Depuis plusieurs années, un virage liberticide est amorcé en matière de droits et libertés, particulièrement en ce qui concerne le principe de liberté de conscience dans notre pays. Dans un contexte marqué par des crises successives (guerre humaine, spirale inflationniste, problématique écologique ou encore crise Covid qui n’en finit plus), des épiphénomènes médiatiques sont montés en épingle et accentués, afin de donner l’impression d’un caractère anxiogène à la vie de la cité. Dans ces circonstances, un principe est sans cesse brandi, mis en lumière pour justifier les coups de griffes donnés au semblant de cohésion sociale qui subsiste encore ici et ailleurs.
Ce "sacro-saint", nommé laïcité, est érigé en symbole identitaire par certaines alternances politiques et apparaît de plus en plus comme l'un des avatars utilisés pour justifier les estocades portées à ce qui nous fait Nation. La notion exploitée fait office de diversion mais aussi de paravent des différents échecs, année après année, tant sur les plans politique, économique et social qu’environnemental. Le durcissement de son acception au fil du temps n'est devenu que le pendant d'un régime autoritaire, devenu bien trop attentatoire aux libertés individuelles. Le totem laïcité est aujourd’hui employé à toutes les sauces.
Une certaine frange de l'intelligentsia française l’a d’ailleurs bien saisi et a joué de toute sa théâtralité possible auprès d’une partie de la population, sous couvert d’enjeu civilisationnel. Ne nous y trompons pas, car son évocation n’est que l’illustration du sport de combat préféré du politique pour masquer une certaine faiblesse dans les réponses apportées aux enjeux les plus importants actuellement de la société.
Ces gesticulations ne contribuent qu’à trahir profondément l'essence, l'idée même de laïcité avec pour devenir proche une "athéisation" de la pensée commune et de la manifestation religieuse dans la sphère publique. Cela participe d’une politique menée voulant traduire l'image rétive que les religions ne sont que des entraves à la liberté des esprits de sorte qu'il faudrait les passer au carcan. Or, une libération forcée n’a de sens que si elle n’est pas imposée et consentie. Elle contredit de facto l’une des composantes même de la laïcité et va par nature échouer auprès d’un grand nombre de concitoyens qui ne se retrouveront pas dans ces basses vilenies.
Est-ce alors cette société qui est rêvée pour les générations futures ?
Celle d’une invisibilité d’autrui dans l’objectif d'effacer tout stigmate d'une appartenance culturelle ou cultuelle, d’une visibilité de la foi pour le citoyen croyant (par le port d’un signe religieux distinctif par exemple tel que kippa, voile, turban, qamis, abaya, etc.) ou d'une quelconque distinction dans l'espace public ? Une société aseptisée à toute manifestation ou présence religieuse qui chercherait à étendre la neutralité à la population tout entière ? La bascule vers une logique de conscientisation des esprits où chacun serait sous le diktat de la "violence légitime" serait alors très proche.
Cette option n’est donc pas à consacrer par la loi. Pire, elle contreviendrait même à la Convention européenne des Droits de l’Homme en son article 9 dont la France est tributaire et in extenso au préambule de la Constitution de 1958.
« Manifester sa présence et sa singularité est un acte de citoyenneté ». (H. Arendt)
D’aucune façon, les libertés publiques ne devraient être restreintes au nom de la laïcité. Porter un foulard, demander la construction d’un temple, consommer kasher, c’est manifester sa présence en public, c’est être acteur, citoyen actif et intégré de la société. Se rendre visible, c’est assumer sa singularité dans la société d’accueil. Seul l’ordre public doit faire arbitrage ici a fortiori. Mais peu de prescripteurs d’opinion semblent réaliser la méconnaissance profonde de la laïcité que traduisent leurs propos mais aussi leur possible dangerosité pour sa pérennité. Dénoncer les idées fausses autour de la laïcité devient alors un acte de citoyenneté puisqu’une conception renversée et tronquée gagne du terrain dans les idées. Elle cherche avec une certaine prégnance à aseptiser la visibilité de toute forme "étrangère", ou qui en serait le reflet égaré - par connotation ou par supposition à leurs yeux - dans l’espace public. N’en demeurerait dès lors qu’une version édulcorée et vidée du principe : celle de ne pas croire ou de croire seulement en son for intérieur. Tout ceci ne représente pourtant pas ce que le pays dans son histoire d'hier, d’aujourd’hui - et désirons le demain - a de plus beau à offrir et à partager. Car le principe ainsi cristallisé n'a jamais été et ne sera jamais dans l'esprit de ses pères législateurs synonyme de confinement de la présence de soi dans la sphère intime.
