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Route des Tamarins: la mort à 17 ans! Ou: le procès de la connerie

Correctionnelle Sud – Mardi 21-02-2017

Ecrit par Jules Bénard – le mardi 21 février 2017 à 16H03

Il y a des endroits du circuit routier de l’île qui sont plus noirs que d’autres, plus « accidentogènes », c’est le néologisme à la mode. Ainsi la portion de 4-voies passant au large de Saint-André, le Boulevard Lancastel, la 4-voies à la Possession, la route de Cilaos, celle des Tamarins…

Théoriquement, la route de Cilaos est la plus dangereuse et, paradoxalement, celle où il y a moins d’accidents de toute l’île. Pourquoi? Parce que les gens roulent la trouille au ventre, donc font gaffe. Ailleurs, il y a toujours des petits malins pour se croire plus malins, justement. Et dire : « Mi cours plus vite in l’auto, moin ! »

Qui est fautif, en fait ?

C’est le raisonnement qu’a dû se tenir Cédric, 17 ans, sur la Route des Tamarins, le 26 janvier 2016 à 20 heures et quelques…Mais est-il seul fautif en cause?

Cette nuit-là, à 20 heures, Jacky, 26 ans, ayant travaillé toute la journée à Saint-Joseph, est d’abord allé à Saint-Gilles récupérer des copains avant de revenir vers Saint-Leu. Et là, plus personne n’y comprend rien, pas plus nous que la présidente Tomasini qui n’a pourtant ménagé ses efforts ni son temps pour essayer d’en savoir plus. Peine perdue, les réponses des uns et des autres baignent dans un flou très peu artistique.

C’est quoi, une BAU ?

Dans cette affaire, PERSONNE n’a bu ni n’a de casier judiciaire. On a affaire à des gens comme vous et moi. Enfin… presque.

Il ressort de l’enquête et des débats que Jacky a un besoin urgent d’une paire de chaussures se trouvant chez une copine dont le fils est justement à bord.Quelle urgence, direz-vous? Bonne question… qui restera sans réponse, comme toutes les autres.

Sur la 4-voies, à la hauteur de la ravine des Poux à Saint-Leu, Jacky arrête sa voiture sur ce que les panneaux routiers appellent poétiquement « BAU », Bande d’arrête d’urgence. Là, il demande à Cédric, son copain et passager de 17 ans, d’aller d’urgence (encore) chercher la paire de grolles chez sa maman.
Le drame se noue comme une enquête de Poirot.

Mais que fait-il là ?

La maison à la paire de chaussures est de l’autre côté, côté montagne par rapport à la 4-voies. Cédric emprunte pour ce faire un raidillon en terre courant SOUS la route des Tamarins, sage précaution.

Mission accomplie, il réapparaît avec la paire litigieuse, la lance à Jacky, du MILIEU de la barrière centrale (mais que fait-il là ?) et puis tourne casaque. Et tente de repartir côté montagne en passant directement SUR la 4-voies! Un de ses copains, qui était dans la voiture, tente de l’empêcher de commettre cette folie, mais n’y parvient pas.
Cédric est happé par un 4×4 qui le lance au diable-vauvert avant qu’il ne soit écrasé par un autre véhicule qui n’a rien vu venir ni rien pu éviter.

« Mi conné pas moin ! »

Le seul accusé de l’affaire était Jacky, accusé de mise en danger de la vie d’autrui et de franchissement de bande continue.
« Pourquoi a-t-il franchi la barrière de sécurité ? insiste la présidente Tomasini.
– Mi connais pas. Moin té dans la voiture ». Il en sera ainsi pour tous les témoins de cette triste aventure ayant coûté la vie à un jeune de 17 ans.

Personne ne sait rien, personne ne comprend rien, personne n’a rien vu. Sinon Kévin qui a vu son pote se faire happer puis écraser par des voitures. Une image qui, il faut le craindre, lui restera longtemps gravée dans les neurones.

« Quelques minutes de survie ! »

L’affaire, résumée, est simple: le jeune garçon a d’abord été prudent en empruntant le sentier SOUS la 4-voies, puis a été suicidaire en passant SUR la 4-voies. 
Vous y comprenez quelque chose, vous ? Moi… je renonce.

« Peut-être a-t-il voulu aller plus vite ?  » suggère son ami Kévin.
Mais pourquoi pas la 1è fois alors ?

Jacky, qui avoue savoir le danger qu’il y a à s’arrêter sur une 4-voies, a tenté de s’affranchir des responsabilités : il a incité les autres à dire qu’il n’y était pour rien. A la barre, d’ailleurs, il s’enferre, mieux qu’un tilapia dans des zins, avec des logorrhées n’ayant aucun rapport avec l’affaire. Pour noyer le poisson.

Me Motais, voix toujours ferme malgré le grand âge, a évoqué pour la partie civile « la peine, l’émotion, l’horreur d’une famille anéantie », avant de réclamer 50 000 euros de dommages-intérêts.

Le procureur Bernard a eu du mal à contenir son émotion en arguant que la vérité est souvent difficile à établir dans un accident de la route « mais que là, il est le seul responsable en s’arrêtant  au mépris des règles essentielles de sécurité ». Avec une phrase saisissante :« Il s’arrête là où un piéton n’a que quelques minutes de survie ! »

La tâche du défendeur, Me Ova, était d’emblée impossible. La présidente Tomasini a remis sa décision au 4 avril prochain.
 

 

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