Aujourd’hui c’était la confrontation indispensable à la procédure. Il fallait réunir Mélanie dans le bureau du juge d’instruction avec son tortionnaire, et raconter à nouveau en sa présence ce qu’il lui avait fait. Elle connaissait depuis trois mois la date de cette épreuve qu’elle redoutait atrocement. La voyant arriver avec une angoisse qui souvent la réveillait la nuit. Serrant la main de l’avocate que le département lui a désignée pour la défendre, faisant tout pour ne pas croiser le regard de l’autre, il a bien fallu entrer dans la fosse aux lions.
« Alors, comment ça s’est passé ?
• Dur, très dur. Cela a duré deux heures, où il a fallu raconter tous les viols, décrire les endroits, les circonstances.
• Et la petite ?
• Collée derrière moi, elle n’a pas cessé de sangloter pendant les deux heures, sans lâcher ma main qu’elle broyait consciencieusement. La pauvre petite mère s’en est excusée après ainsi que d’avoir trempé ma robe. J’ai pu la faire sourire.
• Et maintenant ?
• C’est un peu le trou noir, car ayant 16 ans elle ne peut plus rester en foyer. Il faut donc lui trouver un hébergement en semi-autonome, il n’y a guère de place et sa référente qui devrait s’en occuper est en congé maternité. Elle avait fait une première année de CAP de coiffure qui s’était très bien passée. Mais le problème pour accéder à la deuxième année, c’est qu’il faut savoir où elle va habiter, et comment le coût sera pris en charge. Il y en a quand même pour 7000 € ! Et la prise en charge par le Conseil Général n’est pas assurée car les budgets sont complètement à marée basse. »
Ce genre de séquence, pour ceux qui s’occupent de la protection de l’enfance, c’est tous les jours. 70 % des violences que subissent les enfants ont un caractère sexuel, le reste étant des violences physiques. Et ce n’est pas du misérabilisme que de décrire ce qui se passe sur le front, et ce que font ceux qui essaient de le tenir, avec souvent, pour les assistantes sociales en particulier, un dévouement sans bornes. Et de dire leur chagrin de ne plus être là que pour colmater.
Et je ne m’essaierai pas à leur répondre qu’il faut penser printemps, que Jupiter se préoccupe tellement de la misère que lui et Madame ont reçu à l’Élysée en grande pompe un certain Bono pour « lutter contre la misère dans le monde », et dans une même grande pompe la chanteuse Rihanna pour parler de « la protection des enfants ». Pendant que les petits valets de Bercy asphyxient les institutions qui ont en charge le social. Je risquerais d’être mal reçu.
Emmanuel Macron et son épouse ne savent même pas que l’ASE existe et il ne leur viendrait pas à l’idée, plutôt que de recevoir des saltimbanques douteux, d’aller faire un saut sur le terrain.
Entre Mélanie et Rihanna, les Macron ont choisi Rihanna. Ce n’est pas autre chose qu’un choix politique.
NB: L’histoire de Mélanie est vraie. Son prénom, les lieux et certains détails ont été modifiés. La confrontation s’est bien déroulée le 25 juillet 2017.
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