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Quand notre « vivre ensemble » vacille…

En guise de verdict des urnes, La Réunion se prend un coup de marteau (et de faucille) sur sa gauche, et un retour de flamme tricolore sur sa droite. D’un extrême à l’autre, comme des vagues ballotées entre flux et reflux, les esprits sont perdus, les réveils sont difficiles, et une crispation soudaine apparaît. Sur […]

Ecrit par Jerry Ayan – le mardi 25 avril 2017 à 17H33

En guise de verdict des urnes, La Réunion se prend un coup de marteau (et de faucille) sur sa gauche, et un retour de flamme tricolore sur sa droite. D’un extrême à l’autre, comme des vagues ballotées entre flux et reflux, les esprits sont perdus, les réveils sont difficiles, et une crispation soudaine apparaît. Sur les réseaux sociaux, dès l’annonce des résultats du premier tour à La Réunion, un cri unanime surgit de toutes les bandes colorées d’un arc-en-ciel que l’on croyait intouchable : mais où est donc passé notre « vivre ensemble » ? 

L’avis de recherche est lancé comme une bouteille à la mer. Nous voici naufragés de notre belle idéologie métisse et plurielle. Péi Bato Fou, prémonitoire ? Oui, voici l’entente cordiale du « peuple mosaïque » brusquement vacillant sous les coups de boutoir d’un vote expiatoire, mais pourtant récemment annoncé par certains sondages. Malgré tout, la belle peinture multicolore a continué à agiter ses langueurs hypnotiques devant nos yeux. Il fallait déjà arracher le voile et changer le formatage. Il fallait oser aller à l’encontre de la bien-pensance béate et afficher une voix discordante. 

J’avais apporté cette contradiction lors d’une rencontre à laquelle j’avais été convié avec le candidat Emmanuel Macron et le Groupe de dialogue interreligieux. Le prétendant aujourd’hui finaliste souhaitait, comme tant d’autres, s’enquérir de ce modèle réputé unique du « vivre ensemble » réunionnais, s’en irriguer des vertus afin de l’ériger en exemple à la face de la République. Mon discours a vogué en solitaire au milieu des flots de paroles bienheureuses, bienveillantes et douceureuses, lorsque j’attirais l’attention sur la fragilité de ce « vivre ensemble ». 

Je faisais remarquer que ceux qui, autour de la table, l’inscrivent en fierté absolue sont les représentants de générations que l’on qualifiera d’avancées. Mais quelle est la vision du « vivre ensemble » des plus jeunes ? Surtout, avons-nous réussi le pari de la transmission ? Notre « vivre ensemble » n’est-il pas aujourd’hui phagocyté par une globalisation envahissante, relayée par des médias digitaux qui échappent souvent à nos contrôles ? Même la génération intermédiaire Y a pris l’habitude du maelström numérique pour s’informer, se faire des idées, et décider. Et l’on connait ce monde dirigé par les algorithmes qui, à leur tour, nous dirigent si l’on n’y prend garde. 

Le concept du « vivre ensemble » s’y dilue dans les « fake news » et dans un zapping du trop d’infos qui tue l’info. Son corps, son sens, son essence, se liquéfient dans la pente descendante de la pyramide des âges. Et on ne peut plus guère l’opposer comme valeur combattante face à ceux et celle (sans « s », nous désignons bien là une seule personne !) qui ont réussi l’exploit de cacher leur xénophobie derrière l’exploitation des misères de notre société, et rendre acceptable un bulletin jadis teinté de peur et de honte que l’on prenait du bout des doigts.

Bien sûr, cela n’explique pas intégralement cette révolte exsudée des urnes. Mais ce vote qui nous interpelle, voire nous choque, ici à La Réunion, mérite une grande réflexion sur la façon d’animer notre « vivre ensemble ». Nous devons nous renouveler, être pédagogues et créatifs, volontaires et ambitieux. Et autant le résultat de ce premier tour des élections présidentielles marque une rupture, autant nous devons marquer une rupture dans l’image du « vivre ensemble ». Il nous faut nous exiler de l’univers des Bisounours et regarder les réalités en face. 

En lieu et place des politiques, qui ont compilé les maladresses et les tentatives de récupérations, je crois plutôt dans les vertus des nombreuses associations qui font vivre la culture plurielle réunionnaise. Si notre « vivre ensemble » vacille aujourd’hui, celles-ci sauront faire le nécessaire pour la revitaliser et lui donner une nouvelle dimension. Pour que La Réunion garde toujours une petite marche d‘avance sur le monde !

Utopiste, moi ? Non, j’aime les combats citoyens dont l’évidence n’est pas la première esquive…

 

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