Drôle de parcours que celui de L.H., 35 ans, natif de Thonon-les-Bains. Et sacré palmarès aussi.
Les 4, 5, 6 et 7 septembre 2017, dans le quartier de Boissy, près de l’hôpital de Terre-Sainte, il a, excusez du peu : incendié 10 hectares de cannes, cramé une Corsa, incendié 1ha1/2 plus loin, plus 1.000m2 à quelques pas de là, fichu le feu à quelques hectares de cannes coupées, détruit le système d’incendie d’un autre champ à côté et causé quelques naissances d’incendies divers ici ou là, toujours dans le même coin. Pas moins de 7 propriétaires victimes et quelque 15 hectares, en gros, à son tableau de chasse.
Pour en finir avec l’esclavage !
Il s’est fait gauler pour une raison stupide, à savoir qu’il a été vu par l’épouse et le fils d’une de ses victimes alors qu’il sortait d’un chemin de terre, sabre à cannes en main et grand panache de fumée dans son dos. Il venait de commettre un nouveau forfait et pour se remonter le moral, tenait des propos décousus sur l’esclavage.
Vite serré par les gendarmes, L.H. ne fait aucune difficulté pour reconnaître les faits. C’est sur les explications qu’il fournit que ça coince sévère.
D’abord, ce marginal habitant dans une manière de carcasse de fourgonnette vaguement aménagée, se dit harcelé par ses voisins qui ne l’aiment pas. D’ailleurs, ils ont empoisonné les clébards qui le suivaient comme son ombre et tué les quelques volailles qu’il tentait d’élever autour de son galetas.
Deuxièmement, il a voulu attirer l’attention des autorités sur sa situation de SDF. Là, c’est réussi.
Puis, lui SDF, s’estime persécuté par tout le monde, surtout par la Police municipale. Laquelle voudrait bien le voir intégrer un Centre d’accueil. C’est fait pour, mais lui préfère son van, son souk serait plus approprié.
Enfin, et c’est là que la surprise des enquêteurs se mue en une perplexité à côté de laquelle les questionnements d’Hamlet ne sont que bricoles dénuées d’intérêt, L.H. affirme avoir voulu marquer, par un acte symbolique fort, l’esclavage auquel sont soumis les coupeurs de cannes, exploités et sous-payés par les propriétaires d’exploitations cannières.
Il ne lui est jamais venu à l’esprit (mais en parlant d’esprit… hum !) que du même coup, il privait de leur maigre salaire ces mêmes travailleurs qu’il prétend défendre.
Rendu fou par sa maman ?
Il se sent si peu responsable de quoi que ce soit qu’il s’est débrouillé, on se demande bien comment, pour mettre quelques photos de ses exploits de pyromane sur FB.
Le sabre ? Pour se défendre « akoz voisin i aim pas lu ».
Durant leur enquête, les gendarmes vont interroger la mère de ce singulier personnage. Dont les aveux surprennent un brin…
L.H. aurait une enfance heureuse ; il lui est même arrivé d’être le premier de sa classe. C’est au lycée que sa « folie » aurait commencé à se manifester, sous diverses formes. Dans l’espoir de le calmer, sa maman aurait alors, à l’insu de son fils, glissé quelques gouttes d’une potion magique dans son café, chaque matin.
Cette posologie maladroite n’a fait qu’empirer l’état mental de L.H. Selon la maman, il serait carrément devenu fou.
Il quitte le lycée, erre un peu partout en France, descend vers l’Afrique, se trouve à Madagascar qu’il parcourt dans tous les sens. Puis, lui-même ne sait plus comment, se retrouve chez nous. SDF. Il a cherché du boulot, c’est prouvé, mais…
L.H. réfute la qualification de fou qu’on lui accole si volontiers : c’est sa mère qui lui a déglingué l’esprit, dans l’espoir de le faire passer pour un demeuré ! Assertions jamais prouvées. Ni réfutées par la science. Bref… une histoire de oufs !
L’hôpital psy n’est pas un nid de coucous !
Pour les différents psy qui ont eu à l’examiner, l’affaire est entendue : L.H. est psychotique grave, schizophrène confirmé, psychopathe militant, parano convaincu ; le tout en raison d’une ancienne maladie peu ou pas du tout soignée (la potion magique maternelle ?)
Toutefois, si son discernement est altéré (il le serait à moins), le caractère intentionnel des incendies est évident et la dangerosité du prévenu patente. Prévenu qui n’était d’ailleurs pas à l’audience, hospitalisé en cellule psychiatrique « avancée » à Saint-Pierre. Le rayon « C », celui des professeurs Samovar en puissance (inside joke pour bédétistes ayant la mémoire longue).
Se défendant de « faire le procès d’un marginal mais celui d’un incendiaire », le Procureur Genet n’a pas voulu enfoncer une personne victime d’une maladie psychique grave. Et de requérir une contrainte pénale de 3 ans avec obligation de soins en unité spécialisée.
L’avocate de L.H., Me Boucher, a parlé du désespoir total du bonhomme en se disant satisfaite du réquisitoire de M. Martin Genet.
Le tribunal présidé par Corinne Peinaud a rapporté cette peine à 2 ans de contrainte… sinon 18 mois de gnouf pour non observance des soins.