La laïcité offre encore de nos jours beaucoup plus d'amplitude que ce que certains veulent lui faire dire. Militer pour le retour, le réapprentissage d'une laïcité porteuse de son essence, célébrant le vivre-ensemble, reconnaissant la diversité de la patrie, celle voulue par A. Buisson et F. Briand, refusant d'être instrumentalisée même si durement acceptée, c'est bien celle-ci la conception libérale et triomphale de la laïcité. Une notion explicitée et mieux formulée, refusant les extrêmes des laïcistes et laïcards de tous bords, aspirant à une égalité de traitement de tous devant la loi, sous le patronage des pouvoirs publics. A l’opposé, elle n’ambitionne pas une vision étriquée et falsifiée de certains intellectuels, sujette aux aléas des passions populaires, "électoralisée" par divers courants politiques. Le principe n’a nul besoin d'être adjectivé si ce n'est de retrouver sa portée d'antan, tant sa définition dispose d'un champ extensif assez considérable. La laïcité telle qu'elle a toujours été conçue et voulue n'a jamais été l'ennemi des religions ni l'apanage d'un quelconque groupuscule. A contrario, elle a permis dès son origine, l'émergence d'une multitude de courants de pensée et l'acceptation d'une pluralité culturelle et religieuse, même si cela ne s'est certes pas déroulé sans douleur. Mieux, elle a été pensée comme un outil de cohésion nationale et non un instrument idéologique. Elle a favorisé un apaisement dans le pays à une époque où les querelles religieuses et la promiscuité étatique étaient légion. Et c’est son émergence qui a forgé l’affirmation d’une identité commune.
Gageons in fine que l'avenir sera meilleur, car il n’y a pas de liberté quand il y a ignorance. L’ignorance est la prison de l’intelligence. Et pour citer l’historien J. Baubérot : « Laïcité et liberté doivent continuer à rimer. Il ne faut donc pas se tromper de réponse aux problèmes auxquels est confrontée la société française : utiliser la laïcité comme un rempart contre les religions (…) est un immense aveu de faiblesse de la part du politique ».
Ce "sacro-saint", nommé laïcité, est érigé en symbole identitaire par certaines alternances politiques et apparaît de plus en plus comme l'un des avatars utilisés pour justifier les estocades portées à ce qui nous fait Nation. La notion exploitée fait office de diversion mais aussi de paravent des différents échecs, année après année, tant sur les plans politique, économique et social qu’environnemental. Le durcissement de son acception au fil du temps n'est devenu que le pendant d'un régime autoritaire, devenu bien trop attentatoire aux libertés individuelles. Le totem laïcité est aujourd’hui employé à toutes les sauces.
Une certaine frange de l'intelligentsia française l’a d’ailleurs bien saisi et a joué de toute sa théâtralité possible auprès d’une partie de la population, sous couvert d’enjeu civilisationnel. Ne nous y trompons pas, car son évocation n’est que l’illustration du sport de combat préféré du politique pour masquer une certaine faiblesse dans les réponses apportées aux enjeux les plus importants actuellement de la société.
Ces gesticulations ne contribuent qu’à trahir profondément l'essence, l'idée même de laïcité avec pour devenir proche une "athéisation" de la pensée commune et de la manifestation religieuse dans la sphère publique. Cela participe d’une politique menée voulant traduire l'image rétive que les religions ne sont que des entraves à la liberté des esprits de sorte qu'il faudrait les passer au carcan. Or, une libération forcée n’a de sens que si elle n’est pas imposée et consentie. Elle contredit de facto l’une des composantes même de la laïcité et va par nature échouer auprès d’un grand nombre de concitoyens qui ne se retrouveront pas dans ces basses vilenies.
Est-ce alors cette société qui est rêvée pour les générations futures ?
