– Vous ne sortez pas satisfait des deux jours de procès de Cédric Raminaguin. Que retenez-vous?
Je ressens de l’incompréhension par rapport à la qualification du crime. En mars 2018, c’était un meurtre. Mais à cause d’une erreur ou un manque de temps ou de moyens du médecin légiste, on est passé à la qualification de violences. Vu qu’il n’a pas pu relier les coups de flexible au traumatisme crânien qui a tué mon père, le doute a profité à l’accusé.
Pour moi, un homme est entré chez mon père, l’a frappé avec une arme et il en est mort. C’était logique. Mais le médecin légiste n’a pas pu faire de corrélation entre les coups de flexible et le traumatisme crânien. Ils ont gardé le corps pendant trois jours et les trois fractures à la tête sont restées inexpliquées.
Et devant le tribunal, le médecin légiste affirme que ce n’est pas son rôle de déterminer les circonstances de la mort ? Moi ça me choque. C’est son métier.
Aujourd’hui, ce meurtre passe pour une simple altercation. Alors que l’accusé est entré sur sa propriété en appelant mon père avant de l’agresser. Ce n’est pas la faute à pas de chance. J’ai l’impression qu’on a été dépossédé de la vérité.
J’aimerais prévenir d’autres familles qu’il faut faire attention à tout dès le début. En arrivant devant la cour criminelle avec une qualification de violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner, c’était perdu d’avance.
Et pendant ces deux jours de procès, je suis resté assis sur ma chaise à écouter que celui qui a tué mon père est une bonne personne, un travailleur. Des centaines de milliers de personnes à La Réunion se réveillent tous les matins pour aller travailler. Ça leur donne le droit de tuer quelqu’un ? C’est pour cela qu’un bon père de famille, pour moi, ce n’est pas ça. C’est quelqu’un qui réfléchit avant de faire une bêtise et partir en prison. Moi je pense à mon enfant avant de faire quoi que ce soit.
Celui qui a tué mon père n’est pas un homme bien.
– Vous évoquez un rapport malsain à la terre pour certains agriculteurs. Comment l’expliquer?
À La Réunion, qu’il s’agisse de terrains agricoles ou non, je vois des familles qui se déchirent pour des histoires de terre. C’est trop souvent la terre avant la famille. Mais la seule terre qu’on aura à terme est la place qu’on aura pour un cercueil.
Notre voisin voulait montrer quelle parcelle lui appartenait jusqu’au dernier centimètre, même si c’était en friche. Monter son fils contre nous pour des histoires de terre, alors qu’il a un jeune enfant, ce n’est pas normal.
– Que pouvez-vous nous dire de votre père, Aldo Dennemont?
Deux voisins ont donné leur témoignage sur mon père pendant le procès, disant qu’il pouvait avoir des paroles blessantes. Ce qui peut arriver quand on est attaqué et que l’on se défend. Pourquoi ne pas avoir demandé à la population de Saint-Leu qui disait que c’était quelqu’un de bien ? Ou à l’ancien maire de Saint-Leu qui a voulu mettre cet homme apprécié sur sa liste électorale ? Comme tout le monde, mon papa avait ses défauts mais il ne méritait pas de mourir comme ça.
C’était un bon vivant, et sa corpulence le montrait. Il aimait bien manger, cuisiner mais aussi aller danser tous les dimanches. Il passait des demi-journées dans les champs de canne, aimait blaguer devant la boutique où il achetait son journal. En tant que conseiller municipal, il devait trouver des solutions pour les habitants et ça, il adorait.
Malheureusement, la dernière image de lui que j’ai, c’est son visage tuméfié, en grande souffrance, alors qu’il est dans mes bras. Quand ma fille demandera de quoi il est mort, je ne pourrai que dire que c’est de la bêtise humaine. Et lorsqu’elle me demandera ce que j’ai fait pour lui, je lui dirai que j’ai fait tout mon possible.