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Quelques luttes idéologiques dans les sciences du vivant

L’histoire des idées et des sciences de la vie confirme régulièrement une dialectique de confrontation entre protagonistes qui s’opposent. On peut se demander si leurs motivations, par certains côtés, ne devraient pas faire l’objet d‘un questionnement élucidé par des psychologues, tant le vivant est complexe, l’erreur grande et l’humilité devrait être de mise.   Ces […]

Ecrit par Frédéric-Paulus – le lundi 16 janvier 2023 à 09H06

L’histoire des idées et des sciences de la vie confirme régulièrement une dialectique de confrontation entre protagonistes qui s’opposent. On peut se demander si leurs motivations, par certains côtés, ne devraient pas faire l’objet d‘un questionnement élucidé par des psychologues, tant le vivant est complexe, l’erreur grande et l’humilité devrait être de mise.
 
Ces oppositions, très souvent sectaires, s’avèrent navrantes avec le recul du temps, surtout si l’on considère qu’elles auront porté sur l’étude de l’émergence des processus vitaux et de leur valeur signifiante dans le sens où ces derniers influencent les sciences du vivant. Et c’est d’autant plus affligeant qu’elles sous-tendent deux valeurs essentielles, la SANTÉ et l’ÉDUCATION. Faudra-il attendre jusqu’à l’obsolescence des idées qui auront triomphé en morcelant le sujet humain pour envisager d’autres réalités ?
 
Nous devrons comprendre comment nos conceptions de la santé peuvent souffrir de ces clivages et luttes idéologiques qui auront structuré les sciences du vivant et peut être la médecine.

Le cloisonnement des chercheurs et de leurs disciplines

En ce qui me concerne, j’ai fait l’expérience implicitement de ces luttes ou clivages lors des soutenances de mes deux thèses, l’une pour l’obtention d’un doctorat de sociologie en 1987 qui suggérait « de percevoir la sensibilité du bébé différemment et l’approche des parentalités sans attitudes normalisatrices »,  l’autre pour un doctorat de psychologie ancrée dans « l’Évolution selon DARWIN » en 2000, par le prisme des rêves et de certains délires dits « de possession ».

Pour la soutenance de la première, j’avais soumis l’idée d’inviter le Professeur Henri LABORIT (1914-1995) dont les travaux constituaient le socle de mes réflexions. Cette invitation ne fut pas du goût de mon directeur de thèse, Claude VEIL, psychiatre de formation.

Il en alla de même, en 2000, pour ma thèse de psychologie qui cherchera à trier le bon grain de l’ivraie entre FREUD et JUNG aux regards des neurosciences. Mon souhait se portait sur l’invitation du chercheur en neurosciences Francisco VARELA (1947-2001). Celui-ci m’avait conseillé, pour cette thèse, sur les questions d’autopoïèse au niveau neuronal et de processus enactif lors des rêves ou des cauchemars.

Mon directeur de thèse, Pierre FEDIDA (1934-2002), philosophe de formation et psychanalyste (se référant grandement à Freud et méconnaissant les subtils apports de Jung), me fit part de sa désapprobation et s’opposa à l’invitation de VARELA : « Il va vous faire de l’ombre ! ». Cette remarque, témoignant d’une attitude semblable à celle de mon directeur de thèse de 1987, m’apparaît en 2023 comme symptomatique d’une sorte d’anomie cognitive reflétant une intolérance vis à vis de la  pulsion potentiellement imaginative d’un doctorant. L’anthropologue Cornelius CASTORIADIS (1922-1997), (comme d’ailleurs le philosophe Edgard MORIN…) a signalé les contours de ces « arbitraires de la pensée » dans son ouvrage « L’institutionnalisation imaginaire de la Société ». Ces contradictions cloisonnent les sciences et les chercheurs au profit de « chapelles ».

Un ami, l’épistémologue Jean-Paul BAQUIAST, m’avait fait remarquer que Pierre FEDIDA avait publié un article polémique d’une page dans la revue « La Recherche » de mars 2000 intitulé : « Le canular de la neuro-psychanalyse », alors que celle-ci constituait la question de fond de ma thèse qui recherchait à relever déductivement et comparativement, au regard des neurosciences, la scientificité des démarches freudienne et  jungienne.

Aujourd’hui, avec la publication de l’ouvrage : « Et si les Beatles n’étaient pas nés ? » – Éditions de Minuit, 2022, Pierre BAYARD, Professeur de littérature comparée à Paris 8 – le principe de la présence d’opposants lorsque de nouvelles configurations culturelles ou idéologiques émergent est un fait. Celles-ci peuvent mettre en présence deux camps : les progressistes – créatifs (dont je pense faire partie), et les conservateurs – conventionnels (comme ces deux directeurs de thèse).

Nouveautés dans les sciences et batailles d’égos

De ces oppositions, Pierre BAYARD le relève dans son ouvrage, sortiraient très souvent « un vainqueur et un vaincu». C’est ainsi que les KINGS, plus créatifs et armés musicalement, se sont vu supplantés par les BEATLES qui eurent eux l’opportunité de bénéficier d’une direction artistique plus éclairée. « On s’obstine, dit-il, à porter aux nues les auteurs de chefs-d’œuvre, sans prendre la mesure des dégâts qu’ils provoquent. Ils relèguent en effet d’autres créateurs dans l’obscurité, imposent des canons arbitraires à notre sensibilité et déforment notre regard sur le passé ».

