.
Au passage, il pourrait aussi vérifier si les salaires touchés par les PDG correspondent à une véritable activité ou s'ils s'apparentent davantage à des emplois fictifs. On risquerait fort d'avoir quelques surprises...
En octobre 2015 déjà, nous dénoncions ce système dans un article intitulé "Grâce aux SEM, certains élus gagnent plus de 7.000€ par mois... Et parfois encore plus... ".
La colère du maire de Saint-Denis était d'autant plus justifiée qu'aussi bien Philippe Naillet, le PDG de la société, que le directeur général délégué, lui avaient jusque là soigneusement caché la gravité des faits.
Suite à notre article du 23 janvier dernier (SODIAC : Un rapport qui dérange et un striptease qui détonne), le maire de Saint-Denis avait demandé des explications aux deux dirigeants de la SEM municipale et ce qu'il a découvert en fin de semaine dernière l'a à tel point terrifié qu'il a immédiatement pris deux décisions : virer séance tenante le directeur général délégué, et vendre la SODIAC à CDC Habitat, une filiale de la Caisse des Dépôts, accentuant ainsi au passage la main mise de cette dernière sur l'habitat social à La Réunion, après le rachat de la SIDR, d'Apavou et de la SEMADER. Après avoir échoué à mettre la main sur la SEDRE.
Il faut dire que la situation était grave et nécessitait une réponse urgente : la SODIAC était en effet dans l'impossibilité de rembourser un prêt de 7 millions d'euros à la Caisse de Dépôts et Consignations, prêt qui arrivait à échéance à la fin du mois. Sans compter qu'au total, ce sont près de 30 millions de prêts qu'elle allait avoir à rembourser d'ici la fin de l'année.
Le duo Naillet/directeur général comptait sans doute, une fois de plus, dissimuler aux administrateurs, et donc à la mairie, les difficultés de la SEM en procédant comme nous l'avions révélé dès le mois de janvier, à de la cavalerie, en déclarant comme démarrés des chantiers qui ne l'étaient pas, ce qui permettait à la SODIAC de toucher les subventions de démarrage de chantier, argent qui lui servait à rembourser les emprunts passés.
Cette carabistouille, totalement illégale, avait parfaitement fonctionné jusque là mais n'avait pas échappé aux yeux des experts de l'ANCOLS (Agence Nationale de contrôle du Logement Social), qui avaient dénoncé la manoeuvre dans un rapport que nous avions évoqué.
Deux choses sont étonnantes à ce stade du récit :
D'abord, comment se fait-il que les experts de la Caisse des Dépôts et Consignations, qui siègent au conseil d'administration de la SODIAC en tant qu'actionnaires, n'aient rien vu. C'est tellement énorme que seules deux hypothèses sont possibles : soit ces hauts fonctionnaires considéraient leurs déplacements à La Réunion comme des vacances et ne se donnaient même pas la peine d'étudier leurs dossiers, ce qui serait assez étonnant. Soit ils avaient parfaitement découvert le pot aux roses et ont laissé faire le duo Naillet/Pitou, sachant que ça aboutirait inéluctablement à une vente de la SODIAC à leur filiale CDC Habitat.
Autre incongruité : comment la SODIAC, avec l'accord de Gilbert Annette, a-t-elle pu payer 56.000€ de prime de départ au directeur général ? Chiffre reconnu finalement par Philippe Naillet dans une interview au Quotidien. Quand un salarié commet de telles fautes, il est viré comme un malpropre pour fautes graves, sans aucune indemnité. Pourquoi alors lui avoir malgré tout versé une telle somme ? Seule explication : pour acheter son silence...
Pourquoi Philippe Naillet n'a-t-il pas été viré en même temps que Pitou ?
Mais il est une autre question incontournable : comment se fait-il que seul le directeur ait été viré ?
Rappelons comment fonctionne la SODIAC : la société est une SEM avec un statut copié sur celui des SA (sociétés anonymes) et elle était gérée par un PDG, Philippe Naillet, qui touche pour cela un salaire mensuel de 3.500€ et par un directeur général délégué, avec un salaire de plus de 9.000€ par mois.
