Revenir à la rubrique : Politique

Que vive « la démocratie dans l’autonomie »

L'autonomie : un épouvantail lorsqu'elle est évoquée à la Réunion. C'est donc avec un malicieux sens de la formule que l'ancien maire de Saint-Paul, Alain Bénard, l'associe à une "démocratie locale renforcée" qu'il appelle de tous ses vœux.

Ecrit par L.Grondin – le lundi 28 janvier 2013 à 14H21

Le « manifeste autonomiste » signé d’Alain Bénard et de son frère Jean-Marc Bénard aurait de quoi étonner plus d’un militant de droite. Ces mots qu’on croirait sorti d’un meeting communiste des années 60, Alain Bénard les fait sien. Une prise de position qui mérite des éclaircissements.

Le constat des deux frères est sans appel. « Le suffrage universel montre à chaque élection le peu d’implication des citoyens, les syndicats ne représentent que 10% des salariés. Va-t-on attendre que les élus représentent eux-aussi 10% des citoyens ? », demande l’ancien maire UMP de Saint-Paul. Les taux de participation dégradés des dernières législatives, tant sur le plan local que national, apportent de l’eau au moulin à leur constat.

Malgré la décentralisation des années 80, « les collectivités restent sous tutelle. Le système reste autocratique. La distance qui s’installe entre l’élu et les citoyens s’accentue de jour en jour. Dire que nous sommes dans une démocratie où des élections arrivent tous les 3 ou 4 ans ne suffit pas. La démocratie n’est pas une valeur absolue », selon Alain Bénard. « Même la Russie est une démocratie. C’est dire », ajoute-t-il avec une pointe d’ironie.

Reprenant à son compte la célèbre formule d’un certain Michel Rocard en 1966 : « Il faut décoloniser les provinces », Alain Bénard souhaite faire mûrir la réflexion, au-delà des querelles partisanes. « Il faut plus d’autonomie, sur le modèle de l’Espagne ou de l’Allemagne » et appliquer le principe de subsidiarité pourtant mentionné dans les traités européens. « L’autonomie ne serait pas vécue comme un sas vers l’indépendance, ni comme une demande d’un statut particulier à l’Outre-mer. C’est une autonomie intégrée à la France et à l’Europe. Vive la démocratie dans l’autonomie », sourit-il. L’homme reconnaît cependant que le terme d’autonomie « est une valeur positive, sauf à la Réunion où il est interprété comme une valeur d’exclusion par rapport à la France ».

Aller plus loin dans la déconcentration

Dans les grandes lignes de leur manifeste, les frères Bénard réclament une déconcentration importante des services de l’Etat pour que les collectivités locales puissent se saisir pleinement des dossiers de proximité qui leur incombent. Des réserves accompagnent cette logique fondatrice. « Il ne s’agirait pas d’une autonomie favorable à de nouveaux roitelets locaux, mais d’une déconcentration qui irait vers plus de démocratie », précise Alain Bénard. Et l’ancien maire de Saint-Paul de se rappeler des 32 conseils de quartier qu’il avait initiés sous sa mandature.

Le modèle démocratique tel qu’il prévaut aujourd’hui est selon lui à bout de souffle. « La logique d’un politique élu c’est de prendre le pouvoir et de ne plus le partager. Son seul objectif sera d’être réélu dans cinq ans. Entre deux élections, il n’y a plus de lien entre l’élu et le citoyen. Les gens ne sont plus des troupeaux. Ils ont tous les outils pour s’informer. Ils ne sont plus prêts à déléguer leur existence à un représentant. Quand les gens sentent qu’ils ne sont plus entendus, qu’est-ce qui leur reste si ce n’est barrer la route ? », demande l’ancienne tête de liste pour la droite aux Régionales 2004.

« Les partis politiques, les syndicats, offrent un prêt-à-penser dont les gens ne veulent plus. On y continue mécaniquement à leur demander d’élire des responsables alors que de moins en moins de gens acceptent qu’on parle pour eux », poursuit-il. Dans ce manifeste « autonomiste », les frères Bénard ne sont pas tendre vis-à-vis des « porte-paroles professionnels que sont devenus les élus ».

« Prendre le pouvoir pour le dissoudre »

« L’Etat dit : il faut protéger la canne, il faut protéger le littoral, les hauts. Tout le monde est d’accord sur le principe mais quand on superpose toutes ces réglementations, ça coince. Trop de règles tue les initiatives. Posons nous la question : est-ce que l’Etat est le mieux placé pour répondre à une question d’ordre local ? », énonce Alain Bénard. Sans concession sur ce qui occupa une partie de son existence, il affirme que « la conquête du pouvoir débouche inéluctablement sur une nouvelle bureaucratie ».

Plus de démocratie locale « n’est pas contradictoire selon moi avec des contrôles encore plus appuyés d’institutions comme la Chambre des comptes. Ce n’est pas incompatible avec plus de liberté », juge-t-il. Derrière ces prises de position étonnantes pour un ancien élu de premier plan, Alain Bénard évoque enfin les outils qui permettront de transformer l’essai. « Désormais, le seul programme électoral qui vaille, c’est celui qui propose la restitution des pouvoirs de l’Etat aux citoyens, du maximum de pouvoir possible. L’élection reprendrait alors tout son sens. S’il faut encore prendre le pouvoir, ce n’est plus pour l’exercer, mais pour le dissoudre, pour le rendre aux gens, à la foule intelligente, aux réseaux, aux usagers, à la multitude. Bien sûr pas sous la forme de l’anarchie ou du désordre, ce qui serait un remède pire que le mal, mais dans le cadre d’une organisation responsable », conclut-il.

——-
Aller plus loin dans l’espace de réflexion d’A. et J-M. Bénard

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

Soupçons d’emplois illégaux à la Région : « La fin ne saurait justifier les moyens »

La procureure de la République Véronique Denizot a demandé la condamnation des 11 prévenus de l’affaire des emplois présumés illégaux de la Région, ce jeudi lors de la quatrième journée du procès, une peine de 5 ans d’inéligibilité étant notamment requise pour l’ancien président Didier Robert, visé pour prise illégale d’intérêts et détournement de fonds . L’actuelle mandature de la Région, partie civile du procès, a demandé un préjudice à hauteur de 1,5 million correspondant à la somme des salaires versés aux huit conseillers techniques poursuivis pour recel.

Ratenon : « Rougail saucisses ek ketchup, plus jamais ça ! »

Jean-Hugues Ratenon a adressé un courrier au préfet pour faire part de ses inquiétudes devant le cours de deux essentiels de la cuisine locale et dans lequel il demande une table ronde avec tous les acteurs de la filière. Il poursuit son mécontentement sur les réseaux et “si ça ne plait pas au préfet tant pis”.

Marine Le Pen ne voit pas ce qu’il y a d’extrême dans ses idées

La figure de proue du navire RN est à La Réunion pour une visite de trois jours dans le cadre des Européennes. Elle a notamment surpris le bureau régional de son parti en annonçant la sélection d’une candidate réunionnaise qui n’était pas présélectionnée et a martelé sa position sur l’octroi de mer même si le dispositif national n’est pas à l’ordre du jour des Européennes.