Ainsi, Pierre BAYARD passe en revue 12 études dont par exemple celles de Louis PASTEUR (1822-1895) qui aurait occulté Antoine BECHAMP, (1816- 1908) ; de Sigmund FREUD (1856-1939) qui aurait dédaigné les travaux de Pierre JANET (1859-1947), etc. Pierre BAYARD aura oublié l’environnement de FREUD, notamment Wilhelm REICH (1897-1957) et Alfred ADLER (1870-1937), ou encore et plus particulièrement, selon nos critères, le psychanalyste Carl Gustav JUNG (1875-1961), et tous anciens collègues.

Historiquement, il serait utile et particulièrement significatif d’évoquer deux alternatives dans l’histoire des sciences du vivant qui firent immanquablement un  vainqueur et un vaincu. Prenons l’exemple des travaux d’Antonio DAMASIO qui désavoue René DESCARTES  pour donner raison à SPINOZA, (voir le lien Web (1)). « Je pense donc je suis » devient « Je suis donc je pense » et l’inconvénient avec DAMASIO c’est que « le Dieu de DESCARTES » disparaît. Nous verrons qu’avec Carl Gustav JUNG réapparaît « l’idée subjective de DIEU ». Rappelons que le père de JUNG était pasteur et que le psychanalyste suisse était conscient des fonctions psychiques des croyances et des religions.

Prenons encore les premiers protagonistes dans l’évolution du vivant que furent Jean-Baptiste LAMARCK (1744-1829) et Charles DARWIN (1809-1882) né 50 ans après. Le premier fut relégué à un rang mineur dans l’évolution des sciences du vivant. Il fut négligé, voire méprisé par DARWIN, alors que de nos jours, ils nous semblent complémentaires.

Repenser le vitalisme – Réhabiliter le sensualisme

Nos autres protagonistes seront Paul Joseph BATHEZ (1734-1806) et Claude BERNARD (1813-1878). Le premier (et son école dite « de Montpellier », du fait de la première faculté de médecine de France installée là) développa le principe d’une force vitale (le vitalisme) dans la transformation du vivant (que nous défendrons ultérieurement). Ces travaux furent vivement critiqués par le second qui aura imposé une vision matérialiste physico-chimique du vivant. Ces critiques s’inscrivaient dans la continuité du discrédit cartésien du sensualisme de John LOCKE (1632-1704) en Angleterre et l’abbé de CONDILLAC (1714-1780) en France. Cette « force » se ressent par le ressenti et l’éprouvé, elle fut considérée comme relevant de données « subjectives ». Vitalisme et sensualisme sont de nos jours à ré-envisager urgemment,(2), compte tenu de la crise de l’hôpital et de la médecine, ce que nous verrons aussi plus tard : Crise de l’hôpital ou crise de la médecine ?

« Une nouvelle logique du vivant » par Rosine CHANDEBOIS

Enfin, dans un prochain courrier, nous aborderons la position qu’occupe la Professeure de Biologie Rosine CHANDEBOIS (du fait de sa spécialité d’embryologiste) qui se sera opposé à Jacques MONOD et François JACOB. Le désaccord profond aura porté en ceci : « Est-ce la cellule, unité physiologique de base, qui est aux ordres de la molécule d’ADN (darwiniens) ou l’inverse (Rosine CHANDEBOIS) ? ». « Autrement dit, ou bien chaque cellule est aux ordres de ses gènes, ou bien les cellules en tirent les moyens d’interpréter les informations qu’elles échangent et dont leur cytoplasme conserve la mémoire », page 157 en conclusin de l’ouvrage : « L’embryon cet inconnu », (3). Celui-ci et son développement seraient à ré-envisager RADICALEMENT.

Rosine CHANDEBOIS remet en cause également darwinisme et néo-darwinisme (4) dans leur prétention à l’hégémonie scientifique. Du fait de sa spécialité d’embryologiste, elle accède à des processus vitaux ignorés par les observateurs et théoriciens du vivant post-darwinien. Elle préconise une théorie « cybernétique de l’Évolution », en réalité une nouvelle logique du vivant, sorte de réponse, voulue ou non, à François JACOB et à son livre paru quelques années plus tôt, « La logique du vivant ».

Je serais honoré de populariser ses travaux sur l’île de La Réunion. Et ce, tout en établissant des connections avec l’approche de la bio-psycho-sociologie des comportements humains selon Henri LABORIT et les arcanes de l’inconscient, lesquels échappent aux sciences expérimentales en laboratoire selon les hypothèses du psychanalyste Carl Gustav JUNG.

Référence :

  • Frédéric Paulus,17/10/2018 : https://www.temoignages.re/chroniques/di-sak-na-pou-di/professeur-de-neurosciences-de-neurologie-de-psychologie-de-philosophie-antonio-damasio,94152
  • Pascal Nouvel sous le dir, Repnser le vitalisme, PUF, 2011.
  • Rosine Chandebois, L’Embryon, cet inconnu, L’Age d’Homme, 2003.
  • Rosine Chandebois, Pour en finir avec le darwinisme, Une nouvelle logique du vivant, Ed L’Harmattan, -1993 – 2010

Frédéric Paulus, Directeur du CEVOI (Centre d’Etudes du Vivant de l’Océan Indiden).
Expert extérieur au Haut Conseil de Santé Publique

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