Longue séance de débats pour les conseillers régionaux, réunis ce jeudi 2 novembre 2017 en assemblée plénière à l’Hôtel de Région Pierre-Lagourgue. Les sujets principaux de cette session étaient constitués par le débat d’orientations budgétaires 2018, adopté à l’unanimité par la majorité, l’intégration de la Région Réunion au GIP-IRC et le projet de décision modificative n°2 du Budget 2017. Une séance plénière marquée par ailleurs par la création de deux nouveaux groupes politiques à la Pyramide inversée, éparpillant encore plus l’opposition : celui de la République en marche et de La Réunion en Marche.
Ces deux nouveaux groupes d’opposition sont menés respectivement par Jean Gaël Anda, Léopoldine Settama et Monique Bénard d’une part, et les LPA « historiques » que sont Michel Dennemont et Karine Nabenesa d’autre part.
En introduction, les élus régionaux ont attiré l’attention du gouvernement sur les efforts fournis par les collectivités territoriales pour l’assainissement de dépenses publiques. La collectivité régionale demande à l’Etat « une intervention urgente et appropriée » afin de différencier les investissements d’avenir par rapport au budget de fonctionnement.
Au cours de cette séance, le groupe La Réunion en Marche, mené par Karine Nabénésa, et suivi par les autres groupes d’opposition, a appelé les élus présents dans l’hémicycle au vote d’une motion contre les violences faites aux femmes. Un débat qui a vite dévié sur les publications du samedi « sexistes et misogynes » du directeur général du Journal de l’île, Jacques Tillier.
Les deux millions accordés au JIR passent mal pour l’opposition
Pour Karine Nabénésa, épinglée à plusieurs reprises dans l’édito du samedi, cette motion ne sert pas à aller « à l’encontre de la liberté de la presse ». « Vous êtes libres mais respectez-nous », a lancé la conseillère régionale à destination de la presse locale.
Léopoldine Settama, elle, s’en est prise à la subvention de la Région à destination du média, d’un montant de 2 millions d’euros, « qui a servi à payer les dettes sociales alors que dans le même temps, plusieurs chefs d’entreprises sont liquidés tous les mercredis ».
Les critiques contre le JIR ont même fusé de la part de la majorité et de Nassimah Dindar, montrant un peu plus la fracture entre la future ex-présidente du conseil départemental et Didier Robert.
Si pour la sénatrice nouvellement élue, qui a fait l’objet de plusieurs enquêtes sur son patrimoine de la part du média, « quand on présente dans un journal les mêmes personnes chaque semaine, on peut parler de harcèlement ». La locataire du Palais de la Source « s’interroge » sur l’utilisation de l’argent public : « Derrière cette main, il y a des intérêts financiers (…) Je suis partie demander au président de Région des informations. Jusqu’où va aller ce jeu ? Est-ce que nous nous étions bien assurés de la légalité de la procédure ? ». Tout en appelant Didier Robert à s’exprimer à ce sujet, elle ajoute : « Si je suis soupçonnée de ne pas avoir payé ma maison, la justice est là pour faire les comptes. Nous sommes dans un état de droit. Si le débat est aujourd’hui posé, c’est qu’il y a eu de l’argent public mis en jeu ».
Prenant la suite de sa seconde vice-présidente, Didier Robert a réagi sur la motion présentée par l’opposition et « qui a amené beaucoup de passions » ce matin. S’il dénonce « évidemment toute forme de sexisme et de violences physiques et verbales à l’encontre des femmes », il se montre néanmoins critique sur le second volet de cette motion, qui déplore -entre autre- l’attribution de la fameuse subvention à destination du JIR.
« La presse est libre »
Pour le locataire de la Pyramide inversée, un cadre légal existe au niveau national et régional permettant « à l’Etat, aux intercommunalités, aux départements et aux mairies de soutenir la presse dans ce pays ». « C’est la première fois que la Région Réunion intervient à ce niveau auprès d’un organe de presse qui risquait la liquidation, d’où le vote en commission permanente à l’unanimité d’une aide au JIR à hauteur de 2 millions d’euros », tient-il à souligner.
En ce qui concerne la demande de subvention du Quotidien, « le dossier sera évidemment présenté en commission sectorielle et permanente », ajoute Didier Robert. Dernière remarque faite par le président de Région, à destination de Nassimah Dindar cette fois ci : « il est de votre point de vue de penser que la collectivité régionale ou son président pourrait intervenir sur la ligne éditoriale d’un journal. Je ne le ferais jamais. La presse est libre et ce principe de liberté de la presse est un des éléments constitutifs de notre démocratie », tient-il à rappeler. Pour lui, les « attaques » portées contre l’éditorialiste en chef du JIR « appartiennent à chacun d’entre vous », mais si la demande formulée « serait d’intervenir pour qu’il y ait une attitude bienveillante sous prétexte que la Région a versé 2 millions d’euros, vous ne pourrez pas compter sur moi et l’amalgame fait dans cette motion va loin et je pense que chacun doit mesurer ce qu’il dit ». « Je ne pense pas que cette assemblée soit le lieu d’un procès fait à la presse ou à un organe de presse en particulier. Il existe pour cela d’autres voix de recours. La collectivité et son président n’interviendront d’aucune manière et les journalistes sont libres d’écrire ce qu’ils pensent, sans aller bien sûr jusqu’à la diffamation », conclut-il à ce sujet.
Un « pacte spécifique » de cohérence de politique publique entre la Région et l’Etat
Passée cette mise au point, c’est le président de Région en personne qui a présenté les perspectives budgétaires de la collectivité, « placées sous les contraintes budgétaires ». Après un rappel du manque à gagner de la Région auprès de l’Etat, « entre 18 et 19 millions d’euros sur les trois derniers exercices », Didier Robert s’est malgré tout montré positif quant à l’avenir financier et aux investissements que la collectivité entend mener. Il se base pour cela sur le dernier rapport de la Cour des comptes publié en octobre 2017, et qui souligne la situation « saine » de la collectivité régionale, qui bénéficie d’une épargne brute « positive » et d’une capacité de désendettement de 8,7 années.
Les investissements devraient atteindre 580 millions d’euros pour 2018 : 300 millions sur la NRL et 280 millions dans les autres domaines. Pour l’exercice 2018, le budget de fonctionnement de la collectivité « ne bougera pas » (40%), tout comme la part d’investissement (60%). « Nous allons engager nos services à présenter un certain nombre de dossier dans le cadre des programmes d’investissements, en particulier, le dossier du monorail », assure Didier Robert, qui souhaite par ailleurs proposer d’engager avec l’Etat un « pacte spécifique » de cohérence de politique publique. « Nous continuerons à soutenir la commande publique (…) et nous maintiendrons nos efforts en faveur de la continuité territoriale, de l’apprentissage, du Pacte des entreprises citoyennes ou encore du dispositif Erasmus Océan Indien », ajoute la collectivité régionale.
Pour terminer, Didier Robert tient à préciser qu’il y a eu « incontestablement des avancées remarquables », aussi bien au niveau de l’Europe que de l’Etat. Il cite pour exemple la dernière conférence des régions ultrapériphériques (RUP) qui s’est déroulée la semaine dernière en Guyane, « qui a permis à la Commission européenne de rappeler l’importance de la cohérence de la politique publique ». « Les Régions ultrapériphériques vont pouvoir travailler ensemble mais aussi sur des projets qui nous concernent directement », glisse-t-il en guise de conclusion.