Celle d’une invisibilité d’autrui dans l’objectif d'effacer tout stigmate d'une appartenance culturelle ou cultuelle, d’une visibilité de la foi pour le citoyen croyant (par le port d’un signe religieux distinctif par exemple tel que kippa, voile, turban, qamis, abaya, etc.) ou d'une quelconque distinction dans l'espace public ? Une société aseptisée à toute manifestation ou présence religieuse qui chercherait à étendre la neutralité à la population tout entière ? La bascule vers une logique de conscientisation des esprits où chacun serait sous le diktat de la "violence légitime" serait alors très proche.
Cette option n’est donc pas à consacrer par la loi. Pire, elle contreviendrait même à la Convention européenne des Droits de l’Homme en son article 9 dont la France est tributaire et in extenso au préambule de la Constitution de 1958.
« Manifester sa présence et sa singularité est un acte de citoyenneté ». (H. Arendt)
D’aucune façon, les libertés publiques ne devraient être restreintes au nom de la laïcité. Porter un foulard, demander la construction d’un temple, consommer kasher, c’est manifester sa présence en public, c’est être acteur, citoyen actif et intégré de la société. Se rendre visible, c’est assumer sa singularité dans la société d’accueil. Seul l’ordre public doit faire arbitrage ici a fortiori. Mais peu de prescripteurs d’opinion semblent réaliser la méconnaissance profonde de la laïcité que traduisent leurs propos mais aussi leur possible dangerosité pour sa pérennité. Dénoncer les idées fausses autour de la laïcité devient alors un acte de citoyenneté puisqu’une conception renversée et tronquée gagne du terrain dans les idées. Elle cherche avec une certaine prégnance à aseptiser la visibilité de toute forme "étrangère", ou qui en serait le reflet égaré - par connotation ou par supposition à leurs yeux - dans l’espace public. N’en demeurerait dès lors qu’une version édulcorée et vidée du principe : celle de ne pas croire ou de croire seulement en son for intérieur. Tout ceci ne représente pourtant pas ce que le pays dans son histoire d'hier, d’aujourd’hui - et désirons le demain - a de plus beau à offrir et à partager. Car le principe ainsi cristallisé n'a jamais été et ne sera jamais dans l'esprit de ses pères législateurs synonyme de confinement de la présence de soi dans la sphère intime.
La laïcité offre encore de nos jours beaucoup plus d'amplitude que ce que certains veulent lui faire dire. Militer pour le retour, le réapprentissage d'une laïcité porteuse de son essence, célébrant le vivre-ensemble, reconnaissant la diversité de la patrie, celle voulue par A. Buisson et F. Briand, refusant d'être instrumentalisée même si durement acceptée, c'est bien celle-ci la conception libérale et triomphale de la laïcité. Une notion explicitée et mieux formulée, refusant les extrêmes des laïcistes et laïcards de tous bords, aspirant à une égalité de traitement de tous devant la loi, sous le patronage des pouvoirs publics. A l’opposé, elle n’ambitionne pas une vision étriquée et falsifiée de certains intellectuels, sujette aux aléas des passions populaires, "électoralisée" par divers courants politiques. Le principe n’a nul besoin d'être adjectivé si ce n'est de retrouver sa portée d'antan, tant sa définition dispose d'un champ extensif assez considérable. La laïcité telle qu'elle a toujours été conçue et voulue n'a jamais été l'ennemi des religions ni l'apanage d'un quelconque groupuscule. A contrario, elle a permis dès son origine, l'émergence d'une multitude de courants de pensée et l'acceptation d'une pluralité culturelle et religieuse, même si cela ne s'est certes pas déroulé sans douleur. Mieux, elle a été pensée comme un outil de cohésion nationale et non un instrument idéologique. Elle a favorisé un apaisement dans le pays à une époque où les querelles religieuses et la promiscuité étatique étaient légion. Et c’est son émergence qui a forgé l’affirmation d’une identité commune.
Gageons in fine que l'avenir sera meilleur, car il n’y a pas de liberté quand il y a ignorance. L’ignorance est la prison de l’intelligence. Et pour citer l’historien J. Baubérot : « Laïcité et liberté doivent continuer à rimer. Il ne faut donc pas se tromper de réponse aux problèmes auxquels est confrontée la société française : utiliser la laïcité comme un rempart contre les religions (…) est un immense aveu de faiblesse de la part du politique ».