Dans une telle organisation, le PDG est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société et dispose ainsi du pouvoir de décision et d’action au nom de la société. Et lorsqu'il choisit de nommer un directeur général délégué, les pouvoirs de ce dernier sont fixés par le conseil d’administration en accord avec le PDG. Le directeur général délégué dispose à l’égard des tiers des mêmes pouvoirs que le PDG.
Les textes sont donc clairs : le PDG conserve l'intégralité de ses pouvoirs, même s'il les a délégués et qu'il les partage avec un directeur.
Ce qui signifie que Philippe Naillet est tout autant responsable que le directeur des dérives de la SODIAC. D'autant que c'est lui qui a choisi ce dernier à ce poste. Il lui faisait une totale confiance et l'a protégé jusqu'au bout, même quand ce dernier refusait de transmettre à la mairie les documents que le DGS réclamait.
Au vu de tous ces faits, il est très étonnant que Gilbert Annette ait maintenu Philippe Naillet à son poste. Il aurait logiquement dû subir le même sort que son protégé.
Au bilan des deux hommes, un déficit de plusieurs millions qui a abouti à la perte par la mairie de la propriété de ses 4.000 logements sociaux qui vont être bradés à la CDC Habitat.
Des emplois à la limite du fictif pour certains
Mais pour bien comprendre ce dossier, il faut aussi prendre en compte les raisons pour lesquelles Gilbert Annette a choisi ce type d'organisation.
Comme certains lecteurs l'ont fait remarquer, beaucoup des SEM de la mairie de Saint-Denis ont été créées avant l'arrivée de Gilbert Annette au pouvoir. Mais c'est lui qui a décidé de créer ces postes de PDG rémunérés, très proches dans certains cas d'emplois fictifs.
En attribuant à sa garde rapprochée des postes de PDG (Philippe Naillet à la SODIAC, Jacques Lowinsky à la SODIPARC, François Javel à la NORDEV, René-Louis Pestel à la Cité des Arts, et tout dernièrement Audrey Belim à la tête d'OPE, une nouvelle SEM sur l'éducation, Gilbert Annette souhaitait leur offrir un complément de salaire de plusieurs milliers d'euros par mois, tout en sachant que le travail réellement effectué par certains était loin de mériter un tel salaire.
Dans l'esprit du maire de Saint-Denis, c'était plus une prime pour leurs activités générales d'élus qu'un salaire correspondant à une véritable fonction au sein des SEM. Pour Gilbert Annette, les PDG ne sont là, pour la plupart, que pour toucher les indemnités et signer quelques papiers, le véritable travail étant effectué par les directeurs délégués. Qui étaient d'ailleurs grassement payés pour ça.
Les PDG sont totalement responsables
Sauf qu'il y a une différence énorme entre la volonté du maire de Saint-Denis et les rigueurs du Droit. En cas de problème, les PDG sont totalement responsables.
Le risque est faible de voir une SEM faire faillite, les collectivités actionnaires étant en général toujours là pour combler les déficits... avec l'argent des contribuables. On n'a souvenir que d'une SEM, Dionysport, à l'époque dirigée par Alain Couderc, un autre proche de Gilbert Annette, à avoir fermé en laissant au passage un passif de plusieurs centaines de milliers d'euros... Passif épongé par les contribuables dionysiens.
Reste que rien n'empêche le procureur de diligenter une enquête pour déterminer si les faits de cavalerie dénoncés par l'ANCOLS constituent des faits répréhensibles ou pas. Et si la réponse était positive, la responsabilité de Philippe Naillet serait pleinement engagée.
Au passage, il pourrait aussi vérifier si les salaires touchés par les PDG correspondent à une véritable activité ou s'ils s'apparentent davantage à des emplois fictifs. On risquerait fort d'avoir quelques surprises...
En octobre 2015 déjà, nous dénoncions ce système dans un article intitulé "Grâce aux SEM, certains élus gagnent plus de 7.000€ par mois... Et parfois encore plus... ".