Le rapport provisoire mettait en évidence la constitution d’un duopole Carrefour/Leclerc. Les deux enseignes totalisent à elles seules deux tiers du marché, avec en tête Carrefour (du groupe GBH) atteignant 36 à 39% de part de marché, devant Leclerc qui atteint entre 27 et 29% de part de marché. Le troisième acteur, U, n’atteint que 14 à 16% de part de marché.
Le rapport définitif confirme aujourd’hui cette situation de forte concentration clairement défavorable au pluralisme concurrentiel de la grande distribution locale. L’OPMR déplore un bouleversement profond du secteur avec une croissance forte et inattendue du marché de la distribution généraliste.
L’OPMR ajoute que GBH a pu renforcer son emprise sur l’économie de La Réunion avec une croissance de plus de 151% de son chiffre d’affaires en 3% et représentera cette année près de 45% de toutes les dépenses de consommation courantes des ménages réunionnais.
GBH qui gère l’enseigne Carrefour possède une filiale dans la production, mais contrôle aussi Super Cash qui fournit les petits commerçants. Le cabinet de conseil engagé par l’OPMR a constaté des prix de vente plus importants que ceux pratiqués auprès du grand public. Les gérants de petits magasins se retrouvent donc à s’approvisionner directement chez Carrefour.
Cette concentration des marchés présente des risques concernant les prix et la diversité de l‘offre. La situation des fournisseurs locaux se fragilise. Les producteurs, importateurs et prestataires locaux se retrouvent plus fortement dépendants deux acteurs majeurs qui représentent ensemble deux tiers du marché, (et ce, malgré les engagements comportementaux pris par le groupe GBH pour protéger les fournisseurs locaux lors du rachat. Aucun n’a demandé à se prévaloir).
La situation actuelle de la grande distribution sur l’île impacte directement l’économie et les consommateurs locaux. Le rapport présente des scénarios probables à moyen et court terme comprenant la disparition d’un ou plusieurs acteurs qui viendrait renforcer les acteurs du duopole, de sérieux risques de défaillance de certains producteurs locaux, l’insuffisance de diversité et de profondeur de l’offre, et la hausse des prix dans les secteurs de la grande distribution généraliste et spécialisée, menant à un déséquilibre général de l’économie de l’île.
L’OPMR déplore notamment une situation de dépendance économique des acteurs de la production et des fournisseurs locaux. Il y a aussi des conséquences dans les pratiques observées chez GBH, comme des discriminations de fournisseurs ou favorisation de marques contrôlées par sa filiale.
Pour lutter contre cette concentration, l’OPMR fait part d’une série de propositions car le duopole est installé et se trouve dans « une spirale de concentration« . Le cabinet de conseil engagé par l’observatoire recommande une modification du code du commerce spécifique à l’Outre-Mer qui limiterait les parts de marché des acteurs dans tous les secteurs à 25%. Une autre disposition proposée est d’interdire les organisations verticales : l’impossibilité pour un acteur d’être producteur et vendeur. Le cabinet explique qu’il faut aussi envisager un moratoire des grandes surfaces et que l’installation de nouveaux acteurs soient limités à des surfaces de moins de 1.500 mètres carré. Une dernière proposition est la création d’une autorité de la concurrence locale qui prendrait en compte les spécificités de l’île.
La présidente de la Région ainsi que deux députés de La Réunion ont assisté à l’assemblée générale de l’OPMR. Jean-Hugues Ratenon et Frédéric Maillot ont indiqué vouloir prendre des mesures pour qu’une commission soit mise en place afin de travailler au niveau législatif pour intervenir sur le marché de la grande distribution dans l’île.
Christophe Girardier, responsable du cabinet Bolonyocte Consulting, explique que le duopole Carrefour/Leclerc est installé qu’un rachat actuellement discuté avec avec le groupe mauricien IBL pourrait, selon les options choisies, se terminer comme l’aventure tentée par Make Distribution qui se retrouve aujourd’hui en grande difficulté et doit revendre ses parts.