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“Reconnaissance éternelle à la République qui vous a fait libre”.

Ces mots sont ceux de Joseph Napoléon Sébastien SARDA, dit Sarda Garriga, commissaire général de la République, venu annoncer l’abolition de l’esclavage aux Bourbonnais, le 20 décembre 1848 à Saint-Denis. En cette fin d’année 2010, ils nous sont rappelés par Mohammed AISSAOUI, auteur de “L’affaire de l’esclave Furcy” qui opposa deux visions du monde. D’une part, celle de la philosophie des Lumières proclamant que tous les hommes naissent libres et égaux en droit, inspirant la déclaration universelle des droits de l’Homme et du citoyen et appuyant la démarche inédite de Furcy. De l’autre, celle de la société coloniale qui justifiait par des raisons économiques l’exploitation de l’homme par l’homme.

Ecrit par Hugues MAILLOT – le dimanche 19 décembre 2010 à 07H48

Dans cet essai, récompensé par le prix Renaudot, ce rappel intervient comme une conclusion, celle qui sera apportée à l’histoire de l’esclavage en France en 1848, à la faveur du rétablissement de la République.

Le dénouement du procès de Furcy, le 23 décembre 1843 devant la cour de cassation à Paris, est un des signes précurseurs de la fin obligée d’un régime insupportable. Il est aussi le résultat du soutien acharné apporté à la cause de cet esclave par des hommes convaincus de la vocation de la France à incarner la liberté.

Ainsi, à Saint-Denis, au tribunal de première instance, en novembre 1817, et devant la cour d’appel, en février 1818, comme à Paris, devant la cour de cassation en 1843, les défenseurs successifs de Furcy (Gilbert BOUCHER, procureur général de Bourbon, et les avocats Godart DESAPONAY et Edouard THUREAU) n’auront de cesse de rappeler qu’il est un fait constant dans le droit français que “nul n’est esclave en France”.

Il s’agit alors de la seule France continentale, et non de ses colonies, celle par laquelle Madeleine, la mère de Furcy, transite trois ans, sans être déclarée comme esclave, faisant d’elle et de ses futurs enfants, de ce simple fait, des personnes libres.

En face de ces hommes épris de justice, se dressaient les représentants de la société coloniale, les familles LORY et DESBASSAYNS, effrayées par les idées portées par Gilbert BOUCHER, celui qui “vient de France”, et dont la mise en application pourrait avoir comme conséquence “la destruction du système colonial”.

Cette opposition au droit national au nom de la défense des intérêts locaux est une constante dans l’histoire de La Réunion. Politiquement, elle a été portée tant par la droite que par la gauche. Elle a freiné l’abolition de l’esclavage, le processus de départementalisation et l’égalité sociale. Elle a été le fondement de la revendication de l’autonomie. Elle reste le prétexte à des demandes de tous ordres mettant en avant les spécificités locales. Elle se nourrit des difficultés que peut rencontrer la nation a remplir ses obligations morales et politiques. Elle cherche dans la crise et les errements conjoncturels de l’action gouvernementale les raisons de justifier une différenciation pérenne du droit.

Pour autant, l’Histoire montre aussi que cette opposition ne résiste jamais à l’aspiration du plus grand nombre à la liberté et au progrès apportés par la droit français. Parce que la vocation de la France dans le monde est de défendre la liberté et le progrès. Parce que la France a proclamé la République pour appliquer ses principes à elle même. Parce que le lien entre La Réunion à la France est de nature filiale et non coloniale.

Le déroulement de l’affaire Furcy et son issue positive, alors que l’esclavage n’est pas encore aboli, démontrent la force de ce lien et l’esprit de fraternité qui réunit les Français et les Bourbonnais. L’abolition de l’esclavage puis, moins d’un siècle plus tard, la départementalisation ont consacré juridiquement cette fraternité, par l’égalité des droits.

Bien entendu, cette égalité des droits ne règle pas tout et n’assure pas de facto l’égalité des chances et des parcours. On ne gomme pas en seulement 64 ans les marques laissées par l’histoire coloniale. La loi n’a pas le pouvoir de modifier la géographie, l’insularité et l’éloignement qui la caractérisent.

Cependant, la sécurité sociale et l’éducation apportés par la départementalisation ont rapproché les conditions de vie entre La Réunion et la France continentale. Les progrès techniques ont réduit le handicap de la distance et de l’isolement et La Réunion n’a jamais été aussi physiquement proche de l’Hexagone.

La crise ne peut être le prétexte à une remise en cause, même sournoise, des liens tissés par l’Histoire. Elle doit être au contraire le ressort de la mobilisation des Réunionnais, de leur participation active au redressement national. Les voies de cette participation peuvent être débattues et on peut être en désaccord avec les moyens proposés ou arrêtés par le Gouvernement. Surtout quand ils remettent en cause les principes fondamentaux de la République. Mais l’objectif à atteindre lui ne saurait être remis en cause.

Il s’agit de contribuer à donner à la France les moyens de rester fidèle à elle même. Car cette fidélité, aujourd’hui comme en 1848 et en 1946, et sans doute encore plus du fait de la mondialisation des échanges et de ses conséquences économiques, sociales et culturelles, est la condition même de notre prospérité et de notre liberté.

Hugues MAILLOT

 

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