Noor Olivier Bassand, président de l’association de consommateurs Roul Pa Nou, comparaissait ce vendredi devant le tribunal correctionnel de Saint-Denis pour abus de confiance. Le célèbre acteur associatif était aussi mis en cause pour « abus des biens ou du crédit d’une société par un gérant à des fins personnelles ».
Lors de cette audience, il apparait que les sommes concernées par cette affaire sont difficiles à établir. Si les enquêteurs ont estimé le préjudice à presque 100 000€, la défense du prévenu estime au contraire qu’elles sont largement sur-estimées. En effet, l’absence de comptabilité de l’association rend complètement aléatoire le moindre calcul. Président de l’association depuis 2012, Noor Olivier Bassand s’était octroyé la charge des espèces. Les chèques, eux, étaient encaissés par l’association.
« Vous avez frauduleusement pris de l’argent pour payer votre loyer »
De plus, Noor Olivier Bassand avait en 2018 créé une SAS dans le domaine du conseil. C’est là que cela se corse. L’enquête met en exergue que des versements transitent de l’association vers la société de conseil. Noor Olivier Bassand explique à la présidente qu’il s’agit des remboursements de loyers que la SAS aurait avancées à l’association. Mais les baux concernés sont au nom de Noor Olivier Bassand et non de la SAS. « Vous avez frauduleusement pris de l’argent pour payer votre loyer », tance la juge ; « c’est vrai que je n’ai pas fait les choses dans les règles » ,répond le prévenu. « Vous n’êtes pas là pour des maladresses mais pour des détournements de fonds« , insiste la magistrate.
Tout au long de l’audience, la crédibilité de Noor Olivier Bassand apparait ébranlée par les réponses lunaires qu’il apporte au tribunal qui se base sur les relevés de dépenses. Au rayon des espèces reçues et difficilement traçables, Noor Olivier Bassand a une explication : « Elles ont été dépensées je crois, pour acheter des trucs, du papier ou envoyer des recommandés pour les gens ». 7650€ seront par ailleurs retrouvés à son domicile lors de la perquisition. Entre temps, l’association a changé de président mais les témoignages l’attestent, c’est toujours lui qui gère.
« On me reproche de voler aux pauvres pour m’enrichir »
« Ces espèces je les ai gardées depuis 2014, je ne les ai jamais touchées. Robin des bois volait aux riches pour donner aux pauvres, on me reproche de voler aux pauvres pour m’enrichir. Je conteste l’estimation des enquêteurs », s’agace le prévenu. Pour résumer, Noor Olivier Bassand percevait des loyers de l’association via sa SAS sous forme de cote part dans des appartements qui étaient à son nom. Il estime qu’il était normal d’agir ainsi puisqu’il recevait les adhérents de Roul Pas Nou à son domicile, l’association n’ayant pas de bail à son nom.
« Que de retournements de situation alors que les choses sont relativement simples », s’exclame le parquet. « On ne saisit pas bien le rôle de ces deux entités l’une envers l’autre. Roul Pas Nou ne répond à aucune norme, rien n’est déclaré ! Il n’y a aucune règle de bon fonctionnement d’une association. Pour la SAS, on se pose beaucoup de questions. Pourquoi l’avoir créée ? Il n’y a jamais eu de liasses fiscales déposées (…) Il se sert de la SAS pour payer son loyer personnel. C’est lui le lien entre les deux entités. Comment la SAS a pu percevoir autant d’argent ? Cet argent a servi à Mr Bassand, c’est lui qui reçoit les personnes et les sommes en liquide », requiert le parquet qui demande 1 an de prison ferme aménageable.
« Pour tout le monde Roul Pas Nou est Noor Olivier Bassand et vice versa »
La défense se veut pragmatique lors de sa plaidoirie : « Pour tout le monde, Roul Pas Nou est Noor Olivier Bassand et vice versa : tous les liens sont étroits entre eux, c’est devenu sa chose. Il est coupable de négligence à mon sens. Le contexte est important car il n’avait pas l’intention de s’enrichir. Il n’y a rien d’extraordinaire dans sa vie ni sur ses comptes ! Il vit dans des conditions très modestes et l’enquête occulte un tant soit peu sa personnalité. Une expertise aurait pu nous éclairer sur une certaine phobie administrative. C’est une vraie pathologie chez mon client. Nous sommes plus dans la pathologie que dans la volonté de s’enrichir. Je n’ai pas l’impression qu’il ait percuté sur ce qu’il s’est passé aujourd’hui ! »
Après une matinée d’audience, le jugement a été rendu dans la foulée. Noor Olivier Bassand est condamné à 18 mois dont 8 mois de sursis probatoire avec aménagement de peine avec bracelet, interdiction de gérer une entreprise ou une association pour 5 ans et 10.000 euros d’amende.
Une condamnation proche des réquisitions. Une heure plus tôt en effet, vers 12H30, le procureur avait requis un an de prison ferme, aménageable, une amende de 10.000 euros et une interdiction de gérer pendant 5 ans. Une sanction forte requise au regard d’une ancienne condamnation du prévenu même si le terme de récidive ne peut pas être employé vingt ans après. Noor Olivier Bassand avait été condamné pour les mêmes faits en 2001.
La « phobie administrative »
Les faits incriminés se seraient déroulés entre mars 2014 et juin 2020. Noor Olivier Bassand, bien connu comme président de Roul pa nou était aussi gérant d’une société de conseil. Il lui était reproché d’avoir fait transiter l’argent de l’association via sa SAS pour payer des loyers. Des loyers de locaux qu’il utilisait pour son association mais dont le bail était à son nom. L’autre problème qui a été abordé est que Roul pa nou n’a jamais fait l’objet d’une tenue administrative de son fonctionnement, au travers d’assemblées générales par exemple. Il était aussi reproché au président, dans le fonctionnement de l’association, d’avoir géré tout l’argent des adhésions versé en espèces.
La question qui était posée ce jour aux juges était donc de tenter de déterminer si ces fonds étaient destinés à des fins personnelles ou réellement au bénéfice de l’association. Le prévenu a quant à lui suivi une défense originale : celle de la « phobie administrative », un peu l’avait mise en avant l’ancien secrétaire d’Etat Thomas Thévenoud.
C’est en juin 2020 que Noor Olivier Bassand avait été interpellé par les policiers sur son lieu de travail, au Département, où il travaillait au cabinet de Cyrille Melchior. Suite à un contentieux exposé par l’un des adhérents de l’association, le parquet de Saint-Denis avait été mis sur la piste d’un possible conflit d’intérêts entre l’association et le compte personnel du président. Des soupçons se portaient également sur la nature du paiement exigé avant l’ouverture d’un dossier chez Roul Pa Nou.
Noor Olivier Bassand avait été maintenu 48 heures en garde à vue, avant d’être relâché. Le parquet avait alors annoncé la poursuite de l’